V.2.2. Maternité précoce et environnement
familial de l'adolescente
Il apparaît que deux variables de l'environnement
familial déterminent la fécondité à l'adolescence,
à savoir le niveau de vie du ménage et le suivi régulier
de la télévision. Les adolescentes congolaises appartenant aux
ménages de niveau de vie faible et moyen ont respectivement 1,8 fois et
2,4 fois plus de risque d'être mères précocement que leurs
homologues issues des ménages de niveau de vie élevé.
L'exposition à la télévision semble favorable à la
réduction du risque de maternité précoce. En effet, les
adolescentes qui suivent rarement ou souvent ce média ont respectivement
44% et 63% moins de chance d'être mères à un âge
précoce que leurs homologues qui n'ont jamais suivi ce média.
V.2.3. Maternité précoce et
caractéristiques individuelles de l'adolescente
L'instruction semble être négativement
corrélé à la fécondité précoce. Les
jeunes filles sans niveau d'instruction ou celles ayant le niveau primaire
sont, en effet, respectivement 1,93 fois et 1,45 fois plus susceptibles de
connaître une maternité précoce à l'adolescence que
leurs homologues possédant le niveau secondaire ou plus. S'agissant de
la connaissance des méthodes contraceptives et de celle du cycle
ovulatoire, il en résulte d'une part, que les adolescentes n'ayant
aucune connaissance des méthodes contraceptives ou celles qui ne
connaissent que les méthodes traditionnelles sont moins exposées
au risque de maternité précoce que leurs homologues qui
connaissent les méthodes modernes (respectivement OR=0,07 et
OR=0,43) ; et d'autre part, que les adolescentes n'ayant aucune
connaissance de leur cycle ovulatoire sont moins susceptibles d'être
mères précocement que celles qui ont une connaissance
relativement bonne de leur cycle. Ces résultats assez paradoxaux
seraient peut être dus aux différences dans les autres facteurs
(socioculturels, socioéconomiques, familiaux, etc.) ; ou encore
cela traduirait le fait que les adolescentes congolaises
s'intéresseraient plus aux méthodes contraceptives et/ou à
leur cycle ovulatoire que lorsqu'elles ont déjà été
« victime » d'une grossesse non désirée.
Suivant l'état matrimonial, il s'en suit que les adolescentes en union
sont 13,3 fois plus exposées au risque de maternité
précoce.
V.2.4. Maternité précoce et comportement de
l'adolescente
Au niveau brut deux variables comportementales paraissent
déterminées la fécondité précoce des
adolescentes congolaises, l'utilisation des méthodes contraceptives
étant non significative. Il apparaît ainsi, que les adolescentes
ayant débuté leur sexualité moins précocement
(à 16 ans et plus) ont 54% moins de risque d'être mères
précocement que celles qui avaient débuté plus tôt
leur sexualité (à 10-15 ans). De même que les adolescentes
mariées au moins à l'âge légal minimum (18 ans et
plus) ont 58% moins de risque d'avoir une maternité précoce que
celles qui ont été mariées précocement (11-17
ans).
Cependant, ajustées sur les autres variables sept (7)
facteurs paraissent expliquer la fécondité précoce des
adolescentes au Congo ; il s'agit de : la religion, le milieu de
résidence, le niveau de vie du ménage, le suivi régulier
de la télévision, l'âge aux premiers rapports sexuels,
l'âge au premier mariage et l'utilisation des méthodes
contraceptives (M13).
Ainsi, les facteurs socioculturels et/ou
socioéconomiques les plus associés à la maternité
précoce des adolescences congolaises sont la religion et le milieu de
résidence. Du point de vue religieux, les adolescentes adeptes des
« religions traditionnelles » ont 2,24 fois plus de risque
de connaître une maternité précoce que leurs homologues
adeptes des églises « chrétiennes
traditionnelles » ; contrairement aux adolescentes sans
appartenance religieuse qui ont 51% moins de risque d'être mères
précocement que ces dernières.
Sur le plan résidentiel, les adolescentes
résidant dans les grandes villes ont 58% moins de risque que celles qui
résident dans des petites villes d'être mères
précocement.
Par ailleurs, le niveau de vie du ménage et le suivi
régulier de la télévision paraissent comme les facteurs
familiaux explicatifs de la fécondité précoce des
adolescentes congolaises. Ajustée aux autres variables, les adolescentes
appartenant aux ménages de niveau de vie moyen sont 1,92 fois plus
susceptibles d'être mères précocement que leurs homologues
membres des ménages de niveau de vie élevé. Et, pour ce
qui est de l'exposition aux médias, plus précisément
à la télévision, il ressort que comparées aux
adolescentes qui n'ont jamais suivi ce média, celles qui le suivent
rarement ou souvent ont respectivement 42% et 52% moins de risque de
connaître une maternité précoce. Ce résultat indique
que le risque de maternité précoce est négativement
lié au degré d'exposition à la
télévision.
Par contre, aucune caractéristique individuelle de
l'adolescente ne paraît significativement associée à la
maternité précoce.
Les facteurs comportementaux restent tous associés
à la maternité précoce à l'adolescence. Toutes
choses étant égales par ailleurs, les adolescentes qui ont eu
leurs premiers rapports sexuels à un âge non précoce,
c'est-à-dire à 16 ans et plus ont 70% moins de risque que celles
qui les ont eu à l'âge précoce, c'est-à-dire
à 10-15 ans, d'avoir une fécondité précoce. Sur le
plan matrimonial, les jeunes filles mariées non précocement
(à 18 ans ou plus) ont 81% moins de risque de connaître une
maternité précoce que celles qui se sont mariées
précocement (à 11-17 ans). Enfin, s'agissant de la pratique
contraceptive, nous remarquons que par rapport aux adolescentes qui n'utilisent
aucune méthode contraceptive, celles qui utilisent les méthodes
traditionnelles et celles qui utilisent les méthodes modernes ont
respectivement 65% et 56% moins de chance d'être mères
précocement.
L'ajout progressif des variables, au modèle pas
à pas, met en évidence l'effet net des variables et permet de
déceler le mécanisme à travers lequel ces facteurs
agissent sur la maternité précoce. La signification de l'ethnie
passe de 5% à 1% lorsque nous contrôlons avec l'âge
(M1) ; ceci traduirait que les différences
observées au sein des différents groupes ethniques seraient, en
partie, dues aux différences d'âge des adolescentes. L'âge
est donc une variable inhibitrice pour l'ethnie.
En introduisant le milieu de socialisation
(M3), la signification de l'ethnie baisse à 10% ;
tandis que celle de la religion augmente à 1%. Le milieu de
socialisation est intervenu comme variable intermédiaire pour l'ethnie,
mais comme variable inhibitrice pour la religion.
Au modèle suivant (M4), nous
introduisons le milieu de résidence et, l'ethnie devient significative
à 5% tandis que le milieu de socialisation devient non significatif. Ce
qui traduirait que le milieu de résidence masque l'effet de l'ethnie sur
la fécondité précoce, alors qu'il médiatise celui
du milieu de socialisation sur celle-ci.
Dans le modèle M5 avec l'ajout du
niveau de vie du ménage, l'ethnie redevient significative à 1%,
les autres résultats étant similaires aux
précédents. L'effet de l'ethnie serait donc en partie
masqué par le niveau de vie du ménage.
Lorsque nous ajoutons le sexe du chef de ménage dans le
modèle (M6), le seuil de signification de la religion
passe de 1% à 5% ; ce qui traduirait que l'effet de la religion
transite en partie par le sexe du chef de ménage.
Au modèle suivant (M7), nous
introduisons le suivi régulier de la télévision et, la
religion redevient significative à 1% tandis que le milieu de
résidence baisse de signification (p<0,05). Ce qui traduirait que le
suivi régulier de la télévision masque l'effet de la
religion sur la fécondité précoce, alors qu'il
médiatise celui du milieu de résidence sur celle-ci.
En introduisant le niveau d'instruction (M8),
nous observons que la signification de la religion baisse à 5% ;
les autres résultats étant similaires aux
précédents. Le niveau d'instruction médiatise donc l'effet
de la religion.
Au modèle M9 nous introduisons deux
variables : la connaissance des méthodes contraceptives et la
connaissance du cycle ovulatoire. A ce niveau, le sexe du chef de ménage
qui était non significatif devient significatif au seuil de 10% ;
donc l'effet du sexe du chef de ménage était en partie
masqué par l'une et/ou l'autre de ces deux variables.
Au modèle suivant (M10) nous ajoutons
l'état matrimonial. Le sexe du chef de ménage et la connaissance
du cycle ovulatoire deviennent non significatifs ; la signification de
l'ethnie et de la connaissance des méthodes contraceptives baisse au
seuil de 10% ; tandis que celle du milieu de résidence augmente au
seuil de 1%. L'état matrimonial est intervenu comme variable
intermédiaire pour l'ethnie, le sexe du chef de ménage, la
connaissance des méthodes contraceptives et la connaissance du cycle
ovulatoire ; mais il est une variable inhibitrice pour le milieu de
résidence. Lorsque nous ajoutons l'âge aux premiers rapports
sexuels dans le modèle (M11), l'ethnie et la
connaissance des méthodes contraceptives deviennent non
significatives ; tandis que la religion devient significative au seuil de
1%. L'âge aux premiers rapports sexuels médiatise donc l'effet de
l'ethnie et de la connaissance des méthodes contraceptives ; mais
il masque celui de la religion.
Dans l'avant dernier modèle (M12),
c'est l'âge au premier mariage que nous ajoutons. A ce stade,
les résultats sont pratiquement similaires à ceux des
modèles précédents. Seulement, la signification du suivi
régulier de la télé baisse au seuil de 5% et,
l'état matrimonial devient non significatif : l'âge au
premier mariage à un effet médiateur pour ces deux variables.
Enfin, le modèle final (M13)
intègre la variable « Utilisation des méthodes
contraceptives » qui n'apporte pas de modifications significatives
aux résultats précédents. Chez les adolescentes qui
utilisent les méthodes contraceptives soit traditionnelles ou modernes
le risque de fécondité précoce est plus faible que chez
celles qui n'utilisent aucune méthode, avec signification statistique au
moins au seuil de 5%.
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