2.3.1.2 - Traduction intégrale du texte en
français La rencontre annuelle des Chefs de Districts à Bassari
du 1er au 5 mars 1909, présidée par le gouverneur Graf Zech.
Le Président : « Quatre projets
[d'ordonnance] sont proposés concernant la prise en charge des enfants
métis. Vu la plupart de ces projets, on pourrait en déduire qu'il
reviendrait aux mères noires de s'occuper de l'éducation des
enfants métis. Je ne pourrais pas me rallier à une telle
conception. »
Le président lit les principales parties des trois
projets d'où découle cette conception.
Le conseiller du gouvernement Dr. Kersting :
(Commandant de Cercle Sokodé-Bassari). « Les Blancs ont
l'obligation d'éduquer les enfants métis. Au cas où un
Blanc, pour une raison quelconque, ne pourrait assurer les frais
d'éducation ou d'alimentation ou au cas où il n'est pas possible
pour le Blanc de s'occuper de manière adéquate des enfants
métis, le gouvernement devrait le faire. »
Le Président : « Moi aussi je ne
partage pas le point de vue selon lequel les enfants métis doivent
être pris en charge par leurs mères. Pour des raisons pratiques et
économiques, il est nécessaire que nous prenions en charge les
enfants métis. Ces enfants pourraient, à travers une
éducation adéquate, servir le gouvernement par leurs
incontestables talents. » Le Président lit le quatrième
projet dans lequel est ajoutée une mention additive précisant que
la prise en charge des métis [par les Blancs] ne change rien au principe
de la séparation des races, ceci afin d'éviter toute
interprétation erronée.
Le projet fut alors adopté à
l'unanimité dans la forme ci-jointe.
Par ailleurs, il a été reconnu par tous
comme souhaitable, d'amener chaque père d'un enfant métis
à prendre, dès la naissance, l'engagement écrit stipulant
là où il souhaite faire éduquer son enfant, et si c'est
une fille, dans quelle société de mission il voudrait la voir
placée.
Dr. Kersting : demande si du côté
du gouvernement quelque chose pourrait être fait pour un enfant
métis qui n'a pas ou n'a pas assez de soutien et dont le père ne
se trouve plus dans la colonie.
Le Président : « De tels cas
devraient être rapportés au gouvernement. Le père de
l'enfant devrait être amené par voie administrative, à
payer les frais d'alimentation.
Dans le cas contraire, les dispositions du projet
d'ordonnance adopté à cet effet seront appliquées
».
Le Capitaine Mellin : (Commandant de cercle
Mango) souhaite la fixation d'un taux minimal des frais
d'alimentation.
Le Président : « C'est l'affaire
des commandants de District, car le taux peut varier selon les
réalités de chaque circonscription. Cependant, un rapport peut
être adressé au gouvernement, au cas où le montant
payé est jugé trop bas par le commandant, et dans ce cas, le
gouvernement prendra les dispositions nécessaires pour obtenir des
moyens suffisants ».
Commentaire succinct
Il ressort de cette conférence des
administrateurs locaux et centraux du Togo en 1909 (année du
25ème anniversaire de la colonisation allemande au Togo) que
le gouvernement a enfin pris la mesure du problème social posé
par les « métis allemands » dans la société
coloniale togolaise. Les Allemands eux-mêmes ont constaté la
misère dans laquelle sont confinés les enfants métis non
entrtetenus par leurs géniteurs. Il ont adopté le principe selon
lequel tout père d'un enfant métis est dans l'obligation d'en
assurer l'entretien et l'éducation. C'est la concrétisation
officielle de la proposition que l'administrateur Oscar Schmidt avait
déjà faite dans les remarques consécutives au recensement
des métis dans le District d'Aneho (document n° 1). Mieux vaut tard
que jamais ! Toutefois, les administrateurs ont adopté à
l'unanimité une mention additive selon laquelle « la prise en
charge des métis [par leurs géniteurs allemands] ne change rien
au principe de la séparation des races ». C'est donc une
politique de ségrégation raciale qui prédomine dans cette
question des métis.
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