II.2 - L'importance des résultats : la question
de leur généralisation
A ce stade de notre travail, il convient de
déterminer ses limites. Ceci en critiquant quelques aspects de notre
méthodologie et en exposant deux points de vue divergents sur la
décentralisation d'une part et sur les conflits d'autre part.
II.2.1- Critique de la méthodologie
D'abord, notre échantillonnage n'a pas
été fait dans les règles de l'art. Car pour
établir un échantillon vraiment représentatif de la
population d'enquête, il fallait des moyens conséquents.
Notre échantillon étant arbitraire pour la circonstance, il
ne nous a pas paru nécessaire de mettre les différentes variables
à l'épreuve des statistiques, notamment avec les tests de
corrélation tels que le khi-deux par exemple. Notre échantillon
doit donc être amélioré, c'est-à-dire le plus
représentatif possible, pour donner des résultats opérants
lors de la thèse.
Ensuite, le temps passé dans les différentes
collectivités territoriales était relativement court, trois
semaines en moyenne. Par ailleurs, nous n'avons pu avoir accès
réellement à certaines. Notre contact avec ces acteurs de la
politique de décentralisation mérite donc d'être
amélioré qualitativement et quantitativement pour la thèse
à venir.
Quant aux questionnaires enfin, ils ont semblé
hermétiques à de nombreux enquêtés. Le niveau de
langue a semblé un peu trop élevé pour beaucoup
d'enquêtés. Il nous faut donc corriger cet aspect de nos
questionnaires pour l'avenir.
II.2.2- Une opposition à la
décentralisation
Lors du colloque «La Décentralisation dix
ans après », organisé en février 1992,
Jean-Claude Thoenig observait : « En laissant trop
d'autonomie aux collectivités locales, l'Etat a provoqué le
désordre. A force de se faire concurrencer, de vouloir mettre
un peu d'argent dans tous les projets de chaque collectivité locale, les
élus locaux et l'Etat diluent les responsabilités, brouillent
leur rôle respectif, créant des tutelles occultes. Ce ne sont que
financements croisés et contrats de plan entre divers niveaux
territoriaux. Les ministères et leurs services eux-mêmes
participent à la construction de l'imbroglio, malgré le faux nez
creux de la déconcentration administrative ».
En d'autres mots, Thoenig [1985] n'est pas un partisan de
la décentralisation, du moins dans sa forme absolue et
irréversible.
II.2.3- Discussion sur le conflit
On arrive ici au coeur du problème : les
conflits sociaux ne sont ni des rivalités entre des acteurs
indépendants, ni des tensions entre des acteurs définis par la
différenciation des rôles à l'intérieur d'une
organisation. S'il est exact que les organisations les plus modernes sont plus
complexes et recèlent donc des conflits internes et limités plus
nombreux, il ne l'est pas moins qu'elles constituent aussi des systèmes
politiques de plus en plus puissants, qui visent à une accumulation
croissante des ressources et de la capacité de décision dans les
mains des dirigeants.
Il est impossible de replacer dans un cadre d'analyse
commun les phénomènes très divers auxquels s'attache
habituellement le vocable « conflit ». Mais l'analyse des
rivalités entre acteurs, d'une part, celle des tensions internes
à un système, d'autre part, en isolant les deux
éléments opposés du conflit, l'indépendance des
acteurs ou leur rupture et l'existence d'un champ donc d'une unité du
conflit, préparent à l'appréhension de ce qui est
proprement le conflit, et qui s'observe aussi bien au niveau de la
personnalité qu'à celui des groupes restreints ou de la
société. Le conflit ne s'oppose pas à l'ordre ou
à l'intégration. Il est le processus de formation d'un
ordre, ordre qui est d'autant plus formalisé,
institutionnalisé et organisé que le conflit sur lequel il repose
est plus profond. L'ordre social est un compromis, c'est-à-dire un
système politique, et l'expression d'un pouvoir, c'est-à-dire de
la capacité des acteurs de déterminer les conditions de leurs
rapports avec leurs partenaires.
L'enseignement de Marx et celui de Freud se rejoignent
dans cette conception générale qui s'oppose à ce qu'on
appelle souvent l'approche fonctionnaliste qui, de Durkheim à Parson,
pose un ordre sociétal, le consensus de l'unité du
système, avant de recenser les tensions internes ou les formes de
décomposition sociale capables de conduire à un conflit.
Approche combattue sur deux fronts : d'un
côté, par les théoriciens néolibéraux des
organisations, qui avec Homans ou Simon, retracent les problèmes du
marché de l'influence et même du pouvoir ; de l'autre, par
ceux qui placent au centre de l'analyse le conflit entre des
éléments à la fois interdépendants et
opposés, et dont la contradiction fait naître un certain ordre de
la personnalité ou de la société.
Longtemps, l'analyse des conflits a souffert d'être
suspendue à des présupposés encombrants. Si l'on pose au
départ l'existence de force sociales ou de pulsions purement
antagonistes, on peut comprendre l'interaction et la dynamique constructive des
rapports entre des termes entièrement séparés dans leur
définition.
L'analyse fonctionnaliste a opportunément
rappelé la nécessité de poser l'unité réelle
d'un champ pour comprendre les rapports antagoniques qui se développent
en son sein. De là le long effort qui domine aujourd'hui une partie des
sciences humaines pour élaborer une conception dialectique des
systèmes d'action, personnels ou collectifs. Le conflit n'est qu'un
autre nom du développement, de l'opposition entre l'investissement
et la consommation.
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