II. Discussion des résultats
II.1 - L'interprétation des résultats
Les recherches nous rapportent que les conflits liés
à la mise en pratique de la politique de décentralisation en
Côte d'Ivoire sont de deux (02) ordres : les conflits
notoires et les conflits implicites. Ce sont notamment pour les
premiers des conflits de compétence et des conflits entre
collectivités publiques, et pour les seconds, des conflits personnels,
des conflits d'intérêt et des antagonismes politiques. Et les
facteurs qui amènent ces conflits sont : la mauvaise connaissance
des textes, l'ambiguïté de certains textes, les conflits de lois,
le facteur « J'ai des relations. », le particularisme,
l'enrichissement personnel, le charisme et l'anomie.
Ce qui confirme nos hypothèses qui avaient
affirmé que les conflits liés à la mise en pratique de la
décentralisation sont généralement des conflits de
compétence dus à l'ambiguïté de textes et aux
conflits de lois, et que ces conflits s'expliquaient aussi par la poursuite
d'intérêts personnels, les rivalités personnelles et
surtout l'anomie généralisée.
Or en matière d'hypothèses, on rencontre
beaucoup d'obstacles, selon Quivy et Van Campenhoudt [1995]. Certaines ne sont
que des relations fondées sur des préjugés ou des
stéréotypes de la culture ambiante. Ainsi des
hypothèses telles que « le taux de criminalité
dans une ville est lié au taux d'immigrés qui y
vivent » ou « le niveau baisse dans
l'enseignement » sont des hypothèses fondées sur des
préjugés. Même s'il est possible de rassembler des
statistiques qui leur donnent un semblant de confirmation, ces
hypothèses correspondent au niveau zéro de la construction et, de
ce fait, elles conduisent à une compréhension médiocre et
déformée de la réalité sociale.
De plus, elles sont inutiles et dangereuses. Inutiles,
parce qu'elles sont généralement démenties dès lors
que l'on mène des analyses systématiques et correctement
construites. Produits inconscients de préjugés, elles n'apportent
pas de nouveaux éléments de compréhension et de
connaissance. Dangereuses, parce qu'elles peuvent trouver confirmation au
niveau des apparences et donner à l'erreur des allures de
vérité scientifique. Elles consolident alors les idées les
plus simplistes et les plus éculées, et renforcent
artificiellement certains clivages sociaux sur la base d'erreurs d'analyse.
En effet, il est de notoriété que les
conflits liés à la mise en pratique de la décentralisation
en Côte d'Ivoire sont des conflits de compétence entre
collectivités publiques. Mais une analyse plus poussée du sujet
démontre que cette assertion n'est juste que dans une certaine mesure.
Car elle occulte une bonne part de réalité, qui ne se
perçoit qu'après des investigations minutieuses.
Ainsi, après enquête, il s'avère que si
réellement certains conflits sont des conflits de compétence et
des conflits entre collectivités publiques, il n'en est rien pour
plusieurs autres. Car bien de conflits dits de compétence sont en fait
des antagonismes politiques ou des conflits d'intérêt
économique. Et bien de conflits dits entre collectivités sont
dans le fond des conflits personnels.
Les conflits s'avèrent de ce fait, difficiles
à saisir et à comprendre. Ils demandent donc plus de
perspicacité et d'objectivité. Ce que confirme Alain
Touraine [1965]: « Tous les types de conflits, rivalités
inter sociales, tensions intrasociales, conflits de pouvoir, crises sociales,
se combinent de la manière la plus variée dans l'histoire d'une
société comme dans celle d'une personnalité. On pourrait
donc être tenté de décrire les conflits de façon
formelle, par leur dimension, leur degré d'acuité, leur
modalité de formation et de résolution. Mais cette
simplicité apparente de la description empirique serait lourde de
risque : elle laisserait supposer que tous les phénomènes
considérés sont de même nature. Or on ne peut nullement
considérer le conflit comme un certain degré de rupture. Le
conflit n'est pas séparable d'un rapport unissant les adversaires entre
eux. Parler de conflit social, c'est dire au contraire que l'objet du
conflit est inséparable des rapports sociaux entre les adversaires
».
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