Chapitre 1. Etude sociologique et économique des
Trente Glorieuses
A. Les Trente Glorieuses1
Entre 1945 et 1973 les pays industrialisés ont connu
une forte croissance aussi bien au niveau économique que
démographique. L'économiste français Jean Fourastié
parle alors de Trente Glorieuses pour définir de manière forte la
croissance miraculeuse effectuée en un laps de temps assez court, de la
fin de la seconde guerre mondiale au premier choc pétrolier. Ce
phénomène ne s'applique qu'aux pays industrialisés et plus
particulièrement à la France, aux Etats-Unis et à
l'Angleterre. Nous sommes à l'apogée du plein-emploi et de la
standardisation, autrement dit le travail à la chaîne
connaît sa productivité la plus grande. Dans de telles conditions,
le prix des biens de consommation durable baissent ce qui favorise une forte
hausse du pouvoir d'achat ainsi qu'une une démocratisation de leur
acquisition. Par conséquent la part du budget réservée
à l'alimentation diminue tandis que celle destinée aux biens de
consommation durables augmente. Les foyers peuvent désormais
s'équiper de ces produits et pratiquer des loisirs qui n'étaient
jusque-là réservés qu'à des
privilégiés. La télévision, le lave-linge et le
réfrigérateur entrent dans les couches les plus vastes de la
société. L'accélération des progrès
techniques est un autre facteur à la mise en place de la
société de consommation. En effet, plus il y a d'innovations et
plus le consommateur est tenté d'acheter. Il en résulte un
nouveau mode de consommation non plus basé sur l'utilité
première de l'objet mais sur son aspect, ses formes et surtout les
nouvelles possibilités techniques qu'il apporte. Ainsi la
société de consommation apparaît en créant ses
propres règles. Les biens de consommation durables ne sont pas une
nécessité de vitale
1 Les statistiques suivantes sont issues de l'ouvrage
suivant : BOUSQUET Gilles, Apogée et déclin de la
modernité, Regard sur les années 60, Paris,
L'Harmattan, 1993, pp. 81-97 ; RYDER Judith SILVER Harold, Modern English
Society, History and Structure, 1850-1970, Londres, Methurn & Co,
1970, p. 159.
mais il apparaît vital de l'obtenir afin de ne pas se
démarquer du reste de la société et de se sentir à
la pointe de la technologie et de l'innovation technique. Avant les Trente
Glorieuses, les biens de consommations restaient dans une optique vitale pour
son utilisateur.
1. Etude démographique
Cette période connaît une forte croissance
démographique. En effet, la France compte 52 millions d'habitants en
1975 contre 40,5 millions en 1946 ce qui indique une croissance naturelle de
28,4% sur toute la période. Entre 1901 et 1946 celle-ci égale les
1,25% et entraîne un gain de 500 000 habitants en 45 ans. Du point de vue
démographique, la croissance spectaculaire engendrée entre 1945
et 1975 est égale à celle entre 1801 et 1945. En trente
années, l'augmentation de la population française est comparable
à celle effectuée pendant un siècle et demi auparavant.
Dès 1943 le taux de natalité français
augmente. Il passe de 13,1% à 15,7% soit une augmentation de 2,6 points
ce qui assure le renouvellement des générations. La Grande
Bretagne connaît une évolution tout aussi spectaculaire. Son taux
de natalité passe de 15,8% en 1931 à 17,7% en 1968. En 1945 la
fécondité de la France augmente de manière brusque. Le
taux de natalité français est de 20% entre 1946 et 1951 tandis
qu'il ne s'élève qu'à 15% entre 1935 et 1945. Il redescend
ensuite à 18% entre 1954 et 1964 puis baisse sensiblement jusqu'en 1975.
L'Angleterre connaît une situation similaire puisque elle-même
atteint un pic de son taux de natalité en 1947 de 20,5%. La France
obtient plus de 800 000 naissances par an pendant les Trente Glorieuses. Une
telle recrudescence des naissances reste sans précédent dans
l'histoire si bien que ce phénomène fut baptisé Baby
Boom.
Au sortir de la première guerre mondiale les
décès dépassent les naissances. Entre 1914 et 1945 le taux
de mortalité était de 16% en France. Dans
les années 1960 il n'égale plus que les 11%.
Ceci est du à un meilleur accès aux soins, aux progrès de
l'industrie pharmaceutique, à une meilleure hygiène et une
alimentation plus variée. La mortalité infantile française
passe de 40% au début des années 1950 à 14% au
début des années 1970. L'espérance de vie est l'un des
facteurs démographiques les plus révélateurs et
impressionnants du progrès de la science. En effet, les hommes pouvaient
espérer vivre 61,9 ans et les femmes 67 ans en 1946 sur le territoire
français. En 1975 ces mêmes hommes peuvent prétendre
atteindre en moyenne l'âge de 69 ans tandis que les Françaises
peuvent vivre en moyenne jusqu'à 77 ans. En 15 ans, les hommes ont
gagné 8,5 ans de moyenne de vie tandis que les femmes vivent en moyenne
10 ans de plus. Le taux de mortalité anglais est en régression
lui aussi. Il passe de 13,4% en 1951 à 12,4% en 1968 chez les hommes
tandis qu'il baisse de 11,8% à 11,3% chez les femmes dans la même
période.
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