La Cour de Justice de la CEDEAO à l'épreuve de la protection des Droits de l'Homme( Télécharger le fichier original )par Thierno KANE Université Gaston Berger de Saint- Louis Sénégal - Maitrises en sciences juridiques 2012 |
B. Un nouveau mode de recrutement des juges confié à organe spécialiséLe développement continu du droit dans une société de plus en plus complexe et aux valeurs multiples et concurrentes appelle à l'existence de « juges chargés à la fois de régler les différends et d'identifier des valeurs et principes communs à tous »67(*). Certaines normes sont devenues plus techniques et spécialisées ; elles se contredisent, se chevauchent, se superposent à d'autres tant et si bien que le juge est naturellement sollicité de plus en plus pour décider de leur interprétation, leur champ d'application, combler les lacunes et résoudre les contradictions éventuelles. Une bonne justice nécessite préalablement donc de bons juges pétris de compétence juridique et mais qui sont également intègres (pour ne pas être embarqués dans un micmac). Pour ce faire, il est nécessaire de définir les critères objectifs quant aux choix des juges qui doivent animer l'institution. Les critères de qualification et d'expérience ont été clairement définis pour permettre le recrutement de juges capables de contribuer, par la qualité de leurs décisions, à la construction d'un droit communautaire susceptible de consolider et d'accélérer le processus d'intégration régionale. Dans cette veine, des modalités de recrutement des juges axées sur une base compétitive constituent la condition sine qua none pour garantir ainsi la crédibilité et l'autorité de la Cour. La Cour a choisi ses juges. Ils doivent être des personnes de haute valeur morale(...) possédant les qualifications requises dans leur pays respectifs pour occuper les plus hautes fonctions juridictionnelles, ou qui sont des jurisconsultes notoires en matière de droit international.68(*) La Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement a institué en 2006 un Conseil judiciaire de la Communauté pour procéder à la sélection des candidatures afin que ces critères soient mieux respectés. Ce Conseil a pour objectif de « gérer le processus de recrutement des juges de la Cour de justice de la Communauté et des questions disciplinaires »69(*). Il est composé des Présidents des juridictions suprêmes de l'ordre judiciaire ou de leurs représentants, ressortissants des Etats auxquels les postes de juges n'ont pas été attribués. Le Conseil, dans le cadre du recrutement des juges à la Cour, présélectionne trois candidats par Etat membre parmi les postulants. Il auditionne les candidats présélectionnés et fait des recommandations à la Conférence pour la nomination des juges à la Cour de justice de la Communauté. A ce titre, par cette nouvelle procédure de recrutement des juges de la CJ CEDEAO, les Etats n'ont plus le pouvoir de désigner les juges de leur nationalité70(*). Le professeur A.SALL a pu dire « retirer aux Etats la maitrise de tout le processus de désignation des juges, dans des organisations dont on s'est longtemps complu à déplorer la faiblesse constitue un acte audacieux. »71(*). Nommé à titre individuel suite à un appel à candidature, les juges ne représentent pas les Etats dont ils sont les ressortissants. Ce serait injurieux de porter un tel jugement à leur égard. Ce choix de la composition de la Cour et du recrutement des juges est dicté donc par un souci d'éviter une mainmise de l'appareil politique sur le système judiciaire. Par ricochet, il s'est agi d'améliorer les performances de la Cour de Justice de la Communauté et l'amener à contribuer réellement au processus d'intégration. Le Conseil doit donc veiller à la recherche de bon profil. La fonction essentielle des juges étant celle de dire le droit, ils ne pourront s'y consacrer que s'ils sont compétents et intègres Les critères de moralité et d'indépendance ont été mieux précisés pour s'assurer que les juges possèdent une haute valeur morale à leur entrée en fonction. Pour garantir l'observation de cette valeur pendant toute la durée de leur mandat, il est prévu à la place de la procédure qui habilitait la Cour à s'occuper elle-même des questions de discipline concernant ses propres membres, un mécanisme de règlement de ces questions, ainsi que de celles relatives à l'incapacité physique et mentale des membres de la Cour. Ce mécanisme qui s'inspire de la pratique en cours dans les juridictions nationales, fait intervenir le Conseil judiciaire de la Communauté composé dans ce cas, des Présidents des juridictions suprêmes de l'ordre judiciaire ou de leurs représentants, des Etats dont les ressortissants ne sont pas membres de la Cour et d'un représentant de la Cour, élu pour un an par ses pairs. L'impact réel du système sous-régional de protection des droits de l'homme se mesure à l'aune du caractère de l'institution mise en place mais également de ceux qui l'anime. Le mode de désignation des juges proposé par la CEDEAO est une balise qui permet d'exciper une certaine versalité des membres pour que la Cour fasse florès. Ayant été recrutés sur une base compétitive, les juges bénéficient également d'une intégrité dans leurs actions. * 67 J. Chevallier, L'État post-moderne, Paris, LGDJ, 2004, pp. 133ss. * 68 Art.3 du protocole sur la Cour de justice. * 69 Le Conseil judiciaire de la Communauté a été créé par la Décision (A./DEC.2/06) de la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement du 14 juin 2006 * 70Les membres de la Cour sont nommés par la Conférence et choisis sur une liste de personnes désignés par les Etats membres (Art 3(4). C'est le secrétaire exécutif qui préparait la liste des candidats désignés (art.3(5) * 71 A.SALL, Op.cit., p.53 |
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