I.3.3- L'enrichissement personnel
L'enrichissement personnel est l'attrait qu'exercent
les biens rares sur l'acteur. Il y va de son prestige. Ce facteur est donc
téléologique. Possédant un système de
décision, l'acteur a tendance à maximiser ses avantages propres
par la poursuite rationnelle d'un intérêt de type
économique. Et c'est la rareté du bien en question qui
crée ou amplifie son intérêt pour les protagonistes.
Une fois, ce facteur attractif en place, l'acteur n'a plus
qu'à actionner le système de décision qu'il contrôle
déjà pour assouvir ce besoin pourtant personnel. Car il est des
conflits abusivement dits de compétence, qui à la consultation
des textes (lois et règlements) sont absurdes, tant les textes sont
claires en la matière.
Ainsi, de nombreux conflits dans le domaine du
transport et du foncier par exemple trouvent leur explication dans ce
facteur. Alors, dans un domaine qui génère des biens en
espèce ou en nature, quand malgré la clarté des textes sur
son incompétence en la matière, un acteur persiste dans le
conflit, il ne faut pas chercher l'explication ailleurs. C'est ce facteur qui
sous tend son action.
I.3.4 - Le charisme ou la légitimité
populaire
Notion développée par Max Weber, le charisme
est l'autorité d'un chef, ressentie comme fondée sur certains
dons surnaturels, et reposant sur l'éloquence, la mise en scène,
la fascination, etc. Le leader charismatique sait séduire les foules
et jouit auprès d'elles d'un prestige particulier. Prestige qui est
un stimulus poussant l'acteur à la confrontation avec le
vis-à-vis perçu comme un rival. Cette confrontation vise le
ternissement de l'image du rival et le rehaussement de son prestige propre. On
peut dire que ce facteur explique mieux les conflits personnels dans la mise en
pratique de la décentralisation. Et les conflits de personnes
fondés sur le charisme, ont généralement - donc pas
exclusivement - pour champ les bureaux (de conseil municipal, du district). Par
exemple, les divergences de vue lors des délibérations
ténues d'être secrètes (dans l'esprit des lois) sont mises
au grand jour. Chaque acteur du conflit use de ses compétences pour
nuire à l'autre. Les deux, luttant à armes presqu'égales,
mettent à mal le fonctionnement de la collectivité. Dans le
district d'Abidjan, une collectivité se distingue fort par les conflits
personnels amenés par ce facteur.
I.3.5 - L'anomie
Une autre contribution importante de Durkheim à
l'explication de la conduite délinquante est constituée par son
concept d'anomie. Cherchant les causes du suicide dans divers types de groupes
et de sociétés, il en a noté une qui résulte d'un
affaiblissement des normes sociales, des forces de contrainte qu'exerce la
société sur ses membres en face de l'ambition
effrénée (orientée tant vers l'acquisition de biens
matériels que vers les symboles de prestige social) que fait
naître chez tous les individus la société industrielle
capitaliste en plein développement.
En l'occurrence, les populations ivoiriennes ne savent pas
grande chose de la politique de décentralisation. Dans notre
enquête, sur 65 personnes interrogées dans le district d'Abidjan,
seules 5 ont assisté au plus une fois à une réunion de
conseil municipal. Ceci bien que, légalement, les réunions de
Conseil municipal soient publiques, donc ouvertes à tous. Cette
observation d'un enquêté est un substrat de l'opinion publique
ivoirienne sur la politique de
décentralisation : « La décentralisation
là, c'est une bonne chose ho. Mais les gens font trop de palabres. On
comprend rien ».
Par ailleurs, nous notons que la loi ne désigne pas
les populations nommément comme acteur (légal) de la
décentralisation. La loi met donc les populations à la
périphérie de l'action.
Ainsi, les acteurs (légaux) de la
décentralisation se savent hors de contrainte de la part des
populations. Ils savent qu'en principe (sur la base de la loi) les populations
ne sont pas engagées dans l'action ; et en qu'en fait, elles ne
savent pas grande chose de cette politique. L'asymétrie d'information
est donc très grande entre les acteurs (légaux) et leurs
administrés. Se sachant donc comme en vase clos, les acteurs
(légaux) ont « privatisé » la politique de
décentralisation. Ils en ont fait leur chose propre. On pourrait
dire qu'ils font la pluie et le beau temps.
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