les enquêtes de concurrence( Télécharger le fichier original )par Ouafae LAROUSSI Faculté de droit de Fès - DESA 2009 |
Chapitre I - Les autorités habilitées à déclencher les enquêtes de concurrenceAu Maroc, seul le Premier ministre est compétant d'ordonner et de déclencher les enquêtes de la concurrence à vocation générale. Toutefois, le conseil de la concurrence jouit d'un pouvoir d'ordonner au PM de procéder aux enquêtes, mais sans pour autant avoir un pouvoir de délibération contraignant en la matière. Par ailleurs, le rôle des autorités administratives, dont quelques unes parmi elles sont par définition indépendantes à l'égard du pouvoir politique, s'exerce pendant des phases dépendantes les unes des autres, et ce dans le respect des procédures, notamment la saisine du PM qui saisi, à son tour, l'autorité judiciaire au besoin. De ce fait, les enquêtes de concurrence (EC) peuvent être déclenchées par les autorités de régulation (Section II) ou/et les autorités administratives (Section I).Section I - Les autorités administrativesC'est en effet c'est de l'esprit de la loi sur la liberté des prix et de la concurrence que de mettre l'Administration au service des agents économiques et du bon fonctionnement du marché. Dans le respect de l'intérêt public, l'Administration a renoncé à ses pouvoirs de sanction, pour devenir, en revanche, chargée d'un rôle de surveillance et d'enquête dans un domaine où celle-ci est généralement tributaire d'une saisine du Conseil de la Concurrence ou du juge. C'est bien évidemment le sens des dispositions de la loi, prévoyant que les procès-verbaux et rapports d'enquête peuvent être produits par l'Administration à toute juridiction. Réaliser cet apport est certes parfois difficile : réunir des éléments de preuve, bâtir une argumentation juridique est souvent ressenti comme un obstacle. Cela implique le sens de la coopération d'une équipe, plus ou moins, composée de plusieurs structures au sommet desquelles on trouve le Premier ministre. En France « Le rôle de l'administration économique dans la recherche et la production des preuves : la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) jouait autrefois un rôle important en ce domaine, car elle était investie de certains pouvoirs de police judiciaire, et la plupart des comportements étaient pénalement poursuivis et répressibles. D'ailleurs, Le contrôle des prix était un prétexte fréquent à l'intervention de ses agents. La Direction conserve présentement d'importants pouvoirs. En outre, la mission de préparation, de correction et même de sanction confiée à l'administration, par la loi sur la liberté des prix et de la concurrence, poursuit la même finalité que la décision de justice en matière civile, c'est-à-dire qu'elle n'a pas un caractère pénal, mais du moins ses décisions peuvent prendre la coloration et l'efficacité de la sanction pénale. En effet, si l'intervention administrative se situe à une phase, en principe, antérieure à celle de la justice, elle en constitue, en revanche un préalable préventif, mais qui est souvent imposé et obligatoire34(*). Il est utile à ce stade de rappeler que les autorités administratives habilitées à participer à la régulation35(*) peuvent être classées selon deux critères fonctionnels principaux : Premièrement, les autorités chargées de la conception de la politique de régulation économique (le premier ministre, et les organe et services qui collaborent directement avec lui). Deuxièmement, les autorités de contrôle et de sanction affectés à la mise en application de la politique de régulation (le premier ministre, les fonctionnaires spécialement habilités à cet effet, le corps des contrôleurs des prix, des mohtassibs et des Oumanas et la commission centrale) »36(*). La prédominance de l'intervention du PM peut dès lors être relevée, et ce en raison de ses multiples missions, d'une part et de l'importance de son rôle dans l'ensemble des procédures d'enquêtes de concurrence. Un autre critère primordial, cette fois-ci, matériel, peut être retenu pour opérer une distinction entre les autorités administratives chargées de EC. Il en ressort de cette distinction deux grandes divisions au niveau de la concurrence ; il y a les autorités administratives classiques à côté des autorités de régulation. Pour se faire, et vue l'importance fonctionnelle et matérielle desdites autorités, il vaut mieux examiner au préalable le rôle, missions et pouvoirs du MP (paragraphe I), avant de se pencher par la suite sur la contribution de ses collaborateurs (paragraphe II). Paragraphe I - Le Premier MinistreD'après l'étude de la teneur de La loi sur la liberté des prix et de la concurrence et son décret d'application n°2-00-854, il est déduit que cette loi confie à cette autorité- hors paire- la charge de prendre un certain nombre de décisions dans le cadre de la politique des prix ainsi qu'en matière des pratiques anticoncurrentielles et de contrôle des opérations de concentration économique. La portée et la délimitation de la compétence du PM en la matière peut être éclairée davantage, primo, à travers la précision de ses rapports avec la justice, dans la mesure où la loi lui donne le pouvoir de saisir le procureur du Roi37(*), secundo, dans sa présidence de la commission interministérielle, des prix et de la commission centrale, tertio, Et en invoquant ses rapports avec le Conseil de la concurrence à travers les dispositions de la loi qui lui permettent ou qui lui ordonnent de saisir cette instance, ou de réagir à ses avis sans qu'il en soit ni président ni membre38(*). La doctrine nationale estime, en plus que la « compétence du PM en matière de liberté des prix et de la concurrence se ramène à une véritable police administrative spéciale en matière économique »39(*). Par ailleurs, les attributions résolutives et réglementaires, qui lui sont dévolues, se traduisent notamment par les autorisations ou le refus d'opérations de concentration, les homologations d'accords sur les prix, les nominations d'agents de contrôle ou des membres du Conseil de la concurrence. Sa mission s'étend aussi la demande d'enquête ou d'avis. L'ensemble de ces dotations, concrétise l'abondance des pouvoirs du Premier Ministre (A). Cela ne peut laisser entendre que ses pouvoirs soient non limités ; les décisions en émanation de cette institution sont bien entendu susceptibles de recours (B). A - L'étendu des pouvoirs du Premier MinistreÉtant l'autorité administrative principale chargée de la politique de la concurrence au Maroc, le PM détient, en vertu de la loi 06-99, un ensemble de pouvoirs réglementaires et administratifs (a) et des prérogatives à caractère résolutif qu'on peut ramener, dans le cadre de cette étude, en un pouvoir décisionnel un pouvoir de nomination et de désignation et un pouvoir de sanction, notamment, des pratiques élusives et anticoncurrentielles (b). a- Pouvoirs réglementaires et administratifs du Premier Ministre Outre les pouvoirs dévolus au Premier Ministre en matière de fixation des prix, il jouit d'un ensemble d'aptitude, à savoir, le pouvoir d'entreprendre les investigations et saisir le conseil de la concurrence afin de procéder aux enquêtes le pouvoir d'injonction en matière de concentration économique et le pouvoir de décision et de détermination de la suite à donner aux enquêtes de concurrence. La loi confie au PM un pouvoir décisionnel en matière de fixation des prix et, en matière d'ententes, assorti d'une autre unité de pouvoirs. D'abord, en matière de fixation et l'homologation des prix, l'article 3 de la loi habilite l'administration de fixer les prix par voie réglementaire, après consultation du conseil de la concurrence conformément aux attributions qui lui sont réservées par l'article 14 de ladite loi 06-99, dans les conditions prévues à l'article 14 du même décret40(*) pris pour son application. Il est de même pour la fixation des prix des produits et services dont la liste est arrêtée par la loi n°008-71 sur la réglementation et le contrôle des prix et les conditions de détention et de vente des produits et marchandise. Il nous est permis d'établir l'existence d'une relation étroite entre le travail administratif de fixation des prix et les études et enquêtes de concurrence effectuées par des agents et fonctionnaires appartenant à divers départements ministériels et ceux du corps de contrôleurs des prix auprès des maillons des chaînes économiques ; les producteurs, importateurs, fabricants, commerçants et prestataires de services. Etant chargé de l'exécutif, en générale, et au sommet des autorités gouvernementales, en particulier, le Premier Ministre (PM) doit, par la force de la loi 06-99, notamment l'article 15-2 et l'article 16-1, saisir le Conseil de la concurrence, pour toute question concernant la concurrence. L'article 24, dévolue, à coté du MP, aux organismes investis de la faculté ou de l'obligation de consulter le conseil41(*), et pour toute affaire qui concerne les intérêts dont ils ont la charge, le pouvoir de le saisir le Conseil de la concurrence de faits qui leur paraissent susceptibles de constituer des infractions aux dispositions des articles 6 et 7. b- compétences à caractère résolutif et de sanction Le PM peut entreprendre toute investigation et procéder à toutes enquêtes qu'il juge utiles en matière de concurrence. Il est de même habilité à saisir le CC et à décider du sort de la concentration projetée ou réalisée après l'avis de ce dernier. L'avis du CC lui devient, selon l'article 10, obligatoire dès lors qu'une opération de concentration ait la vocation de porter atteinte à la concurrence sans pour autant oublier d'informer les entreprises concernées de cette saisine42(*). De sa part, le CC communique ensuite son avis au PM ou aux organismes dont émane la demande d'avis, et recommande, le cas échéant, des mesures, conditions ou injonctions43(*). Les avis rendus par le Conseil de la concurrence sont immédiatement transmis par le président du Conseil de la concurrence au PM qui décide enfin de la suite à leur donner. Ce dernier peut reconnaître la conformité des pratiques44(*) dont il est saisi, demander à ce que des enquêtes soient entreprises ou même faire jouer les pouvoirs qui lui sont impartis par l'article 26 de la loi et saisir le procureur du Roi afin de déclencher des poursuites pénales, notamment si ses injonctions en matière de concentration économique, mesures conservatoires, conditions particulières, imposées par l'article 36 de la loi, aux entreprises parties de pratiques anticoncurrentielles ne soient pas respectées45(*). Il est de même habilité à ordonner, selon les dispositions de l'article 41 de la loi, la publication des sanctions qu'il prononce dans un ou plusieurs journaux qu'il désigne, leur affichage dans des lieux choisit par lui-même. Ces compétences, réalisées en respectant l'obligation de notification, doivent prendre, surtout lors d'examen de dossiers de concentration économique, contribution au progrès économique, ou encore leur tendance à améliorer la gestion des petites et moyennes entreprises ou la commercialisation par les agriculteurs. Dans ce sens, l'on cite le modèle Allemand de traitement de telles question : le Ministre de l'Economie et du Travail peut autoriser une fusion que le BKartA a rejetée, si la restriction à la concurrence est compensée par les avantages en découlant pour l'économie dans son ensemble, ou si la concentration est «justifiée par un intérêt public supérieur.» De son côté, le législateur français a organisé le contrôle des concentrations par l'art. L 430- 1, en vertu duquel le pouvoir décisionnel appartient dans ce cadre au Ministre de l'Economie, l'instruction de ces dossiers étant confiée à la direction générale de la concurrence, consommation et répression des fraudes (DGCCRF), qui détient aussi les mêmes pouvoirs d'inspection que pour l'application des dispositions relatives aux pratiques anticoncurrentielle Détenant en outre le pouvoir de nomination du Président46(*) et les membres du Conseil de la concurrence ainsi que les rapporteurs du conseil et même les fonctionnaires spécialement habilités à effectuer les EC, en vertu de l'article 19 de la loi et des réglementations spéciales48(*), le PM se voit doté d'une grande compétence. Mais ses attributions ne sont pas sans limites. * 34 M. D. Alami Machichi, Concurrence Droit et Obligations des Entreprises au Maroc, op. cit. p. 215. * 35« Évidemment, l'administration est à la disposition des consommateurs et, de leurs organisations, comme à celle des autres partenaires économiques, pour apporter, en cas de besoin, le concours de ses moyens de preuve et orienter sur le choix des procédures adaptées.» : Déclarations de mr. Le ministre des affaires économiques et générales ; ... * 36 M. D. Alami Machichi, Concurrence Droit et Obligations des Entreprises au Maroc, op. cit. p. 216 * 37 Voir infra. P. .... le Premier Ministre dispose d'un pouvoir spécial pour saisir la justice qu'il exerce en transmettant les dossiers de certains contrevenants aux règles de la concurrence au ministère public près le tribunal de première instance compétant. Seul cette décision échappe au recours. * 38 M. Drissi Alami Machichi « Concurrence Droits et Obligations des entreprises au Maroc » ; Ed. L'économiste, 2004, p. 217. * 39 M. Drissi Alami Machichi « Concurrence Droits et Obligations des entreprises au Maroc » ; Ed. L'économiste, 2004, p. 219. * 40 La fixation des prix ne s'effectue pas au hasard. En ce sens, l'alinéa 2 de l'article 14 du décret précise que « pour la fixation de ces prix, le Premier Ministre ou l'autorité gouvernementale déléguée par lui à cet effet peut charger des fonctionnaires de divers départements ministériels, dont les agents du corps des contrôleurs des prix, de procéder auprès des importateurs, fabricants, producteurs, commerçants et prestataires de services à toutes enquêtes, recherches et études permettant la détermination des éléments de fixation des prix. En tout cas, d'après l'alinéa 3 de l'article14 du décret l'administration a l'obligation de respecter les modes et les conditions (valeurs et marges) de fixation des prix en application de l'article 56 de la loi 06-99. * 41 Visés au 3e paragraphe de l'article 15 de la loi 06-99 * 42 Ibid, article 42. * 43 Article 25 de la même loi. * 44 En matière d'ententes, le PM est habilité à reconnaître par décision que certains accords, notamment entre PME ou agriculteurs, ne soient pas considérés comme des pratiques anticoncurrentielles. Si le PM n'est pas convaincu du caractère tolérable d'une pratique, il lui est permis de réquisitionner la justice aux fins de poursuites prévues à l'articles 70 de la loi 06-99. * 45 Ces décisions sont prévues et réglementées par les articles 64, 65 de la loi 06-99 et l'article 24 du décret pris pour son application. * 46 « En général, ce genre de personnalités est nommé par le Roi même lorsque la mission concernée rentre dans les attributions du gouvernement » ; 47 MOHAMED DRISSI ALAMI MACHICHI. « DROIT COMMERCIAL FONDAMENTAL AU MAROC. Ed. Fédala, Dar Al Kamal ; 2006. p. 282. * 48 Selon l'article 22 du décret °n 2-00-854 « les fonctionnaires spécialement habilités à procéder aux enquêtes de concurrence en vertu des dispositions du 1er alinéa de l'article 61 de la loi 06/99, sont désignés par le Premier ministre ou l'autorité gouvernementale déléguée par lui à cet effet, sur proposition de l'autorité gouvernementale dont ils relèvent ». |
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