III-3 Place et rôle de la femme dans les
processus d'approvisionnement et de gestion de l'eau
Dans le Mbam-et-Inoubou, la corvée de l'eau est
réservée aux femmes. La tâche est souvent rude, l'eau
étant transportée sur une distance moyenne de 250 à 500 m,
voire plus. Les quantités nécessaires imposent plusieurs voyages
quotidiens avec des seaux de 12 à 15 litres ou des bassines de 25
à 50 litres.
Pour tous, la femme est avant tout gestionnaire de l'eau et
responsable de la santé et de l'hygiène au sein de la famille.
Pour les populations du département, la femme occupe la place centrale
dans le mécanisme d'AEP. Paradoxalement, celle-ci est
généralement ignorée et occultée au moment de
prendre des décisions concernant les ouvrages d'AEP. Sa participation
qui est ponctuelle, partielle et bénévole n'est requise que pour
l'accomplissement des tâches les plus pénibles et les moins
qualifiées (nettoyage des abords des ouvrages). En effet, après
la construction d'un nouvel ouvrage d'adduction d'eau, on ne recrute d'habitude
les femmes volontaires que pour le maintien de la salubrité. Cet
état de chose est accentué par les femmes elles-mêmes qui
préfèrent leurs travaux champêtres à la place des
réunions où elles sont susceptibles de se voir confiées
des responsabilités de gestion
de l'AEP. En effet, moins de 5 % des structures de gestion de
l'eau au sein du département sont dirigées par des femmes.
Toutefois, lorsqu'elles sont membres de la structure qui gère le point
d'eau, elles occupent le plus souvent le poste de conseiller, de chargé
de la salubrité autour du point d'eau et surtout celui de
trésorier. En effet, les populations sont plus enclines à confier
la gestion de leurs finances aux femmes qu'aux hommes. Celles-ci sont
réputées pour leur sens de la parcimonie et du respect du bien
commun. Par ailleurs, pour les hommes, les femmes sont de très bonnes
conseillères et de bonnes visionnaires.
III-4 Les usages de l'eau
Culturellement, dans le Mbam-et-Inoubou, la corvée de
l'eau est réservée essentiellement aux enfants et aux femmes. Les
rares hommes qui viennent au point d'eau sont des célibataires et des
veufs sans enfants.
Les usages qui sont faits de la ressource prélevée
dans les ouvrages d'AEP varient en fonction de la disponibilité de l'eau
et du type d'ouvrage qui la fournit.
III-4-1 En fonction de la disponibilité de
l'eau
La disponibilité de la ressource influence la nature
de son utilisation. En effet, l'eau est utilisée différemment
selon qu'on est dans une localité bien desservie ou dans un village
où elle est moins disponible.
III-4-1-1 Lorsque l'eau est rare
Lorsque l'eau est rare (Bitang, Ribazeu), le puisage et
l'utilisation sont scrupuleusement réglementés. Chaque
ménage n'a droit qu'à une quantité réduite (30 l
par jour ou tous les deux jours). L'eau est uniquement destinée à
la boisson. Pour les tâches domestiques et la cuisson, les populations
ont recours aux sources non aménagées et aux cours d'eau.
Le comité de gestion a la charge de faire respecter
l'équité dans la distribution. Tout gaspillage est proscrit et
sévèrement sanctionné par une suspension provisoire
d'approvisionnement. Le déficit en eau est un facteur de mobilisation
des populations autour de leur point d'eau. Ces dernières font tout pour
le maintenir fonctionnel.
Dans ce cas de figure, le comité de gestion ou la
structure qui gère l'AEP au sein de la communauté est très
puissant et fonctionne à merveille.
L'accès au point d'eau obéit à des
horaires stricts et le volume d'eau prélevé par ménage est
décidé par une assemblée plénière qui
regroupe tous les habitants de la communauté. Ce volume ne fera l'objet
d'aucune négociation jusqu'à ce qu'il soit à nouveau
modifié par cette même assemblée plénière.
Les populations n'ont pas de choix au niveau de la
qualité (goût) dans la mesure où le point d'eau est le seul
à fournir une eau à peu prés décente. C'est
principalement ce facteur
qui oblige les populations à tout mettre en oeuvre
pour maintenir l'ouvrage fonctionnel. En effet, il n'existe pas ou presque pas
d'alternatives car les cours d'eau environnants sont le plus souvent
très éloignés.
Un planning de nettoyage des alentours du point d'eau existe.
Il est scrupuleusement respecté. Tout est également mis en oeuvre
pour éviter les pollutions. Il est par exemple interdit de faire la
vaisselle et la lessive dans le voisinage immédiat du point d'eau.
Le système fonctionne non seulement à cause de la
nécessité mais également, parce qu'il existe un
mécanisme permanent d'auto-surveillance.
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