CHAPITRE 5 : OBJECTIFS ET STRATEGIES DES ACTEURS AUTOUR
DU PROJET JATROPHA
1-Analyse des objectifs et des stratégies
paysannes par type d'exploitation agricole familiale
1.1- Objectifs et plans de campagne
Comme expliqué supra, tous les chiffres donnés
ci-après représentent des moyennes sur les cinq dernières
campagnes agricoles avant l'enquête.
Pour rappel, dans le chapitre précédent, il a
été établi que tous les chefs d'exploitations agricoles
familiales enquêtés ont pour première priorité la
subsistance de la famille.
Le tableau ci-après résume les
éléments des deuxièmes et troisièmes objectifs
prioritaires qui confirment l'uniformité des agendas des exploitations
quel que soit le groupe d'appartenance dans la typologie
dégagée.
Tableau 6 : Synthèse des
2èmes et 3èmes objectifs
prioritaires par type d'exploitation
N° Priorités
|
Groupe
|
Nature objectifs prioritaires des Exploitation Agricoles
Familiales (EAF)
|
2ème
|
A
|
achat matériel agricole (3 EAF) et construction (1 EAF)
|
2ème
|
B
|
achat matériel agricole (5 EAF) et mariage (2 EAF)
|
2ème
|
C
|
achat matériel agricole (5 EAF); mariage (1 EAF) et
construction (1 EAF)
|
2ème
|
D
|
achat matériel agricole (4 EAF) ; construction (1 EAF) et
autre (1 EAF)
|
3ème
|
A
|
construction (4 EAF)
|
3ème
|
B
|
construction (7 EAF) et achat matériel agricole (1 EAF)
|
3ème
|
C
|
construction (6 EAF) et achat matériel agricole (1EAF)
|
3ème
|
D
|
construction (5 EAF) et mariage (1 EAF)
|
Pour réaliser ces objectifs dans le court ou le moyen
terme, les exploitations agricoles familiales essaient tant bien que mal de
mettre en oeuvre des plans de campagne d'une manière empirique. Ainsi,
je me suis intéressé à ces plans de campagne pour essayer
de comprendre leurs liens avec les objectifs prioritaires donnés par les
chefs d'exploitations.
Les schémas ci-après montrent la répartition
des cultures selon les plans de campagne par type d'exploitations (moyenne sur
5 années).
NB : SupAra=superficie moyenne arachide ; SupMil=superficie
moyenne mil ; SupSorgho =superficie moyenne sorgho ; SupMaïs=superficie
moyenne maïs ; SupRiz =superficie moyenne riz ; SupJachère
=superficie moyenne jachère.
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Mémoire Master Amadiane DIALLO
Figure 9 : Répartition des cultures selon les
plans de campagne par type d'exploitations
Source : mes enquêtes, 2010
Les exploitations de type D possédant plus de terres,
font plus d'arachide que les autres. Il en découle que plus le foncier
disponible des exploitations est élevé, plus la part des
superficies d'arachide est importante dans l'assolement.
Malgré les objectifs prioritaires poursuivis qui sont
plus ou moins identiques pour tous les groupes, les exploitations de type C et
D semblent plus s'orienter vers les cultures de rente que celles des types A et
B qui privilégient plutôt les céréales.
Concernant le Jatropha, toutes les réalisations et les
prévisions de plantations des 25 exploitations enquêtées
portent essentiellement sur la mise en place de haies vives autour des
parcelles de culture. Pour en connaitre davantage sur les raisons du choix de
ce mode de plantation parmi ceux qui étaient préconisés
par le programme, la question indirecte suivante a été
posée aux chefs d'exploitation: « quelles sont vos motivations et
intérêts pour la culture du Jatropha ? »
Les réponses les plus explicites sont reprises
ci-après :
? « Au cours des séances de sensibilisation du
projet, ce qui a plus motivé mon adhésion, c'est l'information
selon laquelle la plante peut faire 50 ans ! Là je me suis dit que c'est
une chance pour la délimitation de mes parcelles que je vais
léguer à mes enfants ! Et en même temps, on ne sait jamais,
des revenus supplémentaires sont possibles ! »
? « Même si on ne va pas gagner beaucoup
d'argent, c'est une plante qui va nous permettre de mieux maîtriser notre
patrimoine foncier dans le long terme et de lutter contre la divagation des
animaux dans le court terme »
? « En tout cas, nous ne perdrons rien en
clôturant nos propres parcelles ! Au contraire cela évitera
à terme d'éventuelles bisbilles entre agriculteurs et
éleveurs mais aussi
entre agriculteurs eux-mêmes... C'est une plante connu
déjà comme étant épargnépar le
bétail...». Ici, le chef d'exploitation fait
référence aux divagations des animaux
occasionnant parfois des dégâts obligeant, selon
la loi en vigueur, l'éleveur incriminé à indemniser le
propriétaire de la parcelle. Entre agriculteurs eux-mêmes, il
s'agit généralement des petites brouilles sur la
délimitation de leurs parcelles contiguës.
Ces réponses semblent confirmer l'idée selon
laquelle l'arbre est avant tout un élément important de marquage
foncier en milieu rural avant d'être une source de revenus. Ainsi, j'ai
supposé que toute parcelle abritant une plantation de Jatropha ou
susceptible d'en abriter permet un marquage foncier pour l'agriculteur qui
l'exploite. En d'autres termes, clôturer ou
80
Mémoire Master Amadiane DIALLO
planter une parcelle d'1ha signifie faire un marquage foncier sur
1 ha. J'ai alors exprimé les superficies clôturées ou
plantées en pourcentage de marquage sur le foncier disponible.
Le tableau ci-dessous donne les pourcentages de marquage
foncier par type d'exploitation pour les plantations de mangues et
d'anacardiers existantes, les haies vives de Jatropha déjà
installées et les plantations de haies vives Jatropha à faire
dans le moyen terme (d'ici la campagne 2011-2012). Le pourcentage des
Superficie Cultivées Annuellement (SCA) sur le foncier total est aussi
indiqué. Il s'agit des cultures annelles autres que les plantations de
manguiers et d'anacardiers. Il faut préciser que le total des
pourcentages SCA, plantations de manguiers et d'anacardiers et des
jachères supérieur à 100% s'explique par le fait que
certaines exploitations font des emblavures dans les plantations
d'anacardiers.
Tableau 7 : Pourcentage de marquage foncier par type
d'exploitation
Source : mes enquêtes, 2010
NB : EAF= Exploitation Agricole Familiale ; MoyG= Moyenne
Générale ; % Plant° Ana/Mang= Pourcentage plantation
anacardiers et/ou manguiers ; % Jachère annuel= pourcentage
jachère annuel ; % Marqg Jatph djà fait= pourcentage marquage
Jatropha déjà fait ; % Marqg Jatph à faire= pourcentage
marquage Jatropha à faire ;
% Tmarqg Jatropha= pourcentage total marquage Jatropha dans le
moyen terme ; % Tmarqg foncier= i % Plat° % Jachèr % Mqg %
Marqg % Tm % T pourcentage total marquage foncier (Jatropha +
plantation Anacardiers et Manguiers)
SCA
g p j p p
Dans le moyen terme, les exploitations de type A et B qui sont
moins dotées en terres de
8% 0 28 86%
culture, envisagent déjà de faire un marquage
foncier Jatropha sur respectivement 59% et
50% de leur foncier disponible. Ce qui leur permettra d'atteindre
86% et 64% en prenant en 3
compte le marquage foncier déjà
réalisé grâce aux plantations de mangues et d'anacardiers.
Il 47 1
faut aussi préciser que les parcelles de case ne sont pas
généralement clôturées car
bénéficiant
96 67% 31% 3% 14% 20% 34% 66%
du marquage de la concession elle-même. Elles ne sont
pas incluses dans les pourcentages de marquage foncier. A la question «
pourquoi vous ne clôturez pas vos parcelles de case par le Jatropha ?
» certains paysans « prétextent » vouloir éviter
de planter le Jatropha à proximité des habitations car il est
susceptible, du fait de ses larges feuilles, d'attirer des serpents en
quête d'ombrage. Les observations directes sur le terrain ont permis de
voir que le Jatropha
est planté de préférence dans les
parcelles de culture de brousse plus ou moins éloignée des
concessions et différentes de celles abritant les anacardiers et
manguiers.
Il y a une différence statistiquement significative
entre les moyennes par groupe des pourcentages de marquage avec les plantations
de Jatropha déjà réalisées. Mais, pour les haies
vives Jatropha prévues dans le moyen terme, il y a une
égalité des moyennes entre les groupes. Ce qui fait que la
différence entre les pourcentages du marquage total en Jatropha n'est
pas significative. Et globalement, il n'y a pas de différence entre les
moyennes pour le pourcentage de marquage foncier.
En somme, il apparait que les exploitations, quelle que soit
la typologie, cherchent à faire un marquage foncier pour
sécuriser leurs terres dans le long terme. Ainsi, les plantations de
Jatropha en bordures des parcelles viennent renforcer cette stratégie de
marquage foncier déjà enclenchée avec les manguiers et les
anacardiers.
Les exploitations semblent adopter la logique du « coup
double » en adoptant le mode de plantation « haie vive ». Elles
adhèrent au projet sans un bouleversement de leurs assolements habituels
et consolident en même temps leur marquage foncier.
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