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Le conte et l'éducation chez les Lokpa du Bénin

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par Akéouli Nouhoum BAOUM
Université d'Abomey- Calavi (Bénin ) - Maà®trise en lettres modernes 2010
  

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2.3.2 Structure du conte Lokpa

Le conte Lokpa n'a pas une structure fixe. Comme nous l'avons constaté plus haut, ils (les contes) ont des structures différentes et ces structures obéissent le plus souvent à la rhétorique, à l'argumentaire du conteur. Les contes Lokpa peuvent être classés dans les différents types définis par Denise PAULME. Ainsi dans notre corpus, le conte n°1 est du type complexe car il est composé de plusieurs séquences de type ascendant, descendant ou cyclique. A chaque séquence apparait un ou plusieurs nouveaux personnages et d'autres disparaissent100.

Le conte n°2 est en spirale. Mais contrairement à ce que soutient PAULME, le héros ne reçoit pas l'aide de ses alliés animaux, mais plutôt trois conseils d'un vieillard à qui il a donné ses trois chameaux. Malgré la différence de contenu entre l'exemple de PAULME et notre conte, la structure reste la même. Le héros rencontre trois situations successives, aidé par les trois conseils, il en sort riche et comblé.

La forme du conte permet au conteur de soutenir sa pensée, sa philosophie. Dans le conte précédent, par exemple, le conteur a voulu montrer l'utilité des conseils des personnes âgées. Il donne la chance au héros de rencontrer un vieillard, de réussir l'épreuve à lui imposée par le vieillard, puis de survivre et même de devenir riche grâce aux conseils qu'il a reçus après l'épreuve101. La forme en spirale a permis de montrer l'utilité des conseils du vieillard. Elle a permis de mettre le héros face à trois situations nécessitant chacune l'application d'un conseil. Certains conteurs déconstruisent leurs contes dans le seul but de dire ce qu'ils veulent dire. Le conte n°6 a une structure assez spéciale et celle-ci illustre ce que nous avons dit plus haut, à savoir la corrélation entre la structure et le message du conte. En effet, le conte Lokpa s'ouvre presque par T? tìì prononcé par le conteur, et T? yàà102 qui est la réponse de l'auditoire. Une fois ces formalités remplies, tout ce qui suit est considéré comme faisant partie du conte. Donc notre conte commencerait à partir du syntagme 1 et s'achèverait au syntagme 130. Or du syntagme 1 à 9, le conteur s'est livré à une tirade philosophique sur l'idéal sociétal. Il nous

100 Pour plus de détails voir le chapitre 1.3.4 La morphologie du conte africain selon Denise PAULME

101 Propp, Fonction n°12

102 Pour plus de détails voir 2.1.5 Comment se déroule l'énonciation d'un conte

apprend en clair qu'une société ne peut être équilibrée que si elle est composée de façon hétéroclite : intelligents, moins intelligents, pas du tout intelligents ensemble. Par analogie, nous pouvons ajouter, forts, moins forts, faibles, riches, moins riches, pauvres etc.

Du syntagme 10 à 20, le conteur nous fait un cours de géographie et d'histoire. Il change radicalement de sujet. Il nous explique l'origine du nom Foumbéa qui serait issu du Yom : « firmpiyà kg. mpó t56 ciyà t5m ki. si h5tiryir sirkpélúyu (firmir bíyàyà103) » traduit comme : « Le nom Foumbéa vient du Yom. Cela signifie ?petite forêt ?(forêt//enfant) ». Il nous rappelle qui est le fondateur du village, nous situe dans un espace géographique qui n'a rien à avoir avec la fiction.

A partir du syntagme 21, il annonce aussi que dans la "petite forêt" aujourd'hui village de Foumbéa vivaient les hyènes (protagonistes dans la vraie histoire) et ces hyènes tuaient les moutons (autres protagonistes). Cette annonce des protagonistes lance aussi le conte. L'histoire l'étend jusqu'au syntagme 126. Nous n'avons plus la trace du fondateur du village. Il a disparu comme il est venu. Seuls moutons, cabris et hyènes ont eu la parole et le droit à l'action.

Mais subitement le conteur conclut : « C'est ainsi que le Lokpa quitta Kpàlàkir et alla s'installer à Foumbéa et l'on parle aujourd'hui de Foumbéa. » Cette conclusion vient donner aussi une réponse à comment le village de Foumbéa est né lancé par le conteur.

Nous constatons une déconstruction du récit du conteur. Deux histoires sont racontées simultanément : une fictive et une vraie. L'histoire fictive, c'est celle qu'on pourrait appeler "conte", le vrai conte, celle du mouton, du cabri et de l'hyène. A côté de celle-ci, nous avons la vraie histoire, vraie dans le sens d'historique, située dans le temps et dans l'espace. Nous ne pouvons malheureusement certifier si la version du conteur est conforme à celle de l'histoire. Le conte semble incohérent, mais quand nous y prêtons attention, l'évidence nous saute à l'oeil : le conteur a tout prévu, et n'a rien dit au hasard.

La tirade qui a ouvert le conte, nous prépare déjà à mieux comprendre le choix des personnages (mouton "pas intelligent" et le cabri très intelligent). Ce développement permet au conteur de s'assurer qu'il sera bien compris.

Cette tirade est aussi comme une thèse que l'histoire du mouton et du cabri vient démontrer, défendre. Le conteur nous a bien montré comment le cabri s'est servi de la peur du mouton pour faire peur à l'hyène leur bourreau.

Ce qui n'est, en revanche, pas clair, c'est l'insertion de l'histoire de la création de Foumbéa. Elle est sûrement due à la volonté du conteur de rendre son histoire le plus vraisemblable possible. En s'appuyant sur les lieux connus, il donne l'impression que son histoire est réelle. En plus elle est directement liée à l'histoire fictive du mouton et du cabri. Une association qui accentue la vraisemblance.

La morphologie du conte Lokpa est donc changeante. Elle peut être simple, complexe. Elle est surtout parfois voulue par le conteur. Ce qui a pour conséquence de la rendre parfois encore plus complexe. Elle peut aussi parfois contenir certains éléments remarquables qui donnent plus d'allure et de beauté au conte. Il s'agit, dans le conte Lokpa, surtout : du chant, de l'onomatopée ou des interjections du conteur ou de l'auditoire.

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery