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Sida et comportements sexuels à Â risque chez les femmes célibataires au Congo

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par Steve Bertrand MBOKO IBARA
Université de Yaoundé II Cameroun - Diplôme d'études supérieures spécialisées en démographie 2008
  

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b-/ L'approche socioculturelle "moderne"

Comme la plupart des « sociétés inférieures »7, la société africaine se trouve de plus en plus imposer un mode de vie "moderne", à l'occidentale considéré comme la norme des civilisations. La tradition africaine doit alors céder la place à la modernisation sous toutes ces formes notamment son aspect socioculturel, avec pour corollaire la liberté sexuelle, qui tend d'ailleurs à se confondre au libertinage. Encore faudrait-il s'interroger sur les conséquences de la dynamique des moeurs sexuelles sur l'individu et sur la société. En effet, des constats pour le moins paradoxaux ont parfois été faits concernant l'effet des religions occidentales sur les comportements sexuels. Des études ont classé ces religions comme faisant partie des facteurs de la modernisation ayant contribué à la déstabilisation de certaines valeurs traditionnelles africaines (Sala-Diakanda, 1988 ; Evina, 1990 ; Rwengé, 1999a). Ce faisant, ces religions auraient contribué à l'adoption en Afrique, particulièrement chez les jeunes, des comportements débridés notamment en matière de sexualité (Liboko, 2001). Une grande importance est alors accordée à la performance sexuelle ; les questions relatives au sexe ne sont plus tabous et peuvent se débattre sans honte entre garçons et filles ; la sexualité avant le mariage devient une pratique courante, considérée comme normale ; et l'inexpérience sexuelle passe aux yeux de beaucoup pour une insuffisance préjudiciable (Ngondo, 1994 ; Njikam Savage, 1998 ; Beat-Songue, 1998 ; Evina, 1998).

Ainsi, la religion occidentale, le milieu de résidence et de socialisation, l'éducation et le niveau d'instruction, etc., sont autant d'éléments pouvant constituer la dimension moderne de l'approche socioculturelle, quand il est question d'envisager des hypothèses sur les effets de l'ouverture des femmes africaines aux valeurs occidentales en matière de sexualité.

7 La civilisation occidentale considère une grande partie d'autres civilisations traditionnelles notamment celles d'Afrique, d'Amérique Latine et d'Asie comme primitives où l'homme à du mal à exprimer ses droits. A ce titre, elles doivent céder la place à la norme des civilisations, celle à l'occidentale pour leur propre bien-être.

Sida et comportements sexuels à risque chez les femmes célibataires au Congo L'influence des religions importées

Du fait de leurs origines, les religions chrétienne et musulmane ont été identifiées par bon nombre d'auteurs comme faisant partie des facteurs socioculturels modernes pouvant influencer les comportements sexuels des individus dans les sociétés où elles se sont implantées. Ces grandes religions véhiculent aux fidèles des idéologies morales régissant les pratiques sexuelles. Par exemple, en matière de prévention des IST/VIH/SIDA, les leaders religieux ont généralement prêché des discours peu favorables à l'utilisation du préservatif, car selon eux, pouvant conduire à des comportements de vagabondage et débauche sexuels. Ils ont en revanche, recommandé la fidélité au partenaire ou tout simplement l'abstinence sexuelle. Au Cameroun, ces religions semblent présenter des similitudes concernant l'attitude sur la sexualité :

« (...). Ces mesures s'inscrivent dans l'ethnie ou des groupes religieux les plus importants au Cameroun, et cela d'autant plus qu'à l'extrême, ces religions (catholicisme, protestantisme, islam) prônent souvent l'abstinence des rapports sexuels hors mariage. C'est le cas pour le christianisme (...) et l'islam (...) » (Beat-Songue, 1993, p. 26).

Concernant le Sida, ces religions le perçoivent comme une « maladie de Satan » à cause du lien qu'il entretient avec le sexe. En effet, dans les religions musulmanes et chrétiennes avoir des rapports sexuels hors mariage ou utiliser un préservatif lors des rapports sexuels est considéré comme un péché.

Au Congo, dans certaines confessions religieuse le Sida est considéré comme une punition ou une malédiction de Dieu à l'égard des personnes n'observant pas ses ordonnances ou commettant des péchés. En fait de péchés, il ne s'agit nulle part de mensonge, de vol ou de meurtre largement exorcisés pendant la conférence nationale, apparaissant comme les péchés les plus monstrueux (Guénais et al., 1995) mais plutôt des rapports sexuels avant le mariage.

Dans son étude sur le Sida, la sexualité et la procréation au Congo, Madeleine Boumpoto8, parlant du rapport Sida et religion dit :

« Le sida apparaît toujours comme une maladie -- sanction d'une inconduite sexuelle, ce qui l'assimile à l'impudicité, à la débauche, à l'adultère et fait du malade un

8 M. Boumpoto : Sida, sexualité et procréation au Congo.

pécheur qui n'a eu que ce qu'il mérite. L'attitude face à la mort par le sida révèle les mêmes incohérences. En principe, la mort est pour tout chrétien un passage qui mène à Dieu. Quand elle arrive, elle traduit la volonté de Dieu et doit être acceptée, quelles que soient les circonstances. Or, mourir par le sida est considéré comme une condamnation par la majorité des chrétiens. (...), le langage courant a établi l'analogie entre le «fruit défendu» et le sexe, en particulier celui de la femme, qu'elle offre au cours de l'acte sexuel à l'homme et qui conduirait à la mort. Mais, qu'on considère le sida comme une conséquence de la désobéissance aux préceptes divins ou comme la conséquence de la consommation du fruit «défendu», il est un opprobre, exactement comme dans la conception profane. ».

Ces propos de Boumpoto illustrent bien comment la religion, à travers les codes moraux dont elle régi auprès des fidèles, agit sur l'individu en modifiant non seulement son comportement sexuel ("La religion est un déterminant de l'entrée précoce en vie sexuelle" : Kouaté Defo, 1998) mais aussi sa conception du sida ainsi que l'adoption des attitudes répulsives envers les personnes vivants avec le VIH/SIDA.

Les études9 menées au Ghana (Takyi, 2003) et en milieu urbain ivoirien (Talnan et al., 2002) ont montré tour à tour que la religion avait un effet significatif sur la connaissance du Sida et que les adolescentes musulmanes avait moins de chance d'avoir recourt aux condoms dans leur vie que celles adeptes des religions chrétiennes.

Le milieu de socialisation et le milieu de résidence

Le milieu de socialisation et le milieu de résidence sont deux facteurs, non moins important concourant à l'explication des comportements en matière de sexualité des femmes en Afrique au sud du sahara.

Si la socialisation en milieu rural se caractérise par l'acquisition des valeurs normatives et religieuses traditionnelles transmises dans un contexte de control strict des aînés et de la communauté, la scolarisation en milieu urbain par contre se réalise dans des conditions différentes. Dans le milieu urbain, les modèles et idéaux autorisant ou banalisant le sexe, venant pour la plupart des sociétés occidentales, ont influencé les comportements des individus par les valeurs observées dans la littérature et les médias. La rigueur du contrôle social traditionnel laisse la place à la liberté et à l'initiative des individus en particulier des

9 J. Daga (2007), Mémoire DESSD-IFORD , p. 26.

jeunes célibataires qui doivent se battre à leur manière pour trouver des repères, ne sachant pas trop à quel système de valeurs se conformer (Rwengé, 1999b). Aussi, les jeunes dans les villes sont motivés par la quête du plaisir sous toutes ses formes et la valorisation de performances et prouesses sexuelles, à avoir une activité sexuelle intense (Beat-Songue, 1998).

Contrairement au milieu de socialisation qui agit sur les comportements essentiellement de manière indirecte à travers le processus de socialisation, le milieu de résidence détermine les comportements directement, d'autant plus qu'il renvoie à l'effet des conditions de vie et à celui de la modernisation des valeurs (Liboko, 2001).

Le milieu urbain est le lieu où se développent les comportements sexuels à risque en raison de son organisation, offrant ainsi des conditions propices à la promiscuité sexuelle (Rwengé, 1999). En effet, l'urbanisation s'accompagnant de l'ouverture des jeunes à l'information sur la sexualité et aux médias, à favoriser les activités récréatives se rapportant au cinéma, aux soirées dansantes, au football etc. Ces activités raccourcissent le temps que les jeunes ont sur le contrôle des parents ou passent dans le cercle familial. Il s'en suit le développement de l'activité sexuelle précoce des jeunes observé dans la plupart des villes africaines. Kuaté-Défo (1998) a observé chez les adolescentes du Cameroun une absence de lien ferme entre le lieu de résidence et le début de l'activité sexuelle. Cette absence de lien pourrait refléter, selon cet auteur, aussi bien l'influence des changements dans les normes et pratiques qui régissent l'activité sexuelle selon le milieu que les transformations régionales de la nuptialité.


·:* Le niveau d'instruction

Le Niveau d'instruction est certainement un autre facteur non moins important, concourant à l'explication de la variation des comportements sexuels. D'ailleurs, nombreuses sont les études qui ressortent le lien entre le niveau d'instruction et la sexualité de façon générale, mais de façon plus particulière pour ce qui est de la sexualité des adolescentes et des femmes célibataires.

Le niveau d'instruction ne présente pas que d'influences négatives sur la sexualité. En effet, Meekers (1993) a observé qu'au Mali, au Togo, au Ghana, et au Libéria, l'expérience sexuelle était plus élevée parmi les filles lettrées. Kuaté-Défo (1998) et Calvès (1999) en

sont arrivés aux mêmes conclusions au Cameroun où, les filles de niveau secondaire et plus, présentaient des risques plus élevés d'être sexuellement actives avant le mariage que celles n'ayant pas été à l'école. Sur ce point, les programmes d'éducation sexuelle à l'école seraient toutefois plus efficaces s'ils débutaient très tôt, avant la première expérience sexuelle des adolescents et s'ils mettaient l'accent sur les compétences et les normes sociales plutôt que sur l'acquisition des connaissances. Signalons par ailleurs que le manque d'instruction chez la femme est cité comme un facteur restrictif d'accès à l'information adéquate sur les IST/VIH/SIDA, limitant ainsi leurs connaissances sur les modes de prévention de ces maladies (Awusaba-Asare et al., 1993 ; Panos, 1993 ; Gobato et Bardem, 1995 cités par Libiko, 2001). Enfin, l'influence de l'instruction sur les comportements sexuels de la femme peut aussi s'exercer à travers l'amélioration du statut de la femme. En effet, l'instruction favorise l'émancipation de la femme, améliore sa perception de soi, et réduit les inégalités dans ces rapports avec son partenaire.

Le niveau d'instruction des parents et l'éducation sexuelle des filles.

Le niveau d'instruction des parents peut être considéré comme un facteur explicatif des comportements sexuels des jeunes femmes célibataires dans ce sens qu'il constitue un moteur de dialogue et donc d'éducation sexuelle entre parents et enfants. Une étude de Koss (1985) citée par Brooks (2007) a trouvé que les adolescentes dont les parents avaient un niveau d'instruction primaire étaient 5,7 fois plus engagées dans les relations sexuelles que celles où les parents étaient de niveau supérieur.

Le contrôle des enfants par les parents avait été identifié comme un facteur significatif dans la compréhension de la variation de l'activité sexuelle parmi les adolescentes aux Etats Unies et partout ailleurs (Hanson et al., 1987 ; Hogan et Pitagawa, 1985 ; Meschke & Silbereisen, 1997 ; Brooks, 2007). M. Schofield (1971) soulignait déjà que l'intérêt et le temps accordés par les parents à l'éducation de leurs enfants en matière de sexualité étaient aussi déterminants des comportements sexuels des jeunes. Il est reconnu qu'en Afrique subsaharienne comme dans beaucoup d'autres pays en développement, la plupart des parents s'entretiennent rarement avec leurs enfants sur la sexualité (Rwenge, 1999b). Cette attitude tient à deux principales raisons : « La première résulte du fait que l'éducation traditionnelle reçue par les parents n'accorde qu'une très petite place à l'explication et à la verbalisation. La deuxième raison est le manque de connaissances adéquates des parents en matière de sexualité » (Madzouka, 1991). Ainsi la plupart des parents considèrent la sexualité comme un

sujet tabou et ont la crainte que les enfants, surtout pubères et adolescents, ne considèrent les informations éducatives sur la sexualité comme une incitation à la débauche. En revanche, ceux qui peuvent s'entretenir avec leurs enfants sur ce sujet, appartiennent aux couches sociales aisées de la population, mais dans la plupart des cas, ils consacrent plus de temps à leurs activités qu'à l'encadrement de leurs enfants.

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus