Le statut juridique de l'enfant adultérin dans le Code civil haà¯tien( Télécharger le fichier original )par Jennifer SYLAIRE Université Jean Price (Haiti ) - Licence en droit 2002 |
I.1.6 L'action en recherche de paternité naturelle.L'article 311 du code civil modifié par l'article premier du décret-loi du 22 décembre 194456(*) stipule que : « La paternité hors mariage peut être judiciairement déclarée : 1) Dans le cas de viol ou d'enlèvement lorsque l'époque du viol ou de l'enlèvement se rapportera à celle de la conception 2) dans le cas de concubinage notoire pendant la période légale de conception [...] L'action n'appartient qu'à l'enfant. Pendant la minorité de l'enfant, la mère, même mineure a seule qualité pour l'intenter dans les deux années qui suivront l'accouchement. Cette action pourra être intentée jusqu'à l'expiration des deux années ou à la cessation du concubinage57(*) L'article 4 du même décret-loi précise : « Ne pourront profiter de l'action en déclaration de paternité autorisée par l'article 311 du code civil tel qu'il est modifié par l'article 1 que les enfants naturels dont la conception sera postérieure à la période de six mois de la promulgation du présent décret-loi sans préjudice des droits acquis à la poursuite de la déclaration de paternité dans le cas d'enlèvement conformément à l'ancien texte dudit article. » En analysant la portée juridique du décret-loi du 22 décembre 1944 sur les enfants naturels, il autorise pour tous les enfants naturels conçus depuis le 22 juin 1945 soit six mois après la promulgation du décret-loi du 22 décembre 1944 la recherche en paternité dans trois cas de figure dont l'un, renvoie à une forme d'union qui est la norme en Haïti, c'est-à-dire le plaçage. Notons aussi que le décret du 27 janvier 1959 a confirmé les articles précédents, en son deuxième alinéa : « ...Néanmoins, la preuve de la filiation naturelle ne peut résulter que d'une reconnaissance volontaire ou d'une reconnaissance judiciaire dans le cas ou celle-ci est autorisée par la loi. »58(*) Suite à l'interprétation du décret-loi du 22 décembre 1944, nous déduisons que les rédacteurs du code civil étaient eux-mêmes pris dans le piège de la confusion. Le sort de l'enfant adultérin ne s'est pas vu amélioré à trop vouloir le singulariser au travers de mesures discriminatoires. Il existe d'autres textes ou le sort de l'enfant naturel s'apparente à celui de l'enfant légitime, quoique le Code civil entende prioriser la filiation légitime. L'article 15 de la loi du 10 novembre 1803 sur les enfants naturels du Président, Alexandre Pétion énonce que : « L'enfant naturel, reconnu par un père déjà engagé dans les liens du mariage, aura par droit de succession le quart des biens provenant dudit père. » En parcourant le texte de la loi du 10 novembre 1803, et en analysant le contenu de l'exposé des motifs, nous pouvons nous rendre compte que les législateurs de l'époque en valorisant la reconnaissance d'un enfant naturel et permettant ainsi à ce dernier de bénéficier d'une certaine part successorale, n'ont fait que cautionner ouvertement l'union libre. Néanmoins le sort de l'enfant adultérin selon cette loi, par compensation ne peut uniquement porter le nom de sa mère et hériter d'elle. En sachant que la recherche de la paternité d'un enfant adultérin est catégoriquement interdite selon le code civil, il y a lieu de parler dans ce cas d'un véritable déni de la personnalité juridique, pour l'enfant adultérin. Comme de fait dans l'exposé des motifs de la loi du 10 novembre 1803, voici ce qu'il en ressort : « Pour ce qui est des enfants adultérins, ils ne doivent prétendre qu'à un quart de ce à quoi pourrait amender un enfant légitime, et ce seulement dans les biens propres de leur mère. Ces sortes d'enfants pourront être reconnus par le père qui voudra les adopter, et dans ce cas, si ce père est lié par le mariage, l'enfant reconnu pourra, sur les propres biens de ce père, amender pour un quart de ce à quoi amendera un enfant légitime ; et si le père n'est point marié, et qu'il eut des enfants naturels, l'enfant adultérin reconnu par lui, pourra à sa mort, partager à égales portions avec ses enfants naturels. »59(*) L'établissement de la filiation naturelle s'est longtemps heurté à la primauté reconnue à la filiation légitime, les conditions posées étant en général restrictives.60(*) Ainsi la condition juridique des enfants naturels s'est vue rapprochée de celle des enfants légitimes notamment en ce qui concerne l'établissement légal de leur lien de filiation (art. 305 code civil haïtien). Retenant que l'adultère est un acte répréhensible il est tout à fait légitime au nom de l'ordre social, de le combattre mais d'un autre angle de vue, le sort imposé à l'enfant adultérin quant à l'établissement de sa filiation, est injuste. Les dispositions le concernant à l'art. 306 témoignent de la discrimination qui lui est faite. Ce traitement, constitue un désagrément qui fragilise avant tout son statut d'enfant en regard de la Convention aux droits de l'enfant. Les législateurs n'ayant pas abordé les cas de reconnaissance d'un enfant adultérin, par un homme marié, parmi certains témoignages recueillis auprès des personnes des deux sexes, il existe des cas, où un homme marié, prenne l'initiative d'enregistrer son enfant né adultérin comme enfant légitime à l'insu de son épouse. Il peut également déclarer cet enfant comme légitime mais faire enregistrer le nom de la mère de l'enfant ou encore déclarer l'enfant comme légitime mais sous un autre patronyme que le sien.61(*)Par contre une femme mariée doit toujours selon les mêmes témoignages, présenter son acte de mariage pour déclarer la naissance de son enfant sous le nom de son mari, que celui-ci soit ou non le père biologique de l'enfant62(*). * 56 _ Femme et enfant, Publication de l'ordre des avocats de Port-au-Prince. Bibliothèque nationale février 2003. * 57 _ Abel N.LEGER op.cit * 58 _ Code de lois usuelles tome 1, Editions Henri Deschamps Port-au-Prince, Haïti * 59 _ Femme et Enfant, publication de l'ordre des avocats de Port-au-Prince. Bibliothèque Nationale d'Haïti Février 2003. * 60 _ Jean HAUSER, La filiation * 61 _ Diagnostique sur l'identification nationale et l'état civil en Haïti. Document préparé par Wiza LOUIS, Me St Pierre BEAUBRUN et Nadège ISIDOR. Novembre 2007. * 62 _ Ibid |
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