1.2 Problème
Sous l'impulsion des bailleurs de fonds parmi lesquels la
Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International, l'Etat camerounais
s'est désengagé de plusieurs fonctions d'appui à
l'agriculture (approvisionnement en intrants et crédit) et a
supprimé les subventions. Ce désengagement est dû à
la chute des cours mondiaux des produits de rente couplée à la
dévaluation du franc CFA en 1994. Ceci a donc causé une
réduction de la production agricole et alimentaire, une augmentation de
l'insécurité alimentaire et une augmentation de la
pauvreté (Dipoko, 2001). Selon Faure et al. (2004), cette
situation peut s'améliorer grâce à une modernisation de
l'agriculture dite « traditionnelle ». Cette modernisation se fera,
comme
le précisent Daouda (2002), Djoukam (2003) et Havard et
al. (2007), par une professionnalisation des agriculteurs.
Kamajou (1985), pensait que la disponibilité du capital
constituait un frein à la modernisation de l'agriculture
(professionnalisation des agriculteurs). Or pour Fouda (2002), malgré
l'émergence des Etablissements de Microfinance (EMF) au Cameroun qui
mettent le capital à la disposition des paysans, plusieurs exploitations
agricoles pratiquent encore l'agriculture traditionnelle. Des études
menées sur les performances des Mutuelles Communautaires de Croissance
(MC2) montrent que la non atteinte des objectifs sociaux
(amélioration du niveau de vie des paysans) serait due à un
manque de suivi du crédit octroyé de la part des EMF et à
une mauvaise utilisation ou, encore mieux, à une mauvaise gestion du
crédit obtenu par les paysans (Balep, 2005). Legile et al.
(2002), pensent que la professionnalisation des agriculteurs sera rendue
possible par une maîtrise du fonctionnement global de l'exploitation et
de sa gestion (gestion des facteurs de production, gestion de la
trésorerie, gestion des stocks, maîtrise de la
sécurité alimentaire et élaboration du plan de la campagne
agricole). Pour Fouda (1998) la gestion et le fonctionnement des exploitations
familiales sont souvent rendus complexes à cause des difficultés
rencontrées lors des prises de décision.
Ainsi, Legile (2002) et Legile et al. (2003),
considèrent donc que le CEF est non seulement une démarche d'aide
à la prise de décision de l'agriculteur, mais aussi un outil de
professionnalisation adapté à la situation des paysans surtout en
ce qui concerne la gestion de leurs activités grâce à son
modèle de « prévision de campagne ». C'est pour cela
que le CEF est dès lors devenu une nouvelle approche de vulgarisation
visant à améliorer les performances technico-économiques
des paysans, le niveau de vie familiale et à consolider de la
cohésion et de la stabilité sociale (Halley et al.,
2006). La capacité d'auto-analyse est déterminante dans le
processus de professionnalisation conduisant les paysans à mieux
gérer leurs exploitations et percevoir les changements (Djamen et
al., 2002). Ceci s'explique par le fait que la plupart des
exploitations ont une gestion incertaine car la prévision des campagnes
à venir est rare, poursuivent les mêmes auteurs.
Testé au Nord-Cameroun depuis 1998 par le PRASAC en
partenariat avec l'Institut de Recherche Agricole pour le Développement
et le DGPT, le CEF est expérimenté depuis trois ans par la
Société de Développement du Coton au Cameroun (SODECOTON).
Depuis 2006, cette approche est aussi expérimentée à
Akonolinga dans le cadre du projet promotion du Développement Durable
dans les Systèmes de Recherche Agricole du Sud (DURAS) intitulé
« Innovations et savoirs paysans dans les pratiques de gestion des
écosystèmes forestiers
humides d'Afrique de l'Ouest (Ghana, Guinée) et du
Centre (Cameroun) : diversification des systèmes associant cultures
pérennes et vivrières », en partenariat avec
l'Association pour le Développement des Exploitations Agricoles du
Centre (ADEAC) en vue d'améliorer les performances des agriculteurs de
cette région dont le revenu est essentiellement basé sur les
cultures du cacao, du macabo, de la banane plantain et du manioc.
Ainsi, en Mars 2006, deux chercheurs de l'IRAD ont
organisé des ateliers de formation avec les animateurs paysans de
l'ADEAC portant sur la programmation prévisionnelle des campagnes et le
suivi technico-économique des exploitations par les paysans. Plus tard
en Novembre 2006, s'appuyant sur les principes d'une démarche de conseil
à l'exploitation familiale développée au Nord-Cameroun,
deux journées de discussion ont été organisées au
siège de l'ADEAC à Akonolinga regroupant deux chercheurs de
l'IRAD, deux agents de coordination de l'ADEAC et onze animateurs paysans de
l'ADEAC. Après ces journées de discussions, les animateurs
paysans de l'ADEAC ont mis en oeuvre des activités d'aide à la
décision dans plusieurs villages de leurs zones d'interventions. Il
s'agissait principalement pour ces animateurs d'aider les paysans et les
groupements villageois à mieux évaluer leurs besoins en semences,
en intrants, en produits phytosanitaires, et en main d'oeuvre. Ceci en vue de
permettre une meilleure évaluation des besoins en crédit et en
financement de la campagne agricole.
Havard et al. (2001) soulignent que l'approche
conseil en Afrique dégage des intérêts satisfaisants tant
pour les paysans que pour les organismes d'encadrement (conseillers, bailleurs
de fonds, Organisations non gouvernementales). Au Bénin par exemple,
grâce au conseil, plus de 2360 agriculteurs se regroupent pour discuter
de leurs problèmes (Violas et Zinse, 2004). En Cote d'Ivoire, certaines
ONG ayant intégré l'approche conseil dans leurs activités,
reçoivent le soutien de l'Etat et de la coopération
française parce qu'elles ont contribué significativement à
la réduction de la pauvreté (Drissa, 2001).
Vu les bonnes performances du CEF dans les situations
rapportées ci-dessus, ces activités de conseil apparaissent pour
l'ADEAC comme un complément important pour leur activité de
microfinance. Cette étude se propose donc de faire une mise au point
(bilan) de ces activités après ces deux années
d'expérimentation. Pour y parvenir, il est important de connaître
les activités menées dans la zone par le projet DURAS et ADEAC et
comment s'est inséré les activités de conseil au sein de
l'ADEAC.
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