2. Travail et urbanisation
La répartition du travail dans les trois secteurs
d'activité (primaire, secondaire et tertiaire) est corrélative
à un nouveau mode de vie. La France connaît un assez fort exode
rural durant les Trente Glorieuses. Ceci va influencer la répartition de
la population active française dans le choix de leur profession.
L'agriculture connaît alors une baisse considérable. En 1946, la
France comptait 7,4 millions de travailleurs agricoles (agriculteurs et
ouvriers agricoles). En 1975, il n'en reste plus que 2 millions. Le secteur
primaire enregistre une baisse de près de 73% de son effectif en 15 ans.
Cela ne veut pas dire que la production issue de l'agriculture est en baisse.
Bien au contraire elle s'est accrue comme le souligne Gilles Bousquet : «
En 1700, 10 agriculteurs moyens nourrissaient fort mal 17 personnes ; en 1846,
25 seulement encore, mais un peu moins mal ; de 1846 à 1946, 55, en
1975, 263. Le gain de 1846 à
1946 est de 1 à 2,2 ; de 1946 à 1975, il est de
1 à 4,8 »2. Ce gain de production est du à la
mécanisation de l'agriculture qui est la conséquence de la
seconde révolution industrielle. De ce fait, les tâches les plus
rudes physiquement sont secondées par les machines ce qui permet un gain
de temps et une meilleure productivité. Mais durant la période
1945-1975, l'augmentation de la population est inférieure à celle
des actifs en France du moins. Autrement dit, une baisse du taux
d'activité apparaît sur deux niveaux. Il y a tout d'abord une
hausse du taux de scolarisation et un prolongement des études
corrélatifs à un meilleur niveau de vie. En second lieu, la part
de personnes âgées est en progression par rapport à la
croissance naturelle. La part des personnes adultes en âge de travailler
devient assez réduite par rapport à l'ensemble de la population.
De ce fait, le recours à l'immigration devient l'un des moyens afin de
combler cette pénurie de main-d'oeuvre. Cette situation de plein-emploi
favorise une meilleure rémunération, un plus grand pouvoir
d'achat et un niveau de vie plus élevé.
En 1954, le nombre de personnes travaillant dans le secteur
primaire en France était de 7,4 millions. En 1968, ce dernier ne compte
plus que 3 millions d'actifs. En 14 années, la France a perdu 4,4
millions d'agriculteurs et d'ouvriers agricoles tandis que sa population est en
augmentation. Pour avoir une idée de la proportion d'agriculteurs par
rapport à l'ensemble de la population active, une personne sur quatre
travaille la terre en 1954 tandis qu'en 1968 il n'en reste plus qu'une sur
sept. Concernant les Trente Glorieuses, 30% des actifs se situent dans le
primaire en 1946 tandis qu'ils ne sont plus que 10%
en 1975. Cela génère une perte de 200% des
agriculteurs en 15 ans. Mais oüsont passés ces actifs
?
Sur sept agriculteurs ayant quitté le secteur primaire,
deux seulement se sont recyclés dans l'industrie. Les cinq autres se
sont convertis dans le secteur tertiaire. Par ailleurs, il y a autant de femmes
que d'hommes qui quittent la
2 Ibid, p.87.
terre. Sur 25 femmes perdues par le primaire, trois seulement
vont dans le secondaire et 22 dans le tertiaire.
La part des personnes appartenant au tertiaire par rapport
à la population active était de 32% en 1946. En 1975, 51% des
actifs travaillent dans le tertiaire. En trente ans le tertiaire a
progressé de 59,4%. Entre 1962 et 1975, sur 3,7 millions d'emplois
nouveaux, 2,8 se sont créés dans le tertiaire. Le nombre de
paysans, de commerçants et d'artisans a baissé. En 1975, les
employés, les salariés de la fonction publique et autres cadres
moyens représentent 44% de la population active. De nouvelles couches
sociales apparaissent ainsi et se développent dans une nouvelle
catégorie : les classes moyennes.
La tertiarisation de la société est
corrélative à l'urbanisation de celle-ci. Il est donc
évident que l'on a assisté à un exode rural durant les
Trente Glorieuses. En effet, les services qui emploient les travailleurs
désirant s'intégrer dans le secteur tertiaire se trouvent dans
les villes. Les actifs provenant de l'agriculture et recyclés dans le
tertiaire quittent les campagnes afin d'être plus proches de leur lieu
d'activité. Il en résulte un contraste entre la vie rurale
jugée alors arriérée et la modernité des villes. De
ce fait, une nouvelle ruralité apparaît. Les villages deviennent
peu à peu des lieux de repos où les citadins y recherchent un
meilleur cadre de vie. On peut parler ainsi d'urbanisation rurale. En 1946, 90%
des habitants vivants en zone rurale sont nés dans leur propre village.
En 1975, 55% des ruraux sont nés hors de leur village d'accueil. Ce
phénomène d'exode rural est surtout applicable à la
France. En effet, l'Angleterre a connu elle aussi un transfert de population
des campagnes vers les villes mais vers 1850 avec la seconde révolution
industrielle. En 1851, la population était à moitié
urbaine. A la fin des années 1960, 75% des Anglais vivent dans des
villes de plus de 500 milliers d'habitants. La moitié de ces derniers
vivent dans sept conurbations majeures : le Grand Londres, le sud-est du
Lancashire, les Midlands de l'ouest,
Central Clydeside, Merseyside et Tyneside. Le quart de la
population britannique demeure à Londres et dans les Home Counties.
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