Quelques approches de la transformation de la ville
Après avoir identifié les principaux enjeux
à traiter dans l'approche de la maîtrise d'oeuvre, ainsi que les
quelques éléments de réponses apportés par les
candidats à ce jour, nous aimerions traiter de certaines approches de la
transformation de la ville, rencontrées dans nos lectures, qui trouvent
leur sens dans la phase de réflexion qui précède le
démarrage d'un projet de renouvellement. Il nous semble en effet qu'il
est aisé de s'arrêter au traitement (dans le sens de trouver une
réponse à) de problématiques physiques, structurelles ou
environnementales d'un territoire, sans s'attarder à la manière
de penser la transformation. Renouveler un morceau de ville, c'est comprendre
ce lieu dans ce qu'il a d'unique en embrassant, non pas chacune de ses
composantes une à une, mais leur ensemble.
Réinterpréter l'histoire du lieu
Même si cela n'est pas explicitement exprimé dans
notre cahier des charges, Chantenay est un site chargé d'histoire, et il
est indispensable de prendre en compte cette caractéristique dans la
réflexion qu'il va falloir mener sur son évolution. C'est un
point qui d'ailleurs revient souvent dans nos lectures, à savoir
l'impact du passé dans la transformation d'une ville. Ainsi sur ce
sujet, nous pouvons reprendre les écrits de Patrick Geddes, qui
énonce déjà au début du XXe siècle, qu'
« un projet de création urbaine ne peut échapper à
l'abstraction que s'il est précédé d'une vaste
enquête portant sur l'ensemble complexe des facteurs qu'il met en jeu
». Le projet urbain, selon Geddes, « doit être la
résultante et la fleur de toute la civilisation d'une communauté
et d'une époque, en intégrant le passé sous forme
d'histoire des idées, des institutions et des arts ». Par ailleurs,
si Geddes valorise le passé, il n'en reconnait pas moins l'importance de
la situation contemporaine, sa spécificité : il considère
qu'aujourd'hui est une transformation du passé, et non sa
répétition.
Studio 012, Bernardo Secchi & Paola Vigano, note d'intention
(2012)
Il s'agit donc, pour le projet du Bas Chantenay, de bien prendre
en compte l'histoire du site.
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La façon dont il a été urbanisé et
la culture locale qui s'y est développée autour du milieu
ouvrier, le rapport aux maisons ouvrières intégrées sur
les hauteurs, les éléments de patrimoine remarquables, sont
autant de critères à intégrer dans le dessin du nouveau
Bas Chantenay. A ce titre, il serait judicieux d'affirmer clairement dans notre
cahier des charges notre volonté de voir s'affirmer un positionnement
quant à l'histoire et au patrimoine culturel du quartier.
Villes & Paysages, note d'intention (2012)
Pour reprendre l'exemple nantais, l'urbaniste
Pranlas-Descours, chargé de la ZAC Bottière-Chénaie
à Nantes, parle volontiers d'un projet d' « association urbaine
plutôt que de composition urbaine ». Il estime que le maître
d'oeuvre doit s'employer à un « travail de révélation
pour retrouver des organisations territoriales plus anciennes ». Nicolas
Michelin se rapprochera de la position de Geddes dans sa note d'intention en
affirmant que le devenir du quartier « doit s'inscrire, non pas dans une
continuité stricte, mais dans la compréhension de ce
passé, et dans une transformation progressive et évolutive,
à l'écoute de l'émergence de nouveaux usages et programmes
». Et de manière assez judicieuse, Michel Desvigne conclura sa note
d'intention par une mise en bémol de cette tendance qui voudrait une
prise en compte à tout prix de l'histoire et du patrimoine, et de la
possible nécessité, au contraire, d'aller de l'avant. Il explique
en effet que « la modernité de cette nouvelle façade du
centre de Nantes ne doit pas être écrasée par le patrimoine
». Selon lui, « on est sans doute arrivé au bout d'une
logique. A eux seuls, les vestiges et leurs traces ne suffisent pas à
restaurer l'aspect des villes. La situation actuelle offre au contraire une
forme de liberté, celles de certaines périodes où les
villes ont su affirmer leur renouvellement ».
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