2- Points de vigilance vis-à-vis de la «
logique dominante »
La logique dominante dans la mise en oeuvre des projets
d'agrocarburants reste la promotion de grandes plantations en monocultures dans
des terres fertiles avec un recours aux intrants chimiques voire l'irrigation
pour la maximisation des rendements. Les paysans sont souvent employés
comme ouvriers agricoles dans ces plantations gérées en
régie par des multinationales qui privilégient l'exportation de
la production vers les pays occidentaux.
Pour les filières de proximité, il subsiste des
questions non élucidées à prendre en compte. Cela
nécessite la poursuite de la recherche et le suivi dans la durée
pour que ces filières puissent réellement contribuer à
l'amélioration des conditions de vie des zones d'implantation par la
satisfaction des besoins énergétiques locaux. Parmi les points de
vigilances, je retiens les suivants :
1. surveiller le risque d'appropriation frauduleuse de terres
par des personnes étrangères par le biais d'un marquage foncier
avec des plantations de Jatropha
2. surveiller le risque d'occupation de terres auparavant
consacrées au pâturage pour éviter des conflits entre
éleveurs et agriculteurs
3. surveiller le risque qu'à terme la culture pure de
Jatropha ne prenne le pas de l'option « haie vive » et se traduise
par une intensification avec un recours abusif aux intrants chimiques
4. utiliser de préférence des semences de
Jatropha locales qui s'adaptent mieux aux conditions agro-écologiques si
l'on veut obtenir un optimum de coût de production et de
productivité ; elles nécessitent peu de fertilisants et d'eau,
contrairement à des variétés hybrides importées
5. vérifier la qualité de l'huile
végétale pure produite pour éviter le risque à
terme d'endommager les moteurs à faire fonctionner
6. tenir compte des enseignements des autres filières
agricoles comme le coton, l'arachide et l'anacardier en termes d'échec
et de réussite
7. faire attention à la main mise à outrance des
partenaires extérieurs au risque de détourner le projet dans le
marché capitaliste au détriment de la satisfaction des besoins
locaux
8. favoriser la responsabilisation et l'autonomisation des
groupements villageois de base pour une gestion commune des équipements,
une sécurisation de l'approvisionnement en
graine de Jatropha, le bon fonctionnement des unités de
trituration ; in fine favoriser l'émergence d'une économie
associative dans les zones de production.
Somme toute, il est indispensable de mettre en place un
système de suivi et d'évaluation pour accompagner la mise en
oeuvre de ces filières. Une telle approche permettra sans doute de
valider les référentiels technico-économiques et d'obtenir
un engagement politique sur les orientations stratégiques au niveau des
plans locaux de développement des communautés rurales
La loi actuelle sur le domaine national ne permet pas une
sécurisation foncière à la faveur des investisseurs
privés du modèle dominant qui continuent d'en réclamer sa
révision. Leurs manoeuvres soutenues par les institutions
internationales risquent finalement de faire changer cette loi au
détriment des paysans sénégalais. La société
civile doit intensifier son lobbying et plaidoyer politiques pour continuer
à jouer pleinement son rôle de contre poids.
|