II.1.2.6. Les facteurs comportementaux (ou les
déterminants immédiats)
Les comportements sont très largement structurés
par un ensemble de facteurs relatifs au statut de l'adolescente, statut
résultant de ses caractéristiques socio-démographiques,
socio-économiques et culturelles. Ainsi selon les auteurs de l'approche
comportementale, les facteurs comportementaux constituent des facteurs qui
agissent directement sur le risque de procréer ; il s'agit, en
effet, des éléments qui dépendent essentiellement de
certains comportements de l'individu qui réalise le risque.
a) Age aux premiers rapports sexuels
Les mutations socioculturelles en cours dans la plupart des
sociétés africaines entraînent des changements
significatifs dans les jeunes générations. Le mariage n'est plus
le cadre exclusif de l'activité sexuelle ; les adolescentes
entament leur sexualité avant même de projeter sur une union
quelconque, et le plus souvent sans prendre des précautions
nécessaires qui permettent d'éviter les grossesses non
désirées ou une maternité précoce. L'entrée
en vie sexuelle constitue de ce fait un facteur d'exposition au risque de
maternité précoce et, plus tôt serait cette entrée
plus longue serait donc le temps d'exposition ce qui signifie que, les filles
qui entament précocement leur activité sexuelle seront plus
exposées au risque de maternité précoce que celles qui
l'entament avec un certain retard.
En effet, de nombreuses études ont montré que le
début des rapports sexuels est un facteur important des risques
qu'encourent les adolescentes quant aux grossesses/naissances non
désirées et/ou précoces et aux infections sexuellement
transmissibles comme le VIH/Sida (Calvès, 1996 ; Kuate-Deffo,
1998 ; UNFPA, 2005b). Il est évident qu'une fille ayant
débuté sa vie sexuelle à 15 ans court plus de risque de
tomber enceinte et est plus exposée aux IST durant sa vie reproductive
que celle ayant eu ses premiers rapports sexuels à 20 ans. De même
lorsque l'activité sexuelle est précoce, il y a de fortes chances
que les rapports sexuels soient non-protégés et de surcroît
avec de multiples partenaires et, en l'absence d'une utilisation
adéquate des méthodes contraceptives telle que fréquemment
observée en Afrique subsaharienne cela augmenterait la
probabilité d'une maternité précoce.
Dans une étude comparative de l'UNFPA (2005b), il s'est
avéré qu'en Afrique centrale l'importante activité
sexuelle au sein des adolescentes va de pair avec une contribution
élevée à l'ISF ; et c'est au Gabon où sept
adolescentes sur dix ont déjà des rapports sexuels qu'on note la
contribution la plus élevée. Le calendrier d'activité
sexuelle est donc susceptible d'influencer sur celui de la maternité.
Selon Kuate-Defo (1998) les jeunes filles précocement sexuelles ont un
risque plus élevé de connaître leur première
naissance avant la fin de leur adolescence ; le calendrier des rapports
sexuels est considéré dans la plupart des études sur la
fécondité des adolescentes comme le second facteur explicatif de
ce phénomène. Dans le contexte de la RDC, Kibali et
al.(2004) parviennent à la conclusion selon laquelle
« l'âge aux premiers rapports sexuels détermine le
comportement sexuel à risque ».
b) Age au premier mariage ou à la
première union
En Afrique, la coexistence entre les systèmes
légaux des tribunaux officiels avec les systèmes coutumiers et
traditionnels des institutions locales ou de la famille, fait que les
législations sur le mariage ne sont pas toujours respectées. Et
la plupart du temps, le système légal cède la place au
système coutumier pour les questions liées à la famille.
De ce fait, les mariages arrangés restent courants dans la plupart des
sociétés africaines. Et, si dans certaines
sociétés, les intéressés peuvent accepter ou de
refuser l'arrangement une fois qu'ils se sont rencontrés, dans d'autres
les arrangements familiaux sont définitifs, en particulier lorsque le
mariage a déjà eu lieu. Dans la plupart des
sociétés d'Afrique subsaharienne, le mariage est le cadre
idéal de la procréation ; on se marie avant tout pour faire
des enfants. Dans les cultures où les jeunes mariés sont
censés fonder une famille immédiatement, une naissance qui ne se
fait pas attendre ne peut qu'affermir le mariage ; et d'une manière
ou d'une autre, de fortes pressions s'exercent sur les jeunes couples
mariés pour les amener à avoir des enfants le plus tôt
possible.
Toutefois de nos jours, on rencontre de plus en plus des
situations où la fécondité intervient hors union ou dans
le cadre des unions consensuelles ; ceci est d'autant plus fréquent
en milieu urbain où le premier mariage est de plus en plus tardif et le
célibat féminin en augmentation. Pour Kuate-Defo (1998), «
dans les sociétés où le coït est encore rare hors
mariage, l'âge à la formation des unions constitue un important
déterminant de la fécondité adolescente ». Mais
pour Antoine et Nanitélamio (1990), « le comportement
matrimonial est fortement touché par les mutations en cours. Dans de
nombreux pays africains le mariage reste en général
précoce pour les jeunes filles, mais on assiste cependant à un
recul de l'âge au premier mariage dans les grandes agglomérations,
et la période du célibat tend donc à se
prolonger. » Ainsi, Delaunay (1994 et 2001) dans l'analyse de la
fécondité à Niakhar (Sénégal) conclut de la
manière suivante : « On observe, en effet, un recul de
l'âge d'entrée en premier mariage et un allongement du
premier intervalle entre les naissances qui d'ores et
déjà se traduisent par un recul de calendrier de la
fécondité dans les générations
récentes ».
Enfin, même si diverses situations peuvent être
observées quant à l'entrée en union et à la
prévalence du mariage dans un pays, la plupart des femmes (y compris les
adolescentes) font leurs enfants lorsqu'elles sont union ; il est ainsi
évident que l'âge au premier mariage peut expliquer les variations
de la fécondité au sein d'un pays. Pour les adolescentes, ce
constat est vrai qu'elles utilisent moins couramment la contraception que les
autres femmes.
c) Pratique contraceptive
La contraception est l'ensemble de méthodes visant
à éviter, de façon réversible et temporaire, les
grossesses. Ces méthodes entraînent un régime de
fécondité caractérisé par la procréation
retardée et restreinte, c'est-à-dire à une
fécondité contrôlée : les couples ou les femmes
prévoient le nombre des naissances et le moment de la
procréation. Les méthodes contraceptives se répartissent
en deux groupes : les méthodes traditionnelles (coït
interrompu, l'abstinence périodique, etc.) et les méthodes
modernes (pilule, préservatif masculin, stérilet, etc.) ;
les premières sont moins efficaces que les secondes. Et l'utilisation de
ces dernières réduit considérablement le risque naturel
pour une femme d'être enceinte. Ceci implique que, les adolescentes qui
utilisent les méthodes contraceptives modernes soient moins
exposées au risque de maternité précoce que celles qui
n'utilisent que les méthodes traditionnelles ou celles qui n'utilisent
aucune méthode.
La connaissance et l'utilisation de la contraception sont des
facteurs importants de régulation de la fécondité en
général, et celle des adolescentes en particulier. En fait,
l'activité sexuelle expose les adolescentes aux risques de
grossesses/naissances précoces ou non désirées, surtout
dans un contexte de sous-utilisation des méthodes contraceptives. Tandis
que, dans les sociétés modernes, cette exposition est largement
influencée par le niveau d'utilisation et d'efficacité de la
contraception (Kuate-Defo, 1998). Dans une étude effectuée
à Dakar, BA et al. (1999) montrent qu' « il existait
un écart important entre la connaissance des méthodes et la
pratique contraceptive. Dans l'ensemble, 17 % des adolescentes connaissaient
une méthode contraceptive. Seulement, 2,1 % des adolescentes avaient
pratiqué une méthode contraceptive avant la grossesse et l'oubli
de la contraception avait été responsable de la grossesse dans
1,4 % des cas. ».
Sur la base de cette revue de littérature, nous avons
émis plusieurs hypothèses et élaboré un
schéma conceptuel et ces deux éléments seront
discutés dans la section suivante
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