Le statut juridique de l'enfant adultérin dans le Code civil haà¯tien( Télécharger le fichier original )par Jennifer SYLAIRE Université Jean Price (Haiti ) - Licence en droit 2002 |
I.1.7L'action en recherche de la maternité naturelle.L'article 312 du code civil haïtien dispose en ses alinéas 2 et 3 que : « L'enfant qui réclamera sa mère, sera tenu de prouver qu'il est identiquement le même que l'enfant dont elle a accouché ».Cette preuve sera fourni, par témoins que lorsqu'il y aurait déjà un commencement de preuve par écrit. Ainsi énoncé, le texte détermine d'abord les faits à prouver, avant d'indiquer les moyens de preuves qui s'y appliquent. S'agissant des faits à prouver, d'après l'alinéa 2 de l'article 312 : « L'enfant qui réclamera sa mère, sera tenu de prouver qu'il est identiquement le même que l'enfant dont elle a accouché(...) » Eu égard aux dispositions légales contenues dans l'article 312 du code civil, la recherche en maternité naturelle est uniquement réservée à l'enfant naturel. Les dits faits à prouver sont au nombre de deux : « l'accouchement de la femme dont l'enfant prétend être issu et l'identité de cet enfant dont cette femme a effectivement accouché.63(*) Il s'agit des deux éléments constitutifs de la maternité du point de vue juridique.64(*) Evidemment, la science s'est développée depuis et il existe aujourd'hui des moyens d'avoir recours à elle dans un domaine bien déterminé, telle que la génétique afin d'établir biologiquement et scientifiquement la filiation de manière irréfutable. Malgré l'interdiction de la recherche de la paternité énoncée à l'article 311 al. 1er du code civil haïtien, le père a la possibilité de désavouer sa paternité à l'égard d'un enfant, par témoins, par indices ou présomptions (article 305 code civil haïtien point 7). La résultante de toutes ces dispositions est que le sort de l'enfant adultérin n'est point considéré, or que selon les termes de l'article 7 de la Convention aux droits de l'enfant, il est impératif de reconnaître l'enfant à sa naissance. » I.1.8 Approche sociologique.a) Cas de la FranceSelon un sondage mené en France, au cours de l'année 2001, dans le cadre d'une réforme opérée en droit de la famille, (70%) des français pensent que le mariage n'est pas indispensable pour fonder une famille. Selon cette même étude, les enfants nés hors mariage sont désormais le reflet d'une société où les parents souhaitent s'affranchir des normes du mariage qui ne leur correspondent pas.65(*) En France, la loi toujours en constante réforme, a donné lieu à divers moyens légaux, de régulariser la situation des couples vivant ensemble en l'absence d'un véritable contrat de mariage.66(*) C'est le cas du PACS (Pacte civil de solidarité) statut juridique de deux personnes non mariés visant à régler leurs relations juridiques patrimoniales. Ce pacte engendre un devoir d'aide mutuelle et matérielle et crée une solidarité des partenaires. N'ayant aucune portée contraignante comme pour le mariage, il engendre cependant certaines conséquences, comme : l'allégement des droits de mutation à titre gratuit au bout de deux ans de liaison consommée, attribution de la qualité d'ayant droit pour les assurances maladie et maternité. 67(*) Face à cet état de fait, la loi française du 3 décembre 2001 a reconsidéré la place dans la société, de l'enfant adultérin en mettant fin à son statut « d'adultérin », puisqu' en droit français, il n'existe que les enfants naturels.68(*) b) Cas d'HaïtiAnthropologues et sociologues haïtiens, admettent généralement que la société haïtienne est patriarcale et matrilocale. Il y existe plusieurs types d'unions. Vu la stratification sociale, les configurations des familles paysannes diffèrent grandement de celles des familles urbaines privilégiées. Malgré certaines influences communes, les valeurs des unes et des autres varient sensiblement.69(*)Traditionnellement, le mariage demeure la forme d'union, la plus stable et la plus socialement prestigieuse en Haïti, en dépit des frais qu'il occasionne et dépassant les ressources dont dispose la majorité des familles. 70(*) Malgré le progrès des idées sur l'organisation de la famille préconisée par le christianisme, et les faveurs que notre législateur accorde au mariage, le « plaçage » est un acte social rattaché à de fortes traditions africaines71(*). Dantès Bellegarde, dans son « histoire du peuple haïtien » signale que vers la fin du XVIII e siècle, sur toute la population libre rassemblant 58.000 habitants, il n'y avait pas 3000 femmes mariées. 72(*)Pour Charles Mackenzie, durant les années 1825 et 1826, aux Gonaïves pour une population de 12.854 habitants, seulement 11 mariages ont été célébrés, alors que les registres de l'Etat civil indiquaient 437 naissances. Sur 30.000 baptêmes administrés dans le seul diocèse de Port-au-Prince vers 1942, il faut compter un minimum de 21.000 enfants naturels (Annuaire de l'archidiocèse de Port- au- Prince et du diocèse des Gonaïves). 73(*) Selon l'Institut Haïtien de l'enfance (IHE) lors du recensement de la population en 2003, il existerait, 50% d'enfants nés hors mariage, 20% d'enfants issus de famille monoparentale dirigée par une mère et 10% d'enfants âgés de moins de 5 ans non déclarés à la naissance74(*). La situation n'a pas beaucoup changé depuis, où le concubinage en Haïti « plaçage » (53,1%) reste le type d'union la plus répandue en milieu rural, contre en milieu urbain, c'est le mariage (47,9%) qui prédomine, selon l'Institut Haïtien de Statistiques et d'Informatique (IHSI) lors du 4ième recensement de la population et de l'habitat en 2003. 75(*) Lorsqu' `il est consommé, le plaçage n'est pas aussi contraignant que le mariage formel. D'après Me Serge Henry Vieux, « le recul des rites n'autorise pas pour autant l'assimilation du plaçage à une situation de fait, précisant que ce dernier n'est pas devenu une simple cohabitation, ni un concubinage notoire, ni un « vivavek » (Union consensuelle ne supposant pas la cohabitation)76(*). L'inconvénient est que le devoir de fidélité, vu la nature de l'union, est inexistant. Les enfants issus de ce genre d'union sont à la charge de la mère. Dans des cas très rare, le père subvient aux besoins de l'enfant.77(*) En cas de rupture, la présence d'enfants et les pressions familiales peuvent pousser l'homme à continuer d'assumer une partie des frais du ménage, mais cela est néanmoins laissé à sa discrétion et à ses moyens financiers. 78(*)Dans tous les types d'unions, la fidélité exclusive des femmes, constitue la norme sociale la plus répandue. Quelles qu'en soient les causes, cette situation entraîne en Haïti un faible taux de nuptialité et la prolifération de nombreuses naissances hors mariage. * 63 _ Julien Hounpke op.cit * 64 _ Ibidem. * 65 _ Francoise Dekeuwer- Defossez, op.cit. * 66 _ Ibid. * 67 _ Lexique des termes juridiques, Dalloz, 13e Edition 2001 * 68 _ Loi française du 3 décembre 2001 relative au statut juridique de l'enfant adultérin. www.sénat.fr * 69 _ Francine Tardif, « La situation des femmes haïtiennes ».Comité Inter-Agences femmes et développement. * 70 _ Ibid. * 71 _ Ibid. * 72 _François Latortue , «Cours de droit civil» tome 1 * 73 _ Op.cit * 74 _ Données recueillies sur le site du FNUAP en Haïti, à l'occasion de la journée internationale de l'enfant. www.fnuap.ht.org * 75 _ Institut Haïtien de Statistiques et d'Informatique. Quatrième recensement général de la population et de l'habitat.www.ihsi.com * 76 _ Francois LATORTUE, Cours de droit civil tome 1. Editions Henri DESCHAMPS. * 77 _ Francoise Tardif, « La situation des femmes haïtiennes » op.cit * 78 _ Ibidem. |
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