Chapitre 1 : Introduction
1.1 Généralités
Au début des indépendances, l'Afrique, au
même titre que l'Asie, avait des atouts pour assurer son
développement de façon durable, en particulier, des atouts
provenant du secteur agricole car l'économie de la plupart des pays
africains était basée sur l'agriculture. La FAO (2005), souligne
que jusqu'en 2002, le secteur agricole camerounais contribuait pour 45 % au
Produit Intérieur Brut (PIB) et employait 62 % de la population
active.
Mais au cours des années 80, les économies des
pays africains ont commencé à chuter. Kamajou (1992) et Vennetier
(2000), rapportent que le taux de croissance des pays africains est
passé de 1,2 entre 1960 et 1970 à 0,9 entre 1970 et 1980 et est
même descendu jusqu'à - 3,4 entre 1980 et 1984. Alors qu'en Asie,
déjà en 1980, leur PIB contribuait pour 12 % au PIB mondial et
qui aujourd'hui contribue à l'ordre de 34 %. La chute drastique du PIB
des pays africains marquait ainsi le début de la crise
économique. Kamajou (1992) et Tchassa (2008) estiment que la
détérioration des termes de l'échange, la chute des cours
mondiaux des produits de base (cacao, café, coton) et l'insuffisance de
l'aide internationale étaient les principales causes.
Face à cette situation de crise, les Etats africains
n'étaient plus capables d'honorer leurs engagements (contrôle des
prix, subvention des intrants, octroi du crédit agricole). Pour
surmonter cette crise, les gouvernements n'ont eu comme solution que d'avoir
recours aux propositions de réforme des institutions de Bretton Woods
notamment la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International
(Kamajou, 1992). Ces propositions encore appelées Programmes
d'Ajustement Structurel (PAS) étaient entre autres centrées sur
la libéralisation de l'économie (notamment du secteur
commercial), la réduction des dépenses publiques et l'arrêt
des subventions. L'application « non contrôlée » de ces
programmes s'est traduite par des troubles socio-économiques dans
certains pays.
Au Cameroun en particulier, on a assisté à une
augmentation considérable du taux de chômage, une réduction
de la masse salariale, une réduction de la production nationale ayant
pour conséquence la baisse du revenu des paysans (Dipoko, 2001 ;
Dugué et Faure, 2001 ; et Tchassa, 2008). Kamajou (1992) et Hakim (2002)
soulignent qu'entre 1970 et 1998, la production agricole africaine a
chuté considérablement. Hakim (2002) précisera d'ailleurs
qu'au Cameroun par exemple, l'indice de production alimentaire et agricole a
subi de fortes variations comme indiquées au Tableau 1. Cette baisse de
production a entraîné la baisse du
revenu des paysans et l'augmentation de
l'insécurité alimentaire (Abakachi, 2001). Tout ceci
a eu pour corollaire l'augmentation du niveau de pauvreté
en milieu rural (Fouda ,2002). Tableau 1 : Variation de l'indice de
production agricole et alimentaire dans quelques pays d'Afrique
centrale
|
Indice de production alimentaire (par
habitant)
|
Indice de production agricole (par
habitant)
|
Pays
|
970
|
980
|
990
|
995
|
996
|
997
|
998
|
970
|
980
|
990
|
995
|
996
|
997
|
998
|
Cameroun
|
20
|
10
|
9,9
|
00
|
04
|
5
|
4
|
21
|
11
|
9
|
6,9
|
00,9
|
5,5
|
4
|
Congo
|
24
|
07
|
01,2
|
8,2
|
6,9
|
4
|
2
|
25
|
09
|
01
|
8
|
6,6
|
3,2
|
1,8
|
Gabon
|
12
|
09
|
8,2
|
0,3
|
9,7
|
8
|
6
|
11
|
08
|
8
|
0,8
|
0,3
|
8,7
|
6,5
|
Guinée Equatoriale.
|
59
|
42
|
01
|
6,9
|
3,8
|
7
|
4
|
16
|
41
|
01
|
0,4
|
4,5
|
7,3
|
3,6
|
RCA
|
0,4
|
01
|
9,6
|
02
|
14
|
08
|
03
|
8,9
|
02
|
00
|
9,5
|
13,8
|
08,5
|
03,2
|
Sao Tomé et Principe
|
37
|
42
|
6,4
|
13
|
11
|
11
|
09
|
39
|
43
|
7
|
12,9
|
10,6
|
11,2
|
08,8
|
Tchad
|
31
|
16
|
1,3
|
05
|
7,8
|
9
|
6
|
25
|
09
|
2
|
02,1
|
00,6
|
01,1
|
8,3
|
Source : Hakim. (2002 : 3)
Dans ce contexte économique et social marqué par
l'augmentation de la population, la fluctuation des prix des produits agricoles
et alimentaires, l'augmentation des besoins de bases des exploitations
familiales,et surtout le désengagement de l'Etat de nombreuses fonctions
d'appui aux producteurs ainsi que l'émergence des organisations
paysannes (OP), l'Etat et d'autres structures de développement doivent
renforcer les capacités des paysans en vue d'augmenter la production
agricole (Balkissou, 2003 ; Faure et al., 2004). C'est à ce
sujet que de nombreux États africains ont adopté des programmes
de vulgarisation type "Formation et Visites" pour la diffusion des innovations
techniques (Balkissou, 2003). Mais aujourd'hui, ces programmes basés sur
le renforcement des appareils administratifs et un transfert de technologies
standardisées ne sont plus fonctionnels dans leur grande majorité
et les dispositifs de vulgarisation disparaissent progressivement
(Inter-réseaux, 2007).
L'une des causes de la disparition de cette approche de
vulgarisation est sa méthode caractérisée de « top
down » car elle ne prenait pas en compte les besoins réels des
paysans pour qui l'innovation était construite (Havard et al.,
2001 ; Faure et al., 2004 ; Lapbim et al., 2006). D'ailleurs,
Tchouamo et Steele (1997), Lapbin (2005) rapportent que seuls 30 % des paysans
de l'Ouest-Cameroun ont estimé être satisfaits par cette
approche.
Ondoa (2006) souligne que dans le cadre de la
définition des nouvelles politiques agricoles en vue de la relance de
l'économie et surtout la lutte contre l'insécurité
alimentaire
qui domine en Afrique, on a assisté au Cameroun
à une restructuration réussie de certaines entreprises publiques,
l'adoption de nouvelles lois régissant le mouvement coopératif,
la promotion des organisations interprofessionnelles agricoles, la
libéralisation de la commercialisation des produits agricoles, le
développement des systèmes de micro-finance, la mise en oeuvre
d'une nouvelle démarche de vulgarisation agricole, la
libéralisation du commerce des intrants agricoles, la mise sur pied de
divers projets d'appui à la consolidation des organisations paysannes et
à l'amélioration de la sécurité alimentaire.
Selon Mohamed et al. (2007), des institutions de
recherche et de développement en Afrique de l'Ouest et du Centre ont
testé et développé de nouvelles méthodes d'appui
aux producteurs. Ces dernières sont basées sur
l'élaboration de conseils à l'exploitation familiale favorisant
la participation des producteurs. Parmi elles, celles relatives au conseil de
gestion, mises en place dans plusieurs pays d'Afrique de l'Ouest et du Centre
(Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Côte d'Ivoire et Mali.) et ayant
mobilisé des producteurs (de quelques dizaines à plusieurs
milliers selon les cas), des organisations paysannes, des ONG et des structures
étatiques (Inter-réseaux, 2007).
Appliquée au Cameroun d'abord dans la région
septentrionale par le biais du Pôle de Recherche Appliquée au
Développement des Savanes d'Afrique Centrale (PRASAC), l'approche
conseil aux exploitations familiales (CEF) s'étend timidement dans
d'autres zones agro écologiques du pays. Elle sert de
référence au programme : « Amélioration de la
compétitivité des exploitations familiales agropastorales »
(ACEFA) du Ministère de l'Agriculture et du Développement Rural
(MINADER) et du Ministère de l'Elevage, des Pêches, et des
Industries Animales (MINEPIA) mis en oeuvre en 2008. A l'initiative du MINADER,
et avec la collaboration des OP, des réflexions sont en cours sur la
place et le rôle du conseil agricole dans les politiques agricoles
(MINADER et MINEPIA, 2007).
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