2.1.3. Extension du Parc National de la Salonga et sa mise
en oeuvre
Comme nous l?avons souligné au point
précédent, le projet du Parc National devait initialement se
réaliser sur une étendue d?environ 14. 790 km2, mais
le refus par plusieurs entités foncières de céder les
droits indigènes fit que le futur Parc National de Monkoto ne soit
créé que sur un seul territoire (de Monkoto), et inclus dans les
limites naturelles formées par les rivières Salonga, Yenge,
Belita, Lotohumbele et Luile et d?une superficie d?environ 6.475
km2.
Or, il était déjà prévisible
qu?avec les refus de cession des terres, ainsi que toutes les opérations
forcées d?indemnité lors des enquêtes de vacance des
terres, les contestations se feraient sentir lors de la domanialisation de ce
bloc. Voici ce que déclare le Ministre de l?Agriculture et du Service
Vétérinaire de l?époque dans sa réponse à
son homologue de Terres et Mines à Coquilhateville:
«Vos appréhensions, quant à la valeur
réelle des enquêtes de vacances, sont parfaitement fondées;
il est certain que des contestations vont survenir au moment de la
domanialisation de ce bloc.
Je pense que le Gouvernement sera d'accord avec moi pour
proposer de suspendre momentanément l'exécution de ce projet. Sa
rentabilité économique est d'ailleurs fort douteuse, le manque de
voies d'accès pratiques rend sa création très
aléatoire.
Je me propose de demander aux autorités de Monkoto
d'effectuer une enquéte approfondie à ce sujet. Bien
qu'ajourné, ce projet n'est cependant pas abandonné
»140.
Ce projet de création d?un Parc National de la Salonga,
datant d?avant 1960, fut réalisé par l?Institut pour la
Conservation de la Nature au Congo (ICNC), qui avait repris entre autres les
activités de l?ancien Institut des Parcs Nationaux au Congo Belge
(IPNCB).
Après l?indépendance du Congo, il entra dans les
intentions de cet Institut d?augmenter la superficie de ce parc en y incluant
la forêt primaire située dans le Nord des territoires
d?Oshwé (Bandundu) et Dekese (Kasaï Occidental).
140 Extrait de la lettre N° 500/CAB/145/DV du Ministre de
l?Agriculture et du Service Vétérinaire au Ministre de Terres et
Mines, du 9 mars 1961
Ainsi les mesures nécessaires pour éviter toute
implantation humaine à l?intérieur du périmètre de
ce parc furent prises, sans qu?aucune mesure sur les tracés des limites
définitives ne soit établie141.
2.1.4. Modes d'acquisition de l'espace
Deux modes furent utilisés dans l?acquisition de
l?espace par l?Etat. Il s?agissait de la domanialisation et de l?expropriation.
Le premier consistait à déclarer libres de tout droit les terres
et les vastes territoires en apparence non occupés, mais qui
étaient supposés appartenir aux indigènes et qui servaient
de culture itinérante avec jachère longue et comme zones de
chasse indispensable à l?équilibre alimentaire. Rappelons que
c?est depuis 1960 que la procédure de domanialisation de terres avait
été abandonnée.
Or, comme l?explique bien Pourtier dans son étude sur
la dialectique du vide, densité de population et pratiques
foncières en Afrique Centrale forestière, une réflexion
sur les conséquences de sédentarisation à la
période coloniale : « ces « vides > ces zones non
exploitées au temps « t > sont nécessaires pour permettre
aux dynamiques sociopolitiques de fonctionner (fusion et fission des groupes,
émergence de la jeune génération, etc.). De même les
espaces visiblement occupés et exploités, ces espaces «
vides > font partie intégrante de « l'espace vital > des
humains et correspondent à des étendues socialisées et
historicisées, c'est d'ailleurs là que se trouvent notamment les
sites d'anciens villages dont l'appropriation foncière est très
importante »142.
Le second mode avait consisté en une
dépossession des terres et droits coutumiers par l?Etat, en
déplaçant les villages entiers sur des terres de groupements
étrangers et en maintenant les populations regroupées de
façon à les empêcher de retourner vers leurs anciennes
terres, de peur que l?avenir du parc ne soit compromis.
Afin de bien empêcher le retour des populations et
d?assurer leur stabilité dans les nouveaux villages, un important
programme de travaux publics fut élaboré en leur faveur et dont
le coût fut évalué à 17.000 000 francs. C?est comme
l?exprime Monsieur Tevissen N., Conservateur en chef des Titres Fonciers du
Gouvernement Général du Congo Belge en disant: «
J'estime également qu'il
141 Extrait de la lettre N°00325/XX/T.F./DOM/01516 du
Secrétariat général de Direction des Titres Fonciers, du
17 décembre 1970.
142 POTIER (1986). La dialectique du vide, densité de
population et pratiques foncières en Afrique Centrale forestière,
Politique Africaine, 21 :10
faut faciliter dans toute la mesure du possible leur
installation aux nouveaux endroits et mettre à la disposition des
C.A.C.I. les crédits nécessaires pour rendre les nouveaux
villages plus attrayants et confortables que les anciens »143
Mais de tout ce qui avait été prévu, deux
travaux seulement furent entrepris, ou sur le point d?être mis en
chantier: le dispensaire de Nongo et la route maduo Bompele (3.400.000 frs); en
effet la crise budgétaire que traversa le pays à la veille de
l?indépendance, rendit la réalisation de ce programme fort
illusoire. D?où la difficulté du maintien des villageois
déplacés sur des terres de groupements étrangers qui
semblaient déjà contester leur présence.
Cette politique était accompagnée d?une
épreuve de forces avec des populations dont la surveillance était
rendue malaisée, autant par leur dispersion que par l?absence de moyens
de communication. Dans ces conditions il ne fait aucun doute que la valeur des
enquêtes de vacance considérées, et par le fait même
la validité des accords obtenus des populations
intéressées, était mise en cause par les indigènes;
ou soit que les résultats déjà acquis devaient être
invalidés, suite à l?application d?une procédure boiteuse,
car les autorités responsables devaient élaborer de nouveaux
principes en matière de domanialisation du sol.
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