République du Bénin Université
d'Abomey-Calavi Faculté des Lettres, Arts et Sciences
Humaines Département des Lettres Modernes
MEMOIRE DE MAITRISE
Le conte et l'éducation chez les Lokpa du
Bénin
Etudiant BAOUM Akéouli Nouhoum Mémoire
dirigé par
Madame Thècla MIDIOHOUAN Maître de
conférences à l'UAC
i
Dédicace
A la mémoire de mon père qui a eu la sagesse de
m'envoyer à l'école, et qui m'a toujours appris que, lorsqu'on
monte une pente à vélo, tant qu'on n'a pas encore atteint le
sommet de la pente, il ne faut jamais arrêter de pédaler,
A ma mère qui a dépensé le dernier de ses
sous, qui s'est privée du luxe des pagnes, pour que je ne meure de faim
sur la voie de l'école,
A mon épouse qui a su trouver les mots justes pour
m'encourager à aller de l'avant dans la rédaction de ce
mémoire, alors que je perdais espoir,
A toutes les autres personnes qui me sont chères, et qui
dans leurs rêves comme dans leurs prières pensent à moi,
Je dédie ce mémoire.
ii
Remerciements
Mes remerciements les plus sincères vont à
l'endroit de :
Mme Thècla MIDIOHOUAN, pour avoir accepté
malgré toutes ses occupations de diriger ce travail. C'est grâce
à la lumière de ses conseils que ce travail a pu être
conduit à bon port,
M. ALI Yao Pierre, mon deuxième père, qui a
consenti d'énormes sacrifices pour la réussite de mes
études universitaires,
Mon jeune frère, BAOUM A. Abdoul-Rahamane, sans qui je
n'aurai pas pu réussir ce travail à distance,
Mon ami, ABAOU Souradji, qui a lu mon travail et m'a
encouragé,
M. Gero STEUP, grâce à qui j'ai pu avoir
accès aux livres de la bibliothèque universitaire de Bonn,
Des habitants du village de Foumbéa grâce à
qui j'ai pu constituer mon corpus.
iii
Sommaire
Introduction
|
1
|
1. L'aventure du conte
|
4
|
1.1 Les origines du conte
|
4
|
1.2 Essai de définition
|
.8
|
1.3 Classification des contes
|
..22
|
2. Le conte et l'éducation chez les Lokpa
|
..33
|
|
2.1 Définition et précision du sens des termes :
Education, parole et conte
|
..33
|
2.2 La performance du conte chez les Lokpa
|
.36
|
2.3 Analyse des contes du corpus
|
50
|
2.4 Etude des thèmes dominants et interprétation
des contes
|
.64
|
Conclusion
|
99
|
Bibliographie
|
.101
|
Table de matières
|
105
|
Annexes (Corpus de contes)
|
..108
|
INTRODUCTION
Le peuple Lokpa est un peuple du nord-ouest du Bénin.
Selon Bawanam Bernard SINDJALOUM, « Le grand groupe socioculturel
Lokpa est subdivisé en deux sous groupes, les Lama et les Lokpa ; ce
grand groupe occupe plusieurs portions des territoires des Etats d'Afrique
Occidentale : les Lokpa de Ouaké dans le département de la Donga
au Bénin ; les Lokpa Kabiyè (Apalu, Cillaalu) de
Lamakara, de Niamtugu, et de Pya au Nord-Est togolais ; les Lokpa Tala
Wèle, Kumatè du Nord-Est du Mali ou de la
Guinée1. » Comme nous pouvons le constater à
travers le propos B. B. SINDJALOUM, tous les Lokpa du Bénin se
réclament de Ouaké qui est une commune frontalière du
Togo. Ouaké est la source de la plupart de Lokpa du Bénin. Mais
limiter les Lokpa à cette seule commune constitue une exclusion d'une
majeure partie des Lokpa du Bénin. En effet, les Lokpa sont
répartis sur presque toute l'étendue du territoire
béninois. Il existe des villages peuplés presque uniquement de
Lokpa hors de la commune de Ouaké. C'est le cas de Foumbéa,
village composé seulement de Lokpa dans lequel nous avons fait nos
recherches. Ce village est situé dans la commune de Djougou, plus
précisément dans l'arrondissement de Kolokondé.
Les Lokpa sont en majorité des agriculteurs. Ils vivent
de la terre comme la plupart des peuples d'Afrique noire. Ils font la chasse
comme sport et surtout pour avoir de la viande. Mais la chasse
(Làkú) chez les Lokpa est une activité régie par
des règles strictes. Elle se fait après les récoltes et
reste la chose des hommes. Il y a la chasse normale (Làk?) et la chasse
nocturne (Kùtùsù??).
Les Lokpa d'aujourd'hui sont chrétiens, musulmans ou
traditionalistes (il faut entendre par traditionalistes ceux que d'autres
appelleraient "animistes"). Certains sont à la fois
"chrétienstraditionalistes" ou "musulmans-traditionalistes". Cela veut
dire bien que les Lokpa aient épousé les religions modernes, ils
demeurent attachés à leurs valeurs culturelles. En
témoigne l'influence qu'ont encore certaines traditions
héritées des ancêtres. La fête de la
lanière2 ou Kàm??? est une illustration de la
vivacité de la culture Lokpa. Des pratiques restées intactes
malgré l'influence de la modernité ambiante. Les Lokpa ont
gardé leurs traditions : chants, danses, prières, rites et
autres. C'est un peuple qui a une littérature orale abondante mais qui,
malheureusement, n'est pas bien connu dans le domaine de la recherche. Le seul,
à notre connaissance, qui a tenté une description de la culture
Lokpa, c'est B. B. SINDJALOUM que nous avons cité plus haut. Or la
littérature orale de certains peuples d'Afrique noire a connu
un traitement particulier. Elle est souvent citée comme
exemple dans le domaine de la recherche. De chercheurs célèbres,
tels que Amadou HAMPATE BA, Lilyan KESTELOOT, Jean DERIVE, Christiane SEYDOU,
Géneviève CALAME-GIAULE (cette liste n'est pas exhaustive) ont
étudié et certains continuent d'étudier les
littératures orales africaines (Sénégalaise et malienne
surtout). Mais cette littérature reste inépuisable, et se
développe, passant ainsi de génération en
génération. Dans cette Afrique pluriethnique, de nombreux peuples
sont simplement oubliés. Le manque d'intérêt des chercheurs
pour ces littératures orales des peuples oubliés a pour
conséquence la non-prise de conscience des populations elles-mêmes
de la valeur de ce trésor inépuisable qui chaque jour se
renouvelle et se développe. La société Lokpa
n'échappe ni au phénomène de méconnaissance de sa
propre culture, ni à la dynamique de celle-ci.
Le présent mémoire a pour ambition d'apporter un
peu de lumière sur ce peuple. Le choix du thème a
été guidé par cette envie. Pour y parvenir, le choix a
été porté sur le conte. Précisément, le
rôle que le conte joue dans l'éducation chez les Lokpa. La
question nous serait peut-être posée de savoir, pourquoi vouloir
faire connaître le peuple Lokpa en s'intéressant juste à
ses contes ? Mais y a t-il plus beau moyen de connaître un peuple que de
le faire en étudiant une des manifestations de sa culture ? Le conte,
genre prépondérant, profane accessible à tous (enfants,
adultes, filles, garçons, hommes, femmes, vieux ou vieilles), est une
des manifestations de la culture Lokpa. Sa simplicité et son
accessibilité font de lui une arme puissante d'éducation. Il est
porteur de la vision du monde de chaque couche de la société et
décrit, au travers des sujets qu'il aborde, les vices qui minent cette
même société. Car, « les contes et les fables
disent aussi bien des vérités. Toutes les vérités
que la politesse et les convenances empêchent de dire, le conte et la
fable permettent de les énoncer sous le masque des animaux ou des
personnages fictifs3i C'est ce qui justifie le choix
porté sur le conte. Partant du postulat que le conte, en
général et Lokpa en particulier, joue un rôle dans
l'éducation, ce mémoire tente de comprendre comment le conte
éduque. Qu'est ce qui fait du conte une arme d'éducation facile ?
Quel élément du conte éduque ? Qui le conte
éduque-til ?
Pour répondre à notre problématique,
l'étude va se répartir en deux grandes parties. La
première partie a été empirique. Elle a consisté
à l'organisation de veillées de contes dans le village de
Foumbéa. Les veillées nous ont permis d'enregistrer sur cassette
un nombre important de contes (62 contes au total) dont nous avons fait un tri
pour former notre corpus de contes. Le corpus, enregistré d'abord sur
cassette a ensuite été transcrit dans sa langue
3 Lilyan KESTELOOT, Contes, fables et récits du
Sénégal, Karthala, 2006, p.8.
originale (Lokpa), puis traduit littéralement. De cette
traduction mot à mot avons-nous fait une traduction littéraire.
Le corpus ainsi obtenu sera mis en annexes comme textes à analyser. La
deuxième partie consistera à l'analyse du contenu du corpus:
c'est-à-dire des contes. Conscient que le diable se trouve dans les
détails, cet échantillon de contes abordant différents
thèmes sera soumis à différents types d'analyses. Pour
réussir cette analyse, nous nous inspirons de la méthode
structuraliste de Vladimir PROPP, de Claude BREMOND ; de la sémiotique
de J. A. Greimas, de Fontanille et Zilberberg ; de la narratologie avec Genette
et Todorov. Puisque la structure à elle seule ne permet pas de
comprendre un récit, surtout quand il s'agit d'un conte qui est un monde
de symboles et d'images, Paul RICOEUR a été d'un grand secours
pour l'interprétation des contes. Cette interprétation permet de
mettre en relation le monde fictif du conte et celui réel de la
société Lokpa. Ces outils, mis ensembles, permettent de saisir le
message du conte en le décodant.
Le mémoire est divisé en deux parties. La
première partie, intitulée "L'aventure du conte", est un rappel
de tout le chemin parcouru par le conte de l'Antiquité à nos
jours. Cette partie subdivisée en trois zones, essaie de chercher les
origines du conte, de lui apporter une définition, et d'en faire une
classification. Cette partie constitue la partie théorique, philologique
de notre mémoire. Toutes les informations que nous y avons
placées, nous les avons toutes trouvées dans les livres. Cette
partie constitue également pour nous un rappel de tout ce que nous avons
étudié à l'université.
La deuxième partie du mémoire, intitulée
"Le conte et l'éducation chez les Lokpa", est celle qui fait l'objet du
présent mémoire. Elle tente de montrer les conditions de
production du conte Lokpa, d'étudier sa structure et enfin de voir
comment les nombreux sujets abordés dans les contes sont traités
et pourquoi.
|