2.1.2. La perception
Etymologiquement du latin percipere, percevoir, c'est
« prendre ensemble », « récolter », c'est à
dire organiser des sensations en un tout signifiant. En psychologie, la
perception est le processus de recueil et de traitement de l'information
sensorielle. C'est une lecture de la réalité. Cette lecture passe
par trois étapes mises au jour par les psychologues de la perception. Il
s'agit des étapes sensorielle, perceptive et cognitive.
- L'étape sensorielle, Ce premier niveau
strictement sensoriel de la perception est régi par des capteurs
sensoriels qui sont un héritage de notre évolution et permet de
repérer les caractéristiques du milieu extérieur.
- L'étape perceptive, elle correspond à
l'étape de traitement perceptif consistant à dépasser les
strictes données sensorielles pour les mettre en forme. Les formes nous
aident à organiser les données de l'environnement en
repérant les distinctions fond/forme, les contours des objets, en
déformant ou complétant au besoin les éléments
manquants pour redonner aux choses une certaine cohérence. Le filtrage
des données de l'environnement est également
déterminé par l'attention et la motivation.
- L'étape cognitive, cette étape
purement cognitive, se greffe sur les niveaux précédents de la
perception. Elle consiste à attribuer une signification à
l'information (Dictionnaire Encarta, 2009).
Selon Lalande (1985), la perception est <<l'acte par
lequel un individu, organisant ses sensations présentes, les
interprétant et les complétant par des images et des souvenirs,
s'oppose un objet qu'il juge spontanément distinct de lui, réel
et actuellement connu de lui». Notre perception du monde est donc
finalisée et orientée en fonction des capacités de nos
organes sensoriels mais aussi en fonction de nos centres d'intérêt
et de nos connaissances antérieures. La perception d'une situation fait
appel à la fois au sens et à l'esprit.
En cela, Baruch Spinoza distingue quatre modes de perception : -
la perception par les sens,
- la perception par l'expérience,
- la perception par le raisonnement et,
- la perception par l'intuition.
Les êtres humains disposent de plusieurs systèmes
perceptifs - vue, ouïe, odorat, goût, toucher - qui participent de
<< l'extéroception », c'est-à-dire la
perception du monde extérieur. Il faut y ajouter la perception interne
de notre organisme - appelée << interception » - qui
nous permet de ressentir l'état de notre organisme. A cela s'ajoute la
proprioception qui nous renseigne sur la position de notre corps dans
l'environnement.
Le concept de perception a donné lieu à de
nombreuses théories psychologiques et à de nombreux débats
philosophiques. Les plus dominants sont la théorie intellectualiste, la
théorie de Gestalt, la théorie de la perception de la
durée de Bergson et la théorie écologique.
Pour la théorie intellectualiste soutenue par Alain,
Platon, Descartes et Malebranche, la perception moins qu'une expérience,
plus qu'une sensation est un jugement immédiat. Cette théorie
insiste sur le caractère « construit », élaboré
de la perception. Ce serait en effet l'intelligence qui, grâce à
son travail d'interprétation, transforme les sensations en perceptions,
opère un travail de synthèse pour donner à la
diversité des sensations une cohésion et un sens. Selon Alain, le
pionnier de la théorie intellectualiste cité par MerleauPonty
(1976), toute perception est un jugement.
Une autre théorie de perception est la théorie
de la « forme » ou de la Gestalt. Née en 1910, suite au
travaux du groupe de psychologues allemands Max Wertheimer, Kurt Koffka et
Wolfang Kohler, la théorie de la Gestalt prétend que les
intellectualistes ont exagéré le rôle de l'intelligence et
des constructions mentales dans la perception. Ce n'est pas l'intelligence qui
construit une forme avec des sensations dispersées, mais la forme qui
est sentie, ou perçue d'emblée. Toute perception serait
d'emblée perception d'un ensemble. Contrairement à la
théorie intellectualiste qui considère que les sensations sont la
matière de la perception, et que c'est le jugement et la mémoire
qui leur donne une forme ; la théorie de Gestalt soutient qu'il n'y a
plus de distinction entre sensation et perception. La forme est
inséparable de la matière et nous est donnée intuitivement
avec la matière.
Développée par Bergson , la théorie de la
perception de la durée fournit un champ de débat sur la
façon de percevoir le temps. Cette théorie fait une distinction
entre le temps et l'espace, grâce à la distinction entre
l'intellect et l'intuition. Elle soutient que l'intellect a le but de
promouvoir l'action, pas la connaissance, ce qui est le but de la perception et
de l'intuition. Puisque l'intellect est dirigé vers l'action, il
réagit à ce qu'il rencontre en termes de spatialité. C'est
grâce à l'intuition qu'on a accès à la durée.
L'intellect par contre, a tendance à diviser tout dans des unités
homogènes et uniformes. Ces caractéristiques ont amené
Bergson à comparer l'intellect à une caméra de
cinéma qui construit le mouvement dans une série d'images fixes.
Selon la logique de l'intellect, tout doit être coupé dans des
parties distinctes et constantes, et même des nouvelles
expériences ne peuvent être comprises que par rapport à
celles qui sont vieilles et déjà bien définies dans
l'intellect. La lumière est faite sur
la distinction entre la perception du passé, la
perception du présent et celle de l'avenir. Nous ne percevons
pratiquement, que le passé, le présent pur étant
l'insaisissable progrès du passé rongeant l'avenir. Pour la
théorie de la perception du temps de Bergson, toute perception, si
instantanée soit-elle, consiste donc en une incalculable multitude
d'éléments remémorés. Autrement, toute perception
est déjà mémoire.
Quant à la théorie dite écologique de la
perception, elle a été développée par James Gibson
en 1969 et considère la perception comme une « conduite »
adaptative permettant au sujet de s'adapter à son environnement.
L'action du sujet est une réponse cohérente à la
modification du milieu ; la perception n'a de sens qu'en relation avec une
action. Cette théorie écologique est fondée sur
l'idée de redondance de l'information dans l'environnement, qui permet
au sujet d'avoir une certitude sur le monde perçu. Elle stipule donc
qu'avant d'être un mode de connaissance des choses, la perception est
l'activité vitale de tout organisme en contact avec son milieu.
Dans un grand nombre de situations quotidiennes, l'adaptation
des réponses dépend du lien entre perception et action. Dans le
cadre de notre recherche, nous retenons la théorie écologique de
la perception qui traduit donc, la compréhension que les producteurs
agricoles ont des manifestations des changements climatiques, de ses effets
néfastes ainsi que de leur vulnérabilité face au
phénomène. Nous considérons d'après Leeuwis (2003),
que la perception est subjectif, sélective, organisée et
directive. La perception est subjective car nous ne percevons les choses que de
façon relative. Elle est sélective en ce sens que notre
système nerveux ne peut être conscient que d'une partie de tous
les stimuli qu'il reçoit de notre environnement. La perception est
organisée puisque nous structurons nos expériences sensorielles
vers celles qui ont un sens pour nous. Aussi, la perception est-elle directive
car nous ne percevons que ce nous espérons. De l'environnement total,
seuls les aspects conscients ou inconscients perçus par l'individu
peuvent influer sur son comportement (Boom et Browers, 1990 cités par
Lawin, 2006).
|