7-3- Identification des facteurs déterminant la
demande du riz.
Ce paragraphe se focalise sur l'analyse des différences
potentielles pouvant exister entre les déterminants de la demande du riz
local et du riz importé. Pour tester cette différence, le Chow
test a été exécuté9 pour tester
l'hypothèse nulle selon laquelle il n'existe aucune différence
entre les coefficients des variables du modèle relatif au riz local et
celui
I I
relatif au riz importé ( H 0 : â 1
= â 1 ,..., â = â avec
respectivement L
L L âi et I
âi les
k k
coefficients à estimer dans le modèle du riz
local et celui du riz importé). Ce test se base principalement sur la
comparaison de la Somme des Carrés des Ecarts (SCE) du modèle
global à la somme des SCE issues des modèles des deux autres sous
groupes.
Etant donnée que les variables explicatives introduites
dans les trois modèles estimés sont identiques et que le test
d'absence multicolinéarité a été effectué
(voir matrice en annexe 7), un Wald test n'est plus nécessaire (Greene,
2003). Aussi les valeurs de R2-ajusté égales à
0,34 ; 0,29 et 0,22 montrent-elles respectivement que 34%, 29% et 22% des
variations de la quantité totale demandée, de la quantité
du riz local et celle du riz importé sont expliquées par les
variables introduites dans les trois modèles (tableau 6-1). Il existe
donc d'autres variables (certainement d'ordre socio culturel) non prises en
compte dans le modèle.
9 Le Chow test est plus approprié du fait que la
variable expliquée (ici la quantité de riz en kg consommée
par le ménage durant l'année 2005) est continue. Pour des
variables dépendantes binaires ou ordinales, le LR test
(Likelihood-Ratio test) serait le mieux indiqué.
Le Chow test donne un F (11 ; 229) égal à 4,27
supérieur à la valeur critique de 2,35 (donnée par la
table de distribution des F SNEDECOR (Dagnelie, 1998)). Ainsi,
l'hypothèse Ho de l'identité des coefficients
des variables dans les deux sous groupes est rejetée10 au
seuil critique de 1%. Il existe donc une différence significative entre
les facteurs déterminant la demande du riz local et ceux
déterminant la demande du riz importé dans le milieu
d'étude. Autrement dit, le comportement des consommateurs et leurs
attitudes sont différents face au riz local ou au riz importé.
Tableau n°7-2 : Résultat d'estimation des
modèles LES relatifs à la quantité totale, quantité
de riz local et de riz importé consommée dans les ménages
enquêtés.
Variables
|
Codes
|
Ln(Quantité totale )
|
Ln(Quantité de riz local )
|
Ln(Quantité de riz importé
)
|
Coefficient
|
Erreur
standard Coefficient
|
Erreur standard
|
Coefficient
|
Erreur standard
|
Absence de corps
|
|
|
|
|
|
|
|
étrangers
|
atri2
|
0,33(2,56)**
|
0,01
|
-0,04(-0,25)*
|
0,18
|
0,86(1,79)*
|
0,48
|
riz de couleur blanche
|
atri3
|
0,02(0,21)
|
0,09
|
-0,01(-0,1)*
|
0,17
|
0,11(0,61)
|
0,17
|
Riz brisé
|
atri4
|
-0,07(-0,85)
|
0,08
|
-0,12(-0,76)
|
0,16
|
-0,09(-0,61)
|
0,16
|
Riz collant
|
atri5
|
0,19(1,57)
|
0,13
|
-0,08(-0,17)
|
0,45
|
0,20(0,96)
|
0,21
|
Riz de bon goût
|
attri6
|
-0,06(-0,71)
|
0,09
|
0,05(0,79)
|
0,18
|
-0,1(-0,72)
|
0,15
|
Riz à forte capacité de gonflement
|
attri8
|
0,11(1,37)
|
0,09
|
0,38(2,04)**
|
0,18
|
0,27(1,95)*
|
0,14
|
rIz dispo toute l'année
|
dispo3
|
0,33(-4,01)***
|
0,09
|
-0,03(-0,15)
|
0,22
|
0,60(3,58)***
|
0,16
|
Ln(Revenu total du ménage)
|
lcasod1
|
0,05(1,77)*
|
0,03
|
0,09(1,64)
|
0,05
|
0,09(1,64)
|
0,06
|
Ln(taille ménage)
|
lcasod2
|
0,9(9,95)***
|
0,09
|
0,93(5,52)***
|
0,17
|
0,81(5,29)***
|
0,15
|
Sexe du chef ménage
|
casod3
|
-0,04(-0,40)
|
0,10
|
0,01(0,05)
|
0,2
|
0,03(0,19)
|
0,17
|
constance
|
_cons
|
3,33(8,05)***
|
0,41
|
2,48(3,25)***
|
0,76
|
1,15(1,86)*
|
0,81
|
Nbre obs 273 95 156
R2 0,37 0,37 0,27
R2 ajusté 0,34 0,29 0,22
SCE 105,41 43,68 88,95
F.Fesher(ddl) 15,48(11 ; 260)*** 4,96(11 ; 82)*** 5,32(11 ;
143)***
Chow test2 - 4,27(11 ; 229)***
Source : Enquête
Cotonou-Glazoué, Juillet-Août 2006
* ; ** et *** =significatif respectivement au seuil de 10%, 5% et
1%. (.)=t-statistics
10 Le Chow test a été utilisé pour tester
l'hypothèse nulle de l'égalité des coefficients des
variables dans les deux sous
L I
groupes ( â k = â ). Le Chow test
est égale à :
k
[ SCE - ( SCE + SCE ) /
] [
k 105 , 4 1 ( 88 , 95 43 , 68 ) / 1 1
- +
G loc imp ] 4 , 27
F k n n
( ; + - 2 )
k = = =
1 2 SCE SCE 88 95 43 , 68 ) / 95
156 22
( + ) / n n
+ - 2 k loc imp 1 2
(
,
+ + -
Où SCEG SCEloc SCE imp
représentent respectivement à la Somme des Carrés des
Ecarts pour les modèles LES quantité totale, quantité de
riz local et quantité de riz importé consommées ; n1
et n2 correspondent au nombre d'observation pour le riz local et
le riz importé, et k le nombre de paramètres
estimés dans les modèles (Greene, 2003).
Une analyse poussée des résultats indique que
plusieurs facteurs expliquent cette différence entre les attitudes des
deux catégories de consommateurs. Ainsi la lecture des t-statistics et
des effets marginaux des différentes variables indique que parmi les dix
(10) variables introduites dans les modèles, seules quatre sont
significatives dans les deux modèles (riz local et riz importé).
En effet, les coefficients des variables atri2 (absence de corps
étrangers), atri8 (forte capacité de gonflement) et
lcasod2 (taille de ménage) sont respectivement significatifs aux
seuils de 10%, 5% et 1% dans le modèle du riz local et 10%, 10% et 1%
pour celui du riz importé. En plus de ces trois variables, la variable
dispo (disponibilité du riz toute l'année)
présente un coefficient significatif au seuil de 1% avec un signe
prédit dans le modèle du riz importé. De même la
variable atri3 (riz de couleur blanche) a un coefficient significatif
au seuil de 10% dans le modèle du riz local mais elle est
négativement corrélée avec la quantité
consommée.
On retient donc que certaines variables déterminent
positivement la demande du riz alors d'autres la déterminent
négativement suivant leur degré de corrélation.
L'étude comparée du comportement des
consommateurs du riz local et du riz importé montre de façon
globale que les attributs favorables à la demande du riz importé
sont généralement défavorables à la demande du riz
local. En effet, les attributs tels que atri2 (absence de
corps étrangers), atri3 (blancheur), atri4 (taux de
brisure), atri5 (cohésion des grains après
cuissons) et dispo (disponibilité du riz toute l'année)
sont défavorables à la demande du riz local car
négativement corrélées ; alors que ceux-ci (sauf
atri5) sont positivement corrélées avec la
quantité de riz importé consommée.
Bien que la capacité de gonflement (atri8) du
riz local soit déjà un atout en sa faveur, il est encore
indispensable, pour une meilleure compétitivité du riz local, de
penser à des mesures d'incorporation ou d'amélioration de ces
variables.
Pour favoriser une réduction (voire la suppression) de
corps étrangers, l'amélioration de la blancheur et la
réduction du taux de brisure dans le riz local, des mesures
d'amélioration des traitements post-récoltes du riz doivent
être envisagées. En effet, le décorticage et
l'étuvage du riz paddy doivent être faits dans des conditions
suffisamment hygiéniques.
Aussi, faudrait-il souligner que la couleur jaune
(dorée) observée au niveau des certaines variétés
de riz local est due à l'opération d'étuvage11.
Cependant, peu sont les consommateurs qui sont conscients du bien fondé
de cette pratique. Ceux-ci lient la qualité à
11 L'étuvage consiste à pré cuir
le riz paddy à fin de l'enrichir en éléments nutritifs
logés au niveau de la couche externe et de réduire le taux de
brisure lors du décorticage (Kossou et Aho, 1993).
la blancheur, ce qui n'est toujours pas exact. Il est donc
nécessaire de mettre en ouvre des programmes de sensibilisation à
travers des émission radio télévisées, les
publicités aussi bien en milieu rural qu'en milieu urbain, pour mieux
faire connaître au grand public consommateur les différents atouts
que regorge le riz local.
Le fort taux de brisure observé au niveau du riz local
n'est que le résultat d'un mauvais traitement post-récolte.
Ainsi, face à des besoins de financement immédiats de la famille,
les producteurs ne respectent pas les délais de récolte, de
séchage et de stockage. Selon les riziculteurs les plus performants, le
riz paddy doit être conservé 6 mois à 1 an avant
décorticage. Si ces conditions de récolte et post-récolte
ne sont pas bonnes, il n'est pas souhaitable que tous les producteurs
pratiquent le décorticage, qui ne leur apporte pas de
valeur ajoutée quand il est réalisé dans de mauvaises
conditions.
Ainsi, une amélioration des rendements ne se traduira
par une augmentation de la production que si elle est accompagnée
d'améliorations dans les opérations postérieures à
la récolte. Généralement au Bénin, la manutention
du riz après la récolte n'a pas connu d'amélioration. La
moisson et le battage à la main sont communs, les méthodes
rudimentaires de séchage sont la règle et les conditions
d'entreposage du riz sont médiocres.
Il ressort de nos enquêtes que les pertes subies lors de
ces opérations sont énormes et peuvent atteindre 50% du total de
la récolte. Or, il existe d'innombrables techniques qui permettraient de
ramener ces pertes à des niveaux plus acceptables. Les pertes
résultant d'un séchage inapproprié sont
élevées. La méthode la plus communément
utilisée est le séchage au soleil. Le riz est souvent soit
séché dans les champs, soit étendu sur une surface plane,
par exemple au bord de la route, après battage. Du fait de l'absence de
contrôle sur l'évaporation pendant le séchage, les grains
se fissurent et se brisent lors de du décorticage. Lors de ce processus,
il se produit d'autres pertes causées par le mauvais fonctionnement
technique du matériel. L'on peut améliorer les rendements des
opérations d'usinage et réduire les brisures, mais cela exige des
investissements majeurs aussi bien du secteur public que du secteur
privé.
Indépendamment de l'amélioration du processus de
séchage, il existe d'autres technologies permettant de réduire
les pertes lors de l'usinage. Un nouveau trait génétique
appelé "tolérance à une moisson tardive" permet
de sécher le riz dans les champs jusqu'à des niveaux peu
élevés (19%), ce qui laisse une certaine marge de manoeuvre dans
le moment de la moisson sans causer des pertes dues à des brisures lors
de l'usinage (Berrio et al., 2002). Ce
trait génétique pourrait être prise en compte
dans les programmes d'hybridation afin d'identifier et vulgariser des
variétés commerciales tolérant une moisson tardive.
Autre problème inhérent au riz local est sa
disponibilité sur les marchés durant toute l'année.
Contrairement au riz importé, cette variable, bien que non significative
dans le modèle, est négativement corrélée avec la
quantité de riz local consommée. Ce signe négatif
signifierait que la non disponibilité du riz local sur le marché
conduit les consommateurs à s'en procurer moins. Cela ne pouvait en
être autrement dans la mesure où l'homme ne consomme que ce qui
est à sa portée. A Cotonou par exemple, nos études ont
monté que le riz local n'est connu à peine que par 2% des
consommateurs. Là, la concurrence n'existe plus en ce sens que les
consommateurs n'ont accès qu'au riz importé ; par
conséquence ne disposent pas d'alternative. Nous pensons que la mise en
oeuvre des stratégies ci-dessus évoquées permettra de
résoudre un temps soit peu ce problème.
Pour comprendre et analyser l'aptitude du consommateur
à choisir un type de riz selon ses différents attributs, de
même que leurs influences sur les prix pratiqués dans les
marchés, le modèle hédonique sera d'une grande
utilité.
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