2.1.2. PROCESSUS D'ELABORATION DU BUDGET DE
L'ÉTAT
L'élaboration du budget de l'État
relève de la compétence exclusive du pouvoir exécutif dans
la mesure où le budget incarne la volonté
économico-financière du gouvernement à réaliser son
programme d'action lors de son mandat. Dans cette partie nous allons aborder la
manière dont est élaboré le budget de l'État
jusqu'à la présentation du projet de la loi de
finances.
2.1.2.1. LES AUTEURS D'ELABORATION
En France, comme auteurs d'élaboration nous
trouvons :
· Le ministre des finances placé sous
l'autorité du premier ministre « dispose d'une administration
spécialisée, dont les directions sont mobilisées par
l'élaboration du budget, qu'il s'agisse de la direction du budget, qui
est la cheville ouvrière de cette préparation, de la direction de
la prévision, de l'INSEE (Institut National des Statistiques et des
Etudes Economiques), de la direction du trésor, de la direction de la
comptabilité publique ou de la direction générale des
douanes et droits indirects » (F. CHOUVEL, 2008, p.35).
· Le premier ministre qui, d'après
François Chouvel, « n'intervient pas dans le processus technique et
administratif de préparation du budget, mais c'est lui qui fixe la
stratégie budgétaire, à partir des grands choix qui lui
sont proposés par le ministre des finances, et qui rend les arbitrages
sur les désaccords pouvant opposer le ministre des finances et les
ministres dépensiers... » (F.CHOUVEL, 2008, p.35).
Par contre en République Démocratique du
Congo, la situation a évolué suivant les régimes
politiques. Actuellement, le projet de loi du budget est préparé
conjointement par les ministres des finances et du budget qui sont
placés sous l'autorité du premier ministre, aidés par la
Direction de la Préparation et du Suivi Budgétaire. « Dans
la pratique, le ministre des finances se préoccupe très peu de la
préparation du budget de l'État ». (G. BAKANDEJA WA MPUNGU,
2006, p.217).
Aux Etats-Unis au contraire, la préparation du
budget revient au Président des USA.
2.1.2.2. LA PREPARATION DU BUDGET
La préparation du budget s'effectue en plusieurs
étapes qui se déroulement normalement sur les neufs premiers mois
de l'année.
A. PHASE PRÉPARATOIRE
a. La programmation pluriannuelle
En France, « la direction du budget
réfléchit à l'évolution prévisible de chaque
budget ministériel à l'horizon N+3 et à celle des recettes
durant cette période. Cette première étape de
programmation débouche, en début d'année, sur la
rédaction du programme pluriannuel d'évolution des Finances
Publiques qui est notifié aux instances communautaires, puis,
début mars, d'une note de programmation stratégique » (F.
CHOUVEL, 2008, p.36).
En République Démocratique du Congo,
cela connait un peu de difficulté dans ce sens que les services
chargés d'aider le gouvernement ont de sérieux problèmes
de fonctionnement à l'instar l'Institut National des Statistiques qui
sont susceptibles de livrer au gouvernement des données
économiques indispensables à la programmation pluriannuelle ainsi
que les perspectives de croissance, le taux d'inflation pouvant permettre
à la direction de préparation et du suivi budgétaire
d'élaborer les grandes orientations du futur budget.
b. Le cadrage
Fin janvier, le premier ministre, le ministre des
finances (et éventuellement celui du budget dans le cas Congolais)
présentent au gouvernement la stratégie d'ensemble en
matière des Finances Publiques et l'issue de cette réunion de la
présentation, le premier ministre adresse à ses collaborateurs
(ministres) une lettre de cadrage qui fixent les principes, normes et
orientations en matière des dépenses publiques.
c. L'analyse des perspectives budgétaires Cette
analyse s'effectue entre Février et Mars en 3 phases :
· Une phase d'analyse des perspectives
budgétaires et des projets de reforme et des économies qui leurs
sont associées ;
· L'exercice complémentaire qui consiste
dans le fait qu'en France « les ministres du budget et de la reforme de
l'État piotent conjointement un exercice
complémentaire
portant sur le fonctionnement de l'État en vu
d'identifier des mesures permettant de dégager des gains de
productivité >> (F.CHOUVEL, 2008, p.37).
En République Démocratique du Congo, nous
signalons qu'il n'y a pas un ministère de la reforme de l'État et
donc cette phase est inapplicable.
· Les rencontres entre la direction du budget
(préparation et suivi) et les services des différents
ministères pour instruire les demandes de crédits qui seront
intégrés dans les prescriptions de la lettre de
cadrage.
d. Phase de restitution
En Avril, après communication au premier
ministre par le ministre de finances (et probablement celui du budget dans le
cas de la RD Congo), des éléments relatifs à l'instruction
conjointe effectuée, le premier ministre organise d'abord des
séances de travail de restitution pour analyser et évaluer les
propositions budgétaires relatives au cadrage ; ensuite il adresse
à chacun de ses collaborateurs (ministres) une lettre plafond ; et enfin
après différentes réunions entre la direction du budget et
le services des ministères, on procède à la
répartition des crédits budgétaires sur base de plafonds
arrêtés.
e. Conférences de gestion publique
Ces conférences, d'après
François Chouvel « ont pour objet de finaliser la liste des
objectifs et indicateurs du projet de la loi des finances et de fixer les
cibles et résultat à atteindre >>. (F. CHOUVEL, 2008, p.
37).
f. Mise au point définitive
« Les mois de juillet-Août sont
consacrés à la finalisation des documents à destination du
Parlement. Avant qu'il ne soit délibéré en conseil des
ministres, le projet de loi de Finances est soumis au conseil d'État qui
procède à son examen, du point de vue juridique. Après cet
examen et sa délibération en conseil des ministres, le projet est
déposé dans la seconde moitié de septembre au bureau de
l'Assemblée Nationale >> (F. CHOUVEL, 2008, p.38).
B. L'EVALUATION DU BUDGET DE L'ÉTAT
a. L'évaluation des dépenses publiques
:
En France, l'évaluation des dépenses
s'effectue de 3 manières :
· D'après l'ancien système des
services (Pour d'amples renseignements lire : Loi organique
de 1959) ;
· D'après les crédits des missions
(Pour d'amples renseignements lire : Loi organique de 2001)
;
· En tenant compte du caractère limitatif
des crédits (Pour d'amples renseignements lire :
article 9 de la loi organique de 2001).
En revanche, en République Démocratique
du Congo, l'évaluation ou la prévision des dépenses
publiques se fait au niveau de chaque ministre qui procède à
l'évaluation des charges budgétaires relatives aux services qu'il
gère et dirige tout en prenant en compte l'hypothèse
d'éventuelles augmentations de ces dépenses.
Il faudra noter ici qu'en matières des
dépenses en capital ou d'investissements, « le parlement accorde au
gouvernement l'autorisation de s'engager pour une dépense globale
pluriannuelle : autorisation d'engagement. Dans ce cas, le gouvernement
présente le coût global de l'investissement et reçoit
l'autorisation d'engager les dépenses à concurrence de ce
montant, mais les crédits relatifs à la tranche qui sera
exécutée au cours d'une année se trouvent au budget de
cette dernière (année) » (MPIRY BEN OPINE, 2010-2011,
p.39).
b. Évaluation des recettes
En France, l'évaluation ou la prévision
des recettes est effectuée par les services du ministère des
finances : la direction générale des impôts et la direction
générale des douanes et des droits indirects qui procèdent
à des simulations fiscales (car plus de 90% des recettes
budgétaires proviennent de la fiscalité) appuyées sur les
données économiques fournies par la direction de la
prévision. Cependant, ces évaluations connaissent des
difficultés dans ce sens qu'elles peuvent être parfois
perturbées l'évolution législative en cours
d'année, par des évènements aléatoires, ou par la
dégradation de la conjoncture économique (pour plus
d'informations ; lire avec intérêt : François
CHOUVEL, l'essentiel des finances publiques 2008, Gualino
Editeur, Paris 2008).
Cependant, la prévision des dépenses
publiques pose toute une série des problèmes. Le rendement des
impôts ne dépend donc pas de la bonne volonté du
ministère des finances. Il est fonction de plusieurs facteurs :
politiques, économiques, environnementaux, etc. Les troubles politiques
peuvent empêcher le recouvrement des impôts, la baisse des cours
des produits exporté et la réduction du volume des importations
influencent les recettes attendues des droits de douanes ; une conjoncture
économique mauvaise diminue les bénéfices des
sociétés industrielles et commerciales, etc. ; et par
conséquent les recettes prévues au budget... En effet, compte
tenu de toutes ces réalités, il faudrait bien évaluer les
recettes publiques. Il existe deux méthodes complémentaires
d'évaluation des recettes.
· La règle de la Pénultième
année
Qui consiste en une évaluation forfaitaire des
recettes sur la base de résultats du dernier budget exécutif au
moment où l'on prépare le projet budgétaire. Etant
donné que cette préparation intervient lors de l'application de
la pénultième du budget par rapport à l'année du
budget qu'on élabore.
· Les tantièmes de majoration
Léon Say a introduit en 1882 une correction
fondée sur une moyenne arithmétique des augmentations successives
de réalisations de cinq dernières années « les
tantièmes de majorations ». La méthode consiste à
ajouter aux recettes de la pénultième année la moyenne des
accroissements qui se sont produits d'une année sur l'autre.
Pour mieux comprendre ces 2 méthodes prenons un
exemple concret :
v' Règle de la pénultième : pour
prévoir les recettes du budget 2010 en RD Congo, le ministre des
finances et celui du budget en juillet 2009 procèderont comme suit : le
budget en cours d'exécution est bel et bien celui de 2009 et celui qui
est déjà complètement d exécuté est le
budget 2008, c'est donc ce dernier (budget 2008) qui servira de
référence pour la préparation du budget 2010.
v' Tantièmes de majoration : pour bien
comprendre cette méthode analysons à titre illustratif le tableau
ci-dessus basé sur les recettes en CDF de 2005 à 2009 pour avoir
les prévisions des recettes budgétaires 2010 en RD
Congo.
Tableau n°10 : Cas illustratif des Méthodes
de la pénultième année et des tantièmes
de majoration
Années
|
Budgets
|
Accroissements
|
2005
|
200
|
-
|
2006
|
300
|
100
|
2007
|
350
|
50
|
2008
|
450
|
100
|
2009
|
500
|
50
|
Ainsi, on prendra l'accroissement moyen qui
est
base de la conjoncture économique présente
et immédiate tout en excluant pas le recourt au
passé.
Pratiquement, « on évalue les recettes et
les dépenses à partir des réalisations des 12 derniers
mois connus, ce qui est facilité par les données statistiques et
les études économétriques fondées sur les
perspectives économiques, à la réalisation
éventuelle desquelles sont associées les questions
économiques et financières (secrétariat
général au budget, secrétariat général aux
finances, direction générale des impôts, offices des
douanes et accises (DGDA), DGRAD, Banque Centrale du Congo, inspection
générale des finances, office de gestion de la dette publique)
» (G. BAKANDEJA WA MPUNGU,2006, p.220).
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