2.1.5. La réaction des indigènes
Bien que le chef de la circonscription
intéressée soit légalement armé pour interdire la
résidence, dans les parties de terres domanialisées, des
populations soumises à son autorité, une partie de ces
populations déplacées avait rejoint ses anciens emplacements,
mettant ainsi en échec toute la procédure instaurée par
les enquêtes de vacance144.
Ce retour peut être justifié par le fait que ces
populations déplacées n?avaient pas
bénéficié, jusqu?alors, de conditions de vie meilleures et
qu?elles n?avaient pas non plus renoncé à leurs droits sur les
territoires qu?elles avaient quittés.
En plus, tous les groupements qui avaient consenti à ce
que leurs terres soient érigées en réserve totale de faune
et de flore, refusèrent toute indemnité, dont ils
interprétaient l?acceptation comme valant vente. Seul le groupement
Nongelokwa a accepté une indemnité forfaitaire de 1.000 francs en
faveur de tous les hommes faisant partie de la population de droit, 255.000
francs en tout. Mais cette exception ne fait que confirmer la règle
(cfr. tableau n°3).
143 Extrait de la Note N°441/001546 du Conservateur en Chef
des Titres fonciers pour le Directeur de la 2è Direction de la 5è
Direction Générale (522) du 29 mai 1957
144 Extrait de la lettre N°2072/01542 du Ministre Provincial
de l?Intérieur, de l?Information et du Travail, au Ministre provincial
des Terres et Mines à Coquilhateville, du 17 mai 1961.
Ceci prouve et montre bien clairement que ces populations
indigènes ne considèrent pas que les terres, objet des
enquêtes de vacance, soient entrées définitivement dans le
domaine privé de l?Etat, et que dans ces conditions, les chances
d?aboutir à une solution durable sur base de ces enquêtes
n?étaient que moindres, tandis que le danger de se trouver, dans peu de
temps, devant des difficultés semblables à celles qui menacent
l?existence des Parcs Nationaux en d?autres endroits du pays, semblait
évident. C?est ainsi par exemple que les anciens possesseurs des terres
inclues dans le Parc National des Virunga et le Parc National de l?Upemba
revendiquent actuellement l?exercice de droits fonciers cédés en
bonne et due forme il ya plus d?un demi-siècle et ne cessent de
contester leurs limites.
Tableau 3. Résultats des enquêtes de vacance
des terres
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Territoire
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Superficie
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Date d'enquête
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Accord/pas d'Accord
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Indemnité/refus d'indemnité
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Bloc de Mundji-Yafé
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Bokungu
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1.500 Km2
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04/09/1958
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Accord des ayants-droit coutumiers d?autoriser l?occupation du
terrain sans cession des droits indigènes.
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700.000 Francs (700 Zaïres) que le service d?agriculture
jugea exagérée et proposa de renoncer au projet.
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Bloc de Yongo-yela et Boondo-Buene
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Monkoto
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3.140 Km2
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07/04/1959
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Accord des ayants-droit coutumiers d?autoriser l?occupation du
terrain sans cession des droits indigènes.
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Refus formel de toucher une indemnité quelconque
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Bloc de Yonga- Nongo
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Monkoto
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1425 Km2
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08/02/1959
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Accord des indigènes d?autoriser l?occupation du
terrain sans cession des droits de chasse et de pêche sur quelque
étendue des terres entre les rivières losange, Luile et Yenge.
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Refus d?être indemnisé
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Bloc de Bolengangele
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Monkoto
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1.210 Km2
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07/03/1959
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Accord des ayants-droit pour une occupation par l?Etat du
terrain en cause. Par contre la partie du terrain s?étendant sur la rive
gauche de Yenge ne fut pas cédée à l?Etat.
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Refus d?indemnisation
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Blos de Nongelokwa
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Monkoto
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370 Km2
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24/03/1959
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Les autorités de contrôle estimèrent utile
de domanialiser toute l?étendue d?environ 555 Km2 et
d?accorder une indemnité de 1.200 francs par personne
intéressée.
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Les indigènes se sont opposés à la
cession de la partie sud de la rivière belita d?une superficie de 185
Km2, et ont refusé d?être indemnisés.
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Bloc de Nkwala Nord
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Monkoto
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330 Km2
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07/04/1959
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Les ayants-droit sont disposés à céder
sans
indemnité l?étendue de terrain située
à gauche de la rivière Salonga dont la superficie n?est pas
évaluée. Refus de céder le terrain de la rive droite de
cette rivière.
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L?indemnité proposée de 202.500 Zaïres est
refusée par les autorités coutumières suivant
procès verbal du 6 avril 1960.
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Source: analyse personnelle des procès
verbaux d?enquêtes de vacance des terres, de Septembre 1958 à
Avril 1959
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