Deuxième partie
MECANISME D'UNE SOCIALISATION
JURIDIQUE GLOBALISANTE
Introduction
Avant de traiter du fondement théologique de la
socialisation juridique et de l'approche globalisante de socialisation
juridique au Sud - Kivu, il sied de préciser que le travail de
socialisation juridique que font les protestants à travers HJ au Sud-
Kivu n'est pas en contradiction avec la confession de foi chrétienne
étant donné qu'elle tire son fondement de la Bible et fait partie
intégrante de la mission du peuple de Dieu.
En ce qui concerne la socialisation juridique comme processus
d'information et de formation des citoyens au droit, disons avec Chantal
KOURILSKY67 qu'elle s'inscrit dans le domaine de la sociologie du
droit et constitue un champ de recherche non encore suffisamment
exploité.
Dans son étude sur « la socialisation juridique et
identité du sujet », le même auteur68 distingue
deux approches les plus souvent utilisées :
- La première porte sur la période qui
précède l'âge adulte et qui a une orientation instrumentale
plutôt qu'elle ne s'intéresse directement à la construction
de l'identité du sujet. Bien qu'elle ait recours à la
théorie explicative empruntée à la psychologie cognitive
ou à la psychologie sociale, c'est plutôt du point de vue du
système qu'elle semble rechercher la voie d'une adéquation entre
l'individu et le système juridique. Cette approche passe par les
questions d'obéissance (ou de non obéissance) aux lois, de
conformité (critique ou non) ou de déviance, d'utilisation des
ressources du système juridique ou au contraire l'évitement du
système et de ses règles. C'est ce qui est à la base de ce
qu'elle appelle la culture juridique dominante.
- La seconde concerne les recherches sur les
phénomènes de socialisation juridique qui adoptent davantage le
point de vue du sujet et s'attache à la construction par lui d'un
système de représentation du monde social qui fasse
67 C. KOURILSKY, « socialisation juridique :
naissance d'un champ de recherche et d'un concept aux confins de la sociologie
du droit et de la psychologie », Annales de Vaucresson,
« Adolescence et socialisation », n°8, 1988 in
www.
http://www.reds.msh-
Paris.fr/publications/revue/html/ds019/ds019-05.htm
68 C. KOURILSKY, Op. Cit. C'est cette
approche qui est considérée par les autres auteurs comme la
phase primaire de la socialisation
sens pour lui et dans lequel s'inscrit le droit. C'est ce qu'elle
appelle la culture propre de l'individu.
Dans le contexte de la Province du Sud - Kivu, aucune de ces
deux approches ne suffit en elle seule étant donné que la
population de la Province n'a pas encore développé une culture
juridique et de paix. Ayant défini la culture juridique comme l'ensemble
des valeurs, des attitudes, des traditions, de comportements et des modes de
vie fondés sur le droit, la socialisation juridique de la population au
Sud - Kivu doit combiner les deux approches.
Si la culture juridique dominante recouvre, pour KOURILSKY,
l'ensemble des savoirs relatifs aux lois et aux institutions, aux rapports
entre l'Etat et les citoyens, à leur formation au cours de l'histoire
nationale et aux valeurs communes auxquelles ils font appel, cet ensemble des
savoirs doit s'acquérir par l'information et la formation de la
population par des personnes compétentes en matière de droit pour
éviter une interprétation partisane et restrictive de la loi.
C'est pour cette raison que, même dans la Constitution de la RD Congo,
l'accès aux lois est présenté comme un droit pour tout
citoyen et la socialisation juridique un devoir pour l'Etat.
Dans un contexte de l'après guerre, post conflit
où le peuple a développé une culture de violence, de
conflits, de non respect des DH et de la délinquance ; la culture propre
à l'individu, entendue par l'auteur comme étant la combinaison
unique des savoirs (savoir - faire, savoir- dire, savoir- penser) et des
valeurs qui lui ont été transmis par ses groupes d'appartenance
(famille, école, etc.) et qu'il s'est appropriés, ne peut pas
à elle seule contribuer au développement d'une culture juridique
et de paix dans la Province du Sud - Kivu.
Cela sous-entend que la culture propre du Sud -
Kivucien de l'après guerre ne peut contribuer à
l'émergence d'une culture juridique. Cette approche ne peut porter des
fruits que pour les nouvelles générations des pays
démocratiquement avancés et non dans une société
comme la RD Congo où l'on voudrait encore renforcer le processus de
socialisation juridique69.
69 Dans le cas de RD Congo, le travail à faire
est celui de faire connaître et comprendre le droit aux citoyens.
C'est de cette connaissance et compréhension que, avec
l'aide de l'Etat qui doit respecter et respecter le
droit par la justice, que l'appropriation du droit par la
population sera possible.
Chez Chantal KOURILSKY70, comme dans toute forme de
socialisation, un double processus est à l'oeuvre pour favoriser la
socialisation juridique : le processus d'acculturation juridique DU
sujet dans la mesure où il reçoit l'ensemble des
éléments de la culture juridique qui pénètre sa
société, et le processus d'acculturation PAR le sujet de
ces éléments, une sorte d'acclimatation par lui de ces
éléments dans sa culture propre de manière à ce
qu'il fasse sens de cette culture.
Ce double processus d'acculturation DU et
PAR le sujet consécutif à la socialisation juridique
peut être appelé connaissance et appropriation
du droit par le sujet. C'est ce processus qui en fin conduit le sujet
à avoir, non seulement une connaissance et une compréhension du
droit, mais surtout à développer des valeurs, des
attitudes, des traditions, de comportement et de mode de vie fondés sur
le droit.
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