a. La pauvreté
Le chômage, le sous emploi, les conditions de vie
désastreuses sont dues par la pauvreté. Dès lors, cette
pauvreté entraine le manque d?opportunité, de là à
renforcer le cycle de perpétuation de la violence.
Dans son administration politique, Mobutu promut la
Zaïrianisation ou
authenticitéafricaine. Ce système,
méthode de retour aux valeurs africaines traditionnelles, consistait
à ne
consommer que des produits africains faits par les africains.
Il intégrait aussi le système
culturel et même la
pensée. Les effets de cette zaïrianisation ont été
dévastateurs notamment
sur l?économie. D? après
Ndikumana et Kisangani, la zaïrianisation a endommagé le secteur
privé, décrédibilisée l?Etat au
plan international dérivant sur la faillite de
l?économie131. Pour pallier à cette situation
économique désinvolte, Mobutu se retourne vers les institutions
financières internationales pour obtenir de l?aide. Les dettes sont
concoctées, mais, une fraction infime est utilisée à bon
escient, c?est-à-dire pour financer l?économie. Cette situation
conduit à un endettement massif qui amène la RDC à
appliquer les PAS dans la seconde moitié des années 1970. Mais,
les effets des réformes proposées par la BM et le FMI sont
insignifiants ; car l?économie continue à se
détériorer. Par exemple, entre 1978 et 1988 le PIB annuel
décroit de 1.2% et le taux d?inflation s?élève à
56% par an132. Le social en subit profondément le choc
d?autant plus que, la pauvreté installe son nid dans les provinces de la
RDC et au Nord Kivu. La pauvreté à son tour crée le manque
d?opportunité qui encourage une part importante de la population et
surtout les jeunes à entrer dans les milices. Ceci est une
opportunité de mobilité sociale. Séverine
Autessere133, reprenant les propos d?un enquêté lors de
sa recherche sur les causes des violences en RDC asserte que les Mayi-Mayi ont
très faim pour respecter certaines valeurs. L?appartenance à une
milice donne à ses membres un sentiment de reconnaissance, de respect et
la considération d?être distincts de la masse. L?appartenance
à une milice permet aux groupes jadis marginalisés tels que les
jeunes d?avoir une ascension sociale, de se positionner à des endroits
qui leur étaient refusés. Dès lors, ils n?ont aucun
intérêt à ce que la paix revienne ; la guerre étant
un moyen d?atteinte d?une position sociale respectable et lucrative. Autessere
affirme à Ce titre «many Mayi-Mayi chiefs knew that, should
peace return to the Congo, they would lose their status as all-, kinglike
leaders and become once again mere soldiers-often ill-trained and illiterate.
This was one of their main motivations for refusing to be integrated into
army»134.
Il y?a donc lieu de constater que la guerre et
l?enrôlement dans l?activité belligérante constitue un
moyen efficace d?émergence sociale et de lutte contre la pauvreté
pour la plupart des populations intégrés dans les milices. Avec
le poids des guerres, les infrastructures économiques et de
développement sont détruites. Les terres s?amenuisent et l?emploi
se raréfie. Il est vrai, l?on note quelques projets de
développement au Nord Kivu, mais, ils sont beaucoup plus
focalisés sur l?aspect humanitaire de la reconstruction post conflit.
Dans ce contexte, l?enrôlement au sein des milices devient une
activité génératrice de revenus.
L?insécurité et la violence dans cette perspective sont donc
retracées à partir de la pauvreté
131 Ndikumana, Leonce and Kisangani Emizet: The Economics of
Civil War: the case of Democratic Republic of Congo in Political Economy
Research Institute, number 63, 2003, p.18
132 Id, p.19
133 Autessere, Séverine :
Local violence,National Peace ?Postwar « settlement
» in the eastern D.RCongo(2003- 2006) in African Studies Review,
volume 49,number 3?December 2006),p.13
134 Id, p.13
b. Les ressources naturelles
Nous le soulignions plus haut, le Nord Kivu est une zone
riche en Cassérite, Coltan et Or. L?étude du positionnement des
groupes armés décèle une forte activité de ceux-ci
et des conflits majeurs dans les zones dotées des potentialités
en ressources naturelles.
Les ressources naturelles constituent des facteurs de violence
directe en trois principaux éléments. Premièrement, les
acteurs nationaux se battent entre eux aussi bien que contre les groupes
étrangers pour le contrôle des sites miniers. C?est le cas des
FDLR et des Mayi-Mayi. Dans les sites miniers du Nord Kivu, les combats sont
permanents135. Deuxièmement, l?exploitation illicite des
ressources naturelles permet à tous les groupes armés de financer
leurs efforts de guerre, qui entraine les conflits. Troisièmement, le
contrôle des sites miniers par les groupes armés cause des
violences massives sur les populations locales. Dans l?un de ses rapports,
Global Witness relève des violations des Droits de l?Homme et du Droit
International dans les mines du Nord Kivu. Il écrit à ce titre
que tous les groupes armés sont impliqués dans les violences
contre les civiles et que ces abus sont « integrally linked to natural
ressources...as they were employed as methods by which to gain control either
over resource-rich areas or over the ability to exploit them
»136.
Plusieurs canaux permettent aux groupes armés de
financer leurs activités. Le premier mode de financement de la guerre
c?est la taxation directe par laquelle l?armée nationale et/ou les
rebelles extraient les ressources naturelles en utilisant les soldats et la
force du travail civile. La taxation aussi en l?obtention d?une taxe soit
financière ou en ressource naturelle sur la production des creuseurs. A
ce titre, entre janvier et octobre 2000, le coltan exporté à
travers les comptoirs contrôlés par le RCD-G avoisine 6.7 millions
de dollars US137. Ces groupes belligérants financent
également la guerre par l?expropriation, la confiscation des ressources
naturelles et toute autre forme de richesse. L?expropriation est
effectuée soit directement dans les mines ou à travers la
construction des barrages le long des routes d?acheminement des ressources
naturelles extraites. Plusieurs barrages peuvent etre constitués entre
des puits de mines et les comptoirs commerciaux. Par moment, lorsque la
production s?avère insatisfaisante, les rebelles vont dans les villages
pour s?approvisionner en main d?oeuvre ceci par la force, les sévisses
corporelles ou les arrestations massives.
135 Global Witness: La paix sous tensions,
dangereux et illicite commerce de la casserite dans l'est de la RDC, juin
2005, p.4, 8,16
136 Id, p.10
137 International Peace Information Service:
Supporting the war Economy in the DRC :Europeans Companies and the Coltan
Trade» , an IPIS Report, January 2002, 2002, p.12
Toutefois, la prédation des ressources naturelles
alimente au plan interne la violence directe au Nord Kivu. Stephen Jackson
relève qu?environ 72.000 kg de tantalite sont expédié une
fois tous les 10 jours vers le marché international dont Londres,
Amsterdam et Bruxelles constituent les destinations principales. Le rythme et
la fréquence de l?exploitation des ressources naturelles ainsi que la
géostratégie du positionnement des groupes armés prouvent
tous que, les richesses naturelles ont une part importante dans la
criminalisation de la guerre au Nord Kivu.
Aussi bien cette question des ressources naturelles se pose
comme facteur interne, elle peut également être
évoquée comme facteur externe de la violence directe. Mais, la
différence en est qu?au plan externe, les questions idéologiques
constituent de façon officieuse le mobile d?appropriation des ressources
naturelles.