E-/ APPROCHE ÉCONOMIQUE
L'approche économique considère les femmes comme
des acteurs dits rationnels. Elle se base sur la thèse de "l'adaptation
rationnelle" développée par Cherlin et Riley en 1986 selon
laquelle les femmes s'engagent dans la sexualité pour atteindre des
objectifs bien précis, d'ordre économique ou social. En effet,
devenir sexuellement active, pour une jeune femme célibataire, est une
décision rationnelle basée sur l'attente d'une gratification :
argent, cadeaux, habits, emploi, etc. en échange des rapports sexuels
avec un homme. La sexualité devient alors, une stratégie
utilisée par les femmes célibataires pour améliorer
à la fois, leurs conditions de vie et leur statut via le mariage ou la
fécondité.
a-/ La sexualité des femmes comme
stratégie d'amélioration des conditions de vie
Pour une femme `'pauvre», l'activité sexuelle
comme stratégie de survie, est un moyen de se mettre à l'abri du
besoin matériel et financier. Les femmes qui sont dans
l'incapacité de satisfaire leurs besoins financiers sont obligées
de commercialiser leur sexe aux hommes de situation financière
aisée (Calvès, 1996 ; Ilinigumugabo et al., 1996). Si l'argent ne
constitue pas une motivation importante pour la première
expérience sexuelle, il constitue toutefois par la suite une composante
majeure de leur vie affective (Calvès, 1998). Ainsi, les avantages
financiers découlant de la multiplicité des partenaires sont
cités par un nombre important des femmes âgées de 20 ans et
plus. Au cours de son enquête, Calvès a relevé que 47 %
d'entre elles affirment qu'elles ont plusieurs partenaires afin de satisfaire
leurs besoins financiers. Une étude de l'ONUSIDA (2002) a
révélé que près d'une adolescente sur cinq non
scolarisée trouvait difficile de refuser des rapports sexuels lorsque de
l'argent et des cadeaux étaient offerts. Cette monétarisation des
rapports sexuels se fait non seulement avec des partenaires plus
âgés et plus riches (relations du type "sugar dadies" ou
encore "sponsors") mais aussi avec leurs jeunes copains de qui elles exigent
des faveurs similaires en échange de relations sexuelles. Dans les
discussions de groupe, il ressort que le phénomène de "sugar
dadies" fait aussi partie des stratégies pour la recherche d'un
emploi car
« ...un parrain qui a souvent une bonne situation
professionnelle et de nombreux contacts, peut rendre également des
services à sa partenaire, comme l'aider à trouver un emploi.
» (Calvès, 1998, p. 165).
La perception des adolescentes par les hommes
âgés dans le contexte du Sida est aussi un élément
déterminant le multipartenariat et la sexualité
prémaritale des jeunes femmes en Afrique. Il est en effet
fréquent que des hommes d'âges mûrs et aisés
préfèrent entretenir des relations sexuelles avec des
adolescentes plutôt qu'avec des femmes âgées. Ils croient
qu'étant encore jeunes, les adolescentes ont moins de risque que les
femmes âgées d'avoir le Sida (Caldwell et al., 1993 ; Dozon et
Guillaume, 1994). D'autres encore, pensent qu'avoir un rapport sexuel avec une
fille vierge peut guérir du Sida (OMS, 2000).
Enfin, les mouvements migratoires féminins de recherche
d'emploi peuvent aussi expliquer en partie, les comportements sexuels à
risque dans bon nombre de villes africaines. Pour Rwengé (1999a),
«Dans les conditions économiques difficiles, les femmes
célibataires peuvent se prostituer pour subvenir à leurs besoins
». En effet, une bonne partie des jeunes filles qui migrent vers les
grandes villes ou les bourgades ont pour premier objectif, avoir un emploi. En
cas d'échec elles se lancent parfois dans la prostitution. La migration
contribue ainsi à augmenter les comportements à risque en
favorisant les rapports sexuels occasionnels, souvent non
protégés ; faisant de la migrante à la fois l'hôte
et le vecteur du VIH. Aussi en raison de la charge en terme de personnes
à nourrir, éduquer, entretenir etc., la célibataire peut
s'engager dans les rapports sexuels à risque en multipliant le nombre de
partenaires (réguliers et occasionnels) pour arriver à faire face
à la charge qui lui est dévolue. Cette charge peut dans certains
cas s'étendre en plus de ses propres enfants, à celle de son
père, sa mère et d'autres parents (Mboussou, 2004).
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