Mesures provisoires et conservatoires dans l'arbitrage CCI (Cour internationale d'arbitrage de la Chambre de commerce internationale )( Télécharger le fichier original )par Jean Nicolau Université Paris 1 Panthéon- Sorbonne - Master 2 droit du commerce international 2008 |
B- Les mesures provisoires et conservatoires 3dans l'arbitrage CCIAu vu des éléments déjà démontrés, on peut conclure que l'arbitrage en question s'entra»ne pour une période au-delà de l'acceptable pour les procédures CCI. Il n'est pas naturel de voir des cas similaires parmi les dossiers en déroulement sous les auspices de ladite organisation: un arbitrage CCI est censé durer deux ans environ4. Pour illustrer le problème, il suffit de voir que la première sentence partielle date du 28 juin 2004 et qu'en mai 2009 le Tribunal n'avait pas encore rendu sa sentence finale. Tel qu'il a été mentionné auparavant, il a alors été nécessaire d'étudier la matière des mesures provisoires et conservatoires dans l'arbitrage CCI. Ce faisant, il serait possible d'apporter une solution pour satisfaire du moins partiellement l'aspiration de la cliente/Demanderesse. On s'est donc mis à étudier ce thème. 3 Ç(É) les expressions Ç mesures provisoires È et Ç mesures conservatoires È sont souvent employées indifféremment alors qu'elles désignent, pour la première, la nature de la décision (une décision provisoire ou provisionnelle est une décision qui ne lie pas l'arbitre ou le juge appelé à statuer au fond) et, pour la seconde, l'objet de la décision (une décision conservatoire est une situation qui a pour objet de préserver une situation, des droits ou des preuves)È (Ph. Fouchard, E. Gaillard et B. Goldman, Traité de l'arbitrage commercial international , Paris, Litec, 1996 , § n° 1303). 4 La durée de vie moyenne d'une affaire d'arbitrage est de 2 ans, et la Cour Internationale d'Arbitrage reçoit environ 600 nouvelles affaires par an, auxquelles viennent s'ajouter les affaires non encore clôturées (de plus de 2 ans) et qui sont encore en cours. Le volume d'une affaire varie entre 2 à 25 classeurs à raison de 500 pages en format A4 environ par classeur sachant que le volume moyen est de 5 classeurs. On a donc à ce niveau une idée du volume de stockage matériel que cela nécessite (site: www.sinequa.com; visualisé le 25 aoüt 2009). La nécessité de prendre pareilles mesures s'est montrée encore plus criante apres la non communication par la Défenderesse, jusqu'à la fin du délai imparti, des documents ordonnés par le Tribunal arbitral. L'idée de base serait donc de démontrer aux arbitres la possibilité d'accorder des provisions dans un arbitrage soumis au Reglement CCI. Or, il était notoire que la procédure en question durerait encore pour une période considérable : l'expertise comptable n'avait même pas été autorisée le jour de mon arrivée au cabinet. Pour cela, il a fallu analyser, outre le propre Reglement, les approches de la doctrine, la jurisprudence et des anciennes affaires. 1. Article 23 du Riglement CCI de 1998Applicable au cas de l'espèce en vertu de disposition expresse de la clause arbitrale, le Reglement CCI consacre un article aux mesures provisoires et conservatoires : Article 23 :
constitue pas une renonciation à celle-ci, et ne préjudicie pas à la compétence du tribunal arbitral à ce titre. Pareille demande, ainsi que toutes mesures prises par l'autorité judiciaire, devront être portées sans délai à la connaissance du Secrétariat. Ce dernier en informera le tribunal arbitral. L'article 23 prévoit donc que le tribunal arbitral peut, dès la remise du dossier et à la demande de l'une des parties, ordonner Çtoute mesure conservatoire ou provisoire qu'il considère appropriée >>. C'est la raison pour laquelle il est possible de considérer que, relativement aux mesures provisoires et conservatoires, ledit Règlement est l'un des plus permissifs puisqu'il donne pouvoir à l'arbitre de prendre les mesures provisoires ou conservatoires qu'il considère appropriées5. Parmi ces mesures, le professeur Thomas CLAY soulève Çles mesures d'anticipation qui accordent une provision sur le montant de la créance demandée >>6. Dans l'article nommé L'expérience de la Chambre de commerce internationale dans le cadre du règlement d'arbitrage, le professeur Emmanuel JOLIVET mentionne également que Ç l'article 23-1 du Règlement CCI vise Ô'toute mesure conservatoire ou provisoire Ô' que le tribunal arbitral juge appropriée >>, en soulignant que Çle choix laissé aux arbitres est extrêmement large >>7. En outre, il convient de rappeler que, d'après une Ïuvre publiée par la propre Chambre de internationale 8 commerce , les mesures provisoires et conservatoires peuvent, en vertu de sa diversité, être comprises de plusieurs manières distinctes, en allant Çd'injonctions et de saisies à des ordonnances exigeant un paiement provisoire (É) >>. 5 JACQUET, Jean-Michel et al: Les mesures provisoires dans l'arbitrage commercial international: évolutions et innovations, Ed. Litec, Paris, p. 16 6JACQUET, Jean-Michel et al, Op. cit, p. 12 7 JACQUET, Jean-Michel et al, Op. cit p. 34 8 Mesures conservatoires et provisoires en matière d'arbitrage international, Paris, 1993, p. 52 Les mesures auxquelles fait référence le Règlement CCI iraient donc <<bien au-delà de la simple sauvegarde ou vente de marchandises>> et pourraient être <<des ordonnances en tous genres >>, telles << qu'ordonnances de paiement provisoire >>9. D'ailleurs, une analyse du droit comparé démontre que la majorité des ordres juridiques d'Europe continentale acceptent, actuellement, l'attribution de provisions similaires à celles demandées dans la présente affaire. Même en sachant qu'en l'espèce les règles de procédure francaises n'ont pas forcément vocation à s'appliquer, il est à noter que le juge des référés a le pouvoir d'ordonner des provisions, sans se prononcer sur le fond du litige. Comme exemple, on mentionne aussi le droit belge, qui a vu le référé se développer sous l'impulsion de sa 10 jurisprudence, et l'Italie, qui possède un système original de mesures provisoires . Ainsi, compte tenu de la nécessité de solutions dynamiques au sein des procédures arbitrales, il n'y aurait que des raisons à justifier, surtout dans une procédure aussi longue, la concession de la mesure envisagé par la Demanderesse. Il est notoire que l'une des principales raisons d'être de l'arbitrage international est la célérité de sa procédure, de sorte que cette dernière ne pourrait pas être forgée par le Tribunal arbitral d'une manière à faire grief audit principe de l'arbitrage, en étant moins rapide qu'une hypothétique soumission de la même affaire à un juge étatique. En d'autres termes, il ne semble pas logique que le Règlement CCI soit, en matière des mesures provisoires (lato sensu), plus strict que certains ordres juridiques nationaux, tel que le droit francais. C'est la raison pour laquelle j'ai conclu, en analysant l'article 23 du Règlement et ses implications, qu'une nouvelle demande de provision de la Demanderesse mériteraient d'être accordée par le Tribunal arbitral. Ce faisant, ce dernier ne serait pas <<une juridiction de référé mais une juridiction de fond saisie de demandes provisionnelles >>11. 9 Mesures conservatoires et provisoires en matière d'arbitrage international, Paris, 1993, p. 48 1 0Revue internationale de droit compare, année 1999, volume 51, nO 4, p. 1168 1 1 Mesures conservatoires et provisoires en matière d'arbit rage international, Paris, 1993, p. 62 |
|