2.2. Les impacts de l'adoption des accords de
Bâle II
L'identification des impacts de la mise en place des accords
de Bâle II sera faite à partir des retours d'expérience de
pays ayant déjà adopté ce dispositif prudentiel, telle que
les pays européens qui ont mis en application les approches
avancées de ces accords à compter du 1er janvier 2008,
et d'autres pays émergents plus comparables à la Tunisie, tel que
le Maroc qui a adopté l'approche standard du 1er pilier depuis fin 2007
avec une perspective de passage en approche avancée d'ici
2011384.
Les principaux impacts de la mise en place des accords de
Bâle II sont les suivants : 2.2.1. Les impacts
financiers
La mise en place des accords de Bâle II nécessite
une forte mobilisation de la part des banques et entraîne des coûts
organisationnels et humains.
L'adoption de ce dispositif nécessite la constitution
d'équipes spécifiquement affectées à la gestion et
au pilotage du projet d'application des normes bâloises, qui peut
s'étaler sur plusieurs années, et qui nécessite par
ailleurs, un effort en matière de sensibilisation et de formation du
personnel.
Des compétences humaines spécifiques sont
également nécessaires pour la modélisation des risques
dans les systèmes et la gestion des nouvelles modalités de mesure
des risques.
383 : Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France, «
Bâle 2 : Nouveaux défis », Discours devant la Banque
d'Algérie et la Communauté financière algérienne,
le 16 décembre 2007, page 2,
www.banque-france.org.
384 : Article de presse, « Bâle II : les notations
internes enclenchées », L'économiste, quotidien
économique marocain, n°2964, édition du 16 février
2009.
Gestion, mesure et communication sur les risques au sein des
établissements de crédit au regard du contexte tunisien et des
standards internationaux
Les impacts financiers de l'adoption des accords de
Bâle II sur les établissements bancaires constituent un sujet
d'incertitude et d'inquiétude pour les pays émergents, du fait de
la complexité des implications de la réforme et du coût
élevé qu'elle pourrait engendrer, notamment pour l'application
des approches avancées.
Dans une enquête mondiale385
réalisée au cours du 1er semestre 2004 par les
cabinets de conseil Accenture, Mercer Oliver Wyman et SAP, auprès d'une
centaine des 200 plus grandes banques à l'échelle internationale,
sur l'application du nouvel accord de Bâle II, un grand nombre
d'établissements interrogés évoquent leur incertitude
quant aux budgets alloués à cette réforme, et près
d'un tiers d'entre eux affirment mal évaluer le coût de ce
projet.
Parmi les banques qui étaient en mesure de chiffrer le
coût de la mise en application de Bâle II, la majorité (plus
de 90%) des banques qualifiées par cette enquête comme
étant de taille moyenne à l'échelle mondiale (avec un
total bilan entre 20 milliards et 100 milliards de dollars) tablaient sur un
budget maximal de 50 millions d'euros.
Les deux tiers des banques de taille plus importante (avec un
total bilan supérieur à 100 milliards de dollars) envisageaient
un coût supérieur à 50 millions de d'euros, et un tiers
d'entre elles s'attendaient à dépenser un coût
supérieur à 100 millions d'euros.
Ces données chiffrées démontrent l'impact
financier considérable engendré par une telle réforme.
En effet, la mise en oeuvre des approches avancées du
pilier 1 de Bâle II, plus avantageuses en matière d'exigences en
fonds propres car plus fines dans l'appréciation des risques, est
complexe puisqu'elle nécessite une refonte des systèmes de calcul
des exigences en fonds propres et l'ajustement de la pondération des
engagements.
Par ailleurs, la mise en oeuvre des approches avancées
est soumise à une homologation préalable par les autorités
de supervision bancaire.
Dans ce cadre, et sur une échelle plus comparable
à la Tunisie, une étude récente réalisée en
2009 sur le secteur bancaire marocain386, a estimé le
coût complet de mise en oeuvre des approches avancées de
Bâle II à 185 millions de dirhams marocains, soit environ 31
millions de dinars tunisiens, pour l'ensemble des banques marocaines.
L'estimation de ce coût tient compte du retour
d'expérience des établissements bancaires européens, dont
pourra bénéficier les banques marocaines.
Par ailleurs, cette même étude, a
réalisé une répartition indicative du coût
prévisionnel de la mise en oeuvre des approches avancées de
Bâle II, par chantier et par type de ressource :
Répartition des coûts par
chantier
|
Constitution des historiques de données
|
35%
|
Modélisation des paramètres Bâlois
|
50%
|
Backtesting et stresstesting
|
10%
|
Formation et conduite du changement
|
5%
|
Total 100%
|
|
Répartition des coûts par type de
ressource
Pilotage
|
16%
|
Métier
|
39%
|
Organisation
|
23%
|
IT
|
22%
|
Total 100%
|
|
385 : Accenture, Mercer Oliver Wyman, SAP, Etude «
Bâle II : Les banques ont encore de nombreux défis à
relever », Juin 2004.
386 : Sia Conseil, « La mise en oeuvre de l'approche
avancée de Bâle II coûtera 185 millions de dirhams aux
banques marocaines d'ici 2011 », Newsletter Sia Conseil, avril 2009,
www.finance.sia-conseil.com.
Gestion, mesure et communication sur les risques au sein des
établissements de crédit au regard du contexte tunisien et des
standards internationaux
Cette répartition met en évidence
l'étendue des chantiers relatifs à la constitution des
données historiques et à la modélisation des
paramètres bâlois, qui nécessitent une forte mobilisation
du personnel.
2.2.2. Les impacts sur les systèmes
d'information
L'application des accords de Bâle II nécessite
généralement de fortes évolutions des systèmes
d'information existants au sein des établissements bancaires, notamment
dans le cadre de la mise en oeuvre des approches avancées pour le calcul
des exigences en fonds propres (pilier 1).
Les refontes informatiques concernent essentiellement :
· la mise en place de bases de notation interne de la
clientèle en fonction de leur profil de risque,
· la constitution de bases de données historiques
permettant la construction de modèles internes de mesure avancée
des risques,
· l'intégration des applications de notation interne
et des modèles de notations avancées basés sur les
paramètres « bâlois »,
· et la réalisation de tests de résistance
« stress tests » sur les exigences en fonds propres dans des
conditions extrêmes du marché.
Les deux principales particularités des refontes
informatiques induites par l'application des accords de Bâle II sont :
1. la constitution de bases de données « clients
», permettant d'associer les notations calculées par les
applications et les modèles internes aux encours réels, avec la
prise en compte des garanties octroyées par la banque.
L'atteinte de cet objectif est plus complexe pour les clients
« entreprises », en cas de multitude des entités et des
opérations.
Par ailleurs, la constitution de ces bases de données
implique la décentralisation des systèmes d'information et
l'harmonisation de la remontée des données dans une base
transversale.
2. le volume et la complexité des données
à collecter et à gérer. En effet, les accords de
Bâle II préconisent la constitution de bases de données
historiques justifiant les notations retenues en interne.
L'aspect qualitatif des informations constituant ces bases de
données et le volumétrie des données servant de base au
calcul des risques, constituent un défi majeur pour les banques.
En réponse aux exigences de Bâle II, de nombreux
éditeurs ont développé des progiciels informatiques, dont
certains sont spécialisés dans une seule catégorie de
risque et notamment le risque opérationnel. La mise en place de ces
progiciels nécessite des développements spécifiques pour
s'adapter aux spécificités de chaque établissement,
à son profil de clientèle et de risques.
Il convient également de rappeler, que les systèmes
d'information constituent une source de risque opérationnel, introduit
par les accords de Bâle II dans le calcul des exigences en fonds
propres.
Les risques informatiques sont principalement liés au
développement, à la maintenance et à l'exploitation des
systèmes, doivent également être limités et
maîtrisés par les établissements bancaires.
La gestion de ces refontes informatiques dans le cadre de
l'adoption des accords de Bâle II, constitue une étape clé
dans la réussite de ce projet, du fait de l'importance du coût
financier qu'elles peuvent engendrer et des impacts significatifs qu'elles
peuvent avoir sur l'architecture d'ensemble des systèmes d'informations
de la banque, voire sur son organisation.
Gestion, mesure et communication sur les risques au sein des
établissements de crédit au regard du contexte tunisien et des
standards internationaux
2.2.3. Les impacts sur les exigences en fonds
propres
Les réformes entreprises par les autorités
tunisiennes depuis plusieurs années, en matière de renforcement
des fonds propres des banques et de la couverture du risque de crédit,
ont permis de renforcer le secteur bancaire tunisien à travers la
consolidation des fonds propres des banques et une amélioration de la
qualité des actifs et de leur couverture387.
Néanmoins, les efforts sont à poursuivre notamment
pour baisser le niveau des créances classées.
L'approche retenue par les accords de Bâle II correspond
à une approche prospective et plus globale pour la gestion des risques,
et son adoption implique l'application de conditions plus rigoureuses dans le
calcul des exigences en fonds propres en couverture du risque de crédit,
du risque de marché et du risque opérationnel au titre du pilier
1.
Certes, l'application des accords de Bâle II aura des
impacts sur la méthodologie de calcul des exigences en fonds
propres388, mais elle aura également des impacts quantitatifs
sur le niveau de fonds propres à retenir et sur leur sensibilité
par rapport aux risques réellement encourus.
L'application des approches avancées fondées sur
les notations internes pour le calcul des exigences en fonds propres au titre
du risque de crédit, du risque de marché et du risque
opérationnel est censée donner une évaluation plus fine de
ces risques et par conséquent un niveau de fonds propres
réglementaires moins élevé.
Les modalités de calcul et les pondérations
retenues par les accords de Bâle II pour les approches standards, ainsi
que les études d'impact réalisées au moment de la mise en
oeuvre de ces accords par le Comité de Bâle, permettent
d'identifier les principales conséquences économiques de cette
nouvelle réglementation prudentielle, notamment au titre du risque de
crédit et du risque opérationnel.
En ce qui concerne le risque de crédit
au niveau des banques de détail, l'application des accords de
Bâle II aura des impacts mécaniques à la baisse et la
hausse en matière d'exigences en fonds propres.
Les principales baisses concernent389 :
· Les crédits hypothécaires (immobiliers)
: la baisse du coefficient de pondération dans l'approche standard au
titre de cette catégorie de crédits correspond à une
diminution de 30% des exigences en fonds propres. Cette baisse est encore plus
importante pour les banques qui appliquent l'approche par notations internes,
puisque la diminution des exigences en fonds propres est estimée
à environ 55%.
· Les crédits à la consommation :
l'allégement des exigences en fonds propres est estimé à
environ 30% en moyenne.
· Les crédits accordées aux petites et
moyennes entreprises (PME) : les dispositions spécifiques prises par les
accords de Bâle II au titre des exigences en fonds propres relatives aux
crédits accordés aux PME, telles présentées en
détail dans le paragraphe ci-dessous, amènent à leur
diminution d'environ 15%.
387 : Se référer à la section 1 « Le
renforcement des assises financières » et la section 2 «
L'amélioration de la qualité des actifs et du taux de
couverture » du sous chapitre 1 « Les apports des réformes
entreprises » du chapitre 2 « Evaluation des apports des
réformes entreprises en matière de gestion, de mesure et de
communication sur les risques au sein des établissements de
crédit et améliorations attendues » de la
première partie de ce mémoire.
388 : Les modalités de calcul des exigences en fonds
propres en application des accords de Bâle II ont fait l'objet d'une
présentation détaillée au niveau de la section 2 « La
réglementation prudentielle » du sous chapitre 1 « Les
principaux cadres réglementaires » du chapitre 1 « Principales
réglementations internationales » de la deuxième partie de
ce mémoire.
389 : Direction des études économiques, BNP
Paribas « Bâle II : quelles conséquences économiques ?
», 18 pages, décembre 2003,
www.economic-research.bnpparibas.com.
Les résultats de cette étude sont essentiellement basées
sur plusieurs études d'impact (QIS : Quantitative Impact Study)
réalisées dans le cadre de l'application des dispositions des
accords de Bâle II à l'échelle européenne.
Gestion, mesure et communication sur les risques au sein des
établissements de crédit au regard du contexte tunisien et des
standards internationaux
Par ailleurs, les petites PME peuvent être
assimilées à de la clientèle de détail. Dans ce
cas, leur coefficient de pondération serait moindre.
En contrepartie de ces baisses, les nouvelles dispositions
engendrent par ailleurs, une hausse des exigences en fonds propres. En effet,
dans l'approche standard, les crédits souverains et les prêts
accordés aux banques et aux grandes entreprises dont la notation est
inférieure à B-, sont soumis à un coefficient de
pondération égal à 150%, ce qui se traduit par une
augmentation des exigences en fonds propres, notamment pour les grandes
banques.
En ce qui concerne le risque
opérationnel, l'allocation de fonds propres
réglementaires au titre de ce risque constitue l'une des principales
innovations des accords de Bâle II, et aura donc un impact à la
hausse sur les exigences prudentielles en fonds propres.
Afin de nous permettre d'avoir une vision plus pratique des
impacts quantitatifs sur les exigences en fonds propres de l'application des
accords de Bâle II, nous allons nous intéresser au cas pratique du
Maroc.
En effet, l'expérience marocaine est
intéressante à étudier, du fait de la comparabilité
du secteur bancaire marocain et de son profil de risques au secteur bancaire
tunisien. Par ailleurs, l'adoption des accords de Bâle II par le Maroc
étant récente390, ce qui nous permettra de tirer
profit de cette expérience en analysant les impacts, en identifiant les
difficultés pour mieux les anticiper.
La mise en application du pilier 1 de Bâle II au Maroc a
été réalisée selon une démarche progressive,
à travers d'adoption de l'approche standard dans un premier temps, afin
de laisser la possibilité aux banques locales de procéder
à la mise à niveau de leurs structure avant d'appliquer les
approches avancées.
Par ailleurs, la banque centrale marocaine a définit les
options nationales d'application des accords de Bâle II. Les principales
dispositions prises391 :
· au titre du risque de crédit : - la
détermination des modalités de calcul des actifs
pondérés au titre du risque de crédit,
- la fixation des règles de segmentation de la
clientèle au sens bâlois (Retail, PME et
Corporate),
- la précision du traitement relatif aux engagements hors
bilan,
- et l'intégration de nouvelles règles de
réduction du risque de crédit à travers un
élargissement
des garanties éligibles.
· au titre du risque de marché :
- l'adoption des dispositions de Bâle II relatives au
calcul des exigences en fonds propres
afférents au portefeuille de négociation.
· au titre du risque opérationnel :
- la réalisation d'un état des lieux des
dispositifs et des pratiques existants au sein des
banques, la définition des catégories et des
événements de risque concernés et l'adoption des trois
approches proposées par Bâle II.
Afin de mesurer les conséquences de l'adoption de
l'ensemble de ces dispositions qui rentrent dans le cadre de la
transposition des accords de Bâle II, Bank Al Maghrib à
procédé à la réalisation de deux
390 : Adoption par le Maroc de l'approche standard des accords
de Bâle II à fin 2007, et mise en oeuvre de l'approche
avancée attendue pour fin 2010.
391 : Slitine El Idrissi, responsable du projet Bâle II
au sein de la Banque Centrale du Maroc, « Le risque bancaire et les
règles de Bâle II : Mise en oeuvre de Bâle II au Maroc
», présentation réalisée lors d'une conférence
organisée par l'Union des Banques Maghrébines, Tunis, mars
2007.
Gestion, mesure et communication sur les risques au sein des
établissements de crédit au regard du contexte tunisien et des
standards internationaux
études d'impacts auprès des banques ; la
première en septembre 2005 au titre du risque de marché et la
deuxième en octobre 2005 au titre du risque de crédit et du
risque opérationnel.
Les principaux résultats de ces études d'impacts
sont les suivants392 :
~ Les banques ayant répondu à ces études
d'impact représentaient environ 80% du total bilan du secteur bancaire
marocain,
· Le niveau des fonds propres de ces banques, leur
permettait de respecter le ratio minimal d'exigences en fonds propres
réglementaires égal à 8% calculé selon les
nouvelles règles,
· Le ratio de solvabilité moyen de ces banque
s'élevait à environ 10% en baisse de 2,8% du fait de la hausse
des risques pondérés,
· Les exigences complémentaires en fonds propres
sont justifiées essentiellement par des besoins complémentaires
au titre du risque opérationnel (60%), du risque de marché (23%)
et du risque de crédit (17%),
· La répartition globale des exigences en fonds
propres par nature de risque est la suivante ; 83% pour le risque de
crédit, 12% pour le risque opérationnel et 5% pour le risque de
marché.
Malgré la baisse du ratio de solvabilité
calculé selon l'approche standard de Bâle II de 2,8%, les banques
marocaines respectaient le ratio minimal de 8%, avec un ratio moyen égal
à 10%.
La principale contribution à la hausse des exigences
en fonds propres correspond à cette relative au risque
opérationnel. La hausse des exigences au titre du risque de
crédit résulte essentiellement de la hausse des risques
pondérés sur les banques.
La répartition des exigences en fonds propres
reflète l'importance de l'activité de crédit et du risque
correspondant. Le risque opérationnel quant à lui est plus
consommateur en fonds propres que le risque de marché.
Dans le cas où un établissement de crédit
n'est pas en mesure de respecter le nouveau ratio de solvabilité, deux
possibilités sont envisageables :
· L'augmentation des fonds propres à travers la
restriction de distribution de dividendes ou l'augmentation en numéraire
du capital,
· Et/ou la baisse du niveau des risques
pondérés de la banque, à travers la baisse de ses
engagements et la révision de son « business modèle »
et le rééquilibrage de ses encours de crédit pour chaque
catégorie de clientèle, voire la révision de sa politique
de financement des entreprises.
Les impacts des accords de Bâle II sur le financement des
entreprises sont présentés dans le paragraphe suivant.
2.2.4. Les impacts sur le financement des
entreprises
Les exigences en fonds propres calculées selon les
accords de Bâle II varient en fonction du risque présenté
par la contrepartie. Ce risque est mesuré :
· soit à travers la notation de la contrepartie qui
détermine la pondération qui lui sera attribuée, en
application de l'approche standard,
· soit à travers la Probabilité de
Défaut (PD)393 attribuée par le dispositif de notation
interne, en application de l'approche avancée.
392 : Slitine El Idrissi, responsable du projet Bâle II
au sein de la Banque Centrale du Maroc, « Le risque bancaire et les
règles de Bâle II : Mise en oeuvre de Bâle II au Maroc
», présentation réalisée lors d'une conférence
organisée par l'Union des Banques Maghrébines, Tunis, mars
2007.
393 : La Probabilité de Défaut (PD) correspond
à la probabilité qu'une contrepartie soit défaillante sur
un horizon de douze mois.
Gestion, mesure et communication sur les risques au sein des
établissements de crédit au regard du contexte tunisien et des
standards internationaux
La mise en place d'un lien direct entre la qualité de
la contrepartie et le niveau des exigences en fonds propres aura un impact
certain sur les conditions tarifaires qui seront de plus en plus
différenciées et adaptées au profil de risque de chaque
client.
Des études ont été réalisées
à l'échelle européenne pour mesurer les impacts de
Bâle II sur le financement des entreprises.
Bien que les effets sur l'octroi de crédit semblent
difficiles à évaluer, les impacts sur le coût de
crédit sont déjà effectifs. En effet, certaines banques
ont dores et déjà procédé à une hausse
généralisée des marges appliquées aux
crédits aux entreprises. Les crédits avec garantie sont
désormais les plus recherchés par les banques puisqu'ils sont
moins coûteux en exigences en fonds propres en Bâle
II394.
Les accords de Bâle II tiennent compte des
caractéristiques spécifiques des PME, en créant une
distinction entre le portefeuille « Corporate » de grandes
entreprises et le portefeuille « PME », et en attribuant une
pondération plus favorable aux PME395.
L'attribution d'une pondération plus favorable aux PME
résulte de l'importance du rôle économique que joue ces
entreprises et de la volonté de ne pas les pénaliser en
matière de financement auprès des banques. Par ailleurs, une
analyse qualitative du risque de crédit démontre qu'à
probabilité de défaut équivalente, l'impact financier de
la défaillance d'une PME est moins lourd et sans répercussions
collatérales contrairement à une grande entreprise.
Le tissu économique tunisien est composé
essentiellement de PME, qui ne font pas l'objet de notations par les agences de
notation.
Dans le cas où les PME ne font pas l'objet de
notation, elles seront donc soumises à une pondération de 100%.
Par conséquent, le financement des PME sera plus coûteux en fonds
propres pour les établissements de crédit, sans
possibilité de différenciation tarifaire.
Dans ce cas, seule l'approche avancée fondée sur
les notations internes permettra de différencier la qualité du
risque de contrepartie des PME.
L'application de cette approche nécessite une
estimation de la probabilité de défaut de chaque contrepartie
établie sur la base des données financières (états
financiers, ratios d'endettement, capacité
bénéficiaire...) mais également sur la base de
critères qualitatifs liés essentiellement à la
qualité du management et du dispositif de contrôle
interne396.
Ceci implique un suivi individualisé des PME par les
établissements de crédit et un renforcement de la communication
et de la transparence financière de la part des PME, nécessaire
pour l'obtention d'une notation interne fiable et pertinente, sur la base de
laquelle l'établissement de crédit pourrait s'appuyer pour
prendre la décision d'octroi de crédit et fixer les conditions
tarifaires.
La notation de la contrepartie, constitue l'un des
critères essentiels pour l'octroi de crédit. Par
conséquent, la non résolution de la problématique de
notation externe des PME par des agences de notation dans le cadre de
l'approche standard ou le manque d'information financière fiable
permettant d'accorder une notation interne dans le cadre de l'approche
avancée, peut avoir des impacts défavorables sur le financement
des PME, soit à travers la restriction de l'offre de crédits
à cette catégorie de contreparties, soit à travers une
hausse tarifaire en réponse par les établissements de
crédit au coût en exigences en fonds propres relatif à
cette catégorie de crédits.
394 : François Gouesnard, président de la
commission Bâle II, AFTE, « Crédits aux entreprises -
Bâle II pourrait accroître la prudence des banques », Option
Finance, n°1020, mars 2009, pages 11 et 12.
395 : Valérie Golitin, secretariat général
de la commission bancaire à la Banque de France, « Le financement
des PME et la réforme Bâle II », bulletin de la Banque de
France, n°165, septembre 2007, pages 105 à 113.
396 : Laurence Besnard, « Incidences de Bâle II sur
le financement des entreprises », la Revue Financière et Comptable,
mars 2008,
www.rfcomptable.com.
Gestion, mesure et communication sur les risques au sein des
établissements de crédit au regard du contexte tunisien et des
standards internationaux
Le Maroc qui a adopté les accords de Bâle II
à fin 2007, a opté pour l'approche standard au titre du pilier 1
dans un premier temps, avant de passer aux approches avancées à
fin 2010.
L'application de l'approche standard au Maroc a
été confrontée à l'absence d'agences de notation
adaptées au tissu économique local composé essentiellement
par des PME et au nombre restreint de groupes ou d'entreprises marocaines qui
font l'objet de notation par les grandes agences de notation externes.
L'approche avancée, qui se base sur des notations
internes du risque de contrepartie, semble donc la plus adaptée pour
répondre de manière adéquate aux besoins de financement
des PME. Néanmoins, cette approche parait trop exigeante par rapport
à la structure actuelle du processus d'octroi de crédit et de
gestion des risques du système bancaire tunisien.
Les impacts de l'approche (standard ou avancée), de la
notation (externe ou interne) et de la réaction des entreprises, au
titre de l'application du pilier 1 de Bâle II, sur les exigences en fonds
propres des établissements de crédit et sur le coût de
financement des entreprises, peuvent être résumés de la
manière suivante397 :
Approche Notation Comportement Impacts sur les
exigences en fonds propres
retenue retenue des entreprises et sur le coût de
financement
|
|
Standard
|
Non prise en compte
des
notations externes
|
Absence de réaction
de la part des entreprises pour l'obtention d'une notation
externe
|
- Augmentation des exigences en fonds propres au titre du
risque de crédit pour les établissements de crédit
(pondérations à 100%)
- Augmentation du coût de financement pour l'ensemble des
entreprises
|
|
Standard
|
Avancée
|
Externe
|
Interne
|
Réaction
de certaines entreprises pour l'obtention d'une notation
externe
|
Absence de réaction
de la part des entreprises pour la préparation d'une
information financière fiable
|
- Augmentation des exigences en fonds propres au titre du
risque de crédit pour les établissements de crédit sur les
entreprises non notées (pondération à 100%)
- Augmentation du coût de financement et accès plus
difficile au crédit pour les entreprises non notées
- Amélioration du coût de financement et
amélioration de la compétitivité pour les entreprises
notées
|
- Mauvaise notation interne des entreprises du fait de
l'absence d'une information financière fiable et pertinente,
nécessaire à l'estimation de qualité de la contrepartie et
à la notation interne
- Augmentation des exigences en fonds propres au titre du
risque de crédit pour les établissements de crédit (forte
probabilité de défaut)
- Augmentation du coût de financement et accès
plus difficile au crédit pour l'ensemble des entreprises
|
|
Avancée
|
Interne
|
Réaction de certaines entreprises pour la
préparation d'une information financière fiable
|
- Augmentation du coût de financement et accès plus
difficile au crédit pour les entreprises ayant une mauvaise notation
interne
- Amélioration du coût de financement et
amélioration de la compétitivité pour les entreprises
ayant une bonne notation interne
|
|
Les différentes alternatives présentées
ci-dessus, démontrent la sensibilité directe de la qualité
de la contrepartie, qui se matérialise par sa notation, avec les
exigences en fonds propres des établissements de crédit et par
conséquent avec l'accès des entreprises au crédit et les
conditions tarifaires de financement.
397 : L'élaboration de ce tableau récapitulatif
a été insprirée par une présentation faite par
Abdelkader Boudriga et Majdi Hassen, intitulée « Impact de
Bâle II sur le financement de l'entreprise tunisienne », à la
Maison de l'entreprise en date du 5 juin 2008, 28 pages.
Gestion, mesure et communication sur les risques au sein
des établissements de crédit au regard du contexte tunisien et
des standards internationaux
2.2.5. Les impacts sur le processus de gestion des
risques
La mise en oeuvre de Bâle II nécessite le
développement de dispositifs internes de suivi et de mesure des risques,
et notamment le recours à des modèles internes de notation qui
donnent lieu à un suivi et à une évaluation plus fine des
risques et des exigences correspondantes en fonds propres.
Le renforcement de la corrélation entre les exigences
en fonds propres réglementaires et les risques réellement
encourus par les banques, encourage à l'amélioration du processus
interne de gestion des risques.
Cette évolution incitera les banques à
optimiser l'allocation de leurs fonds propres, ce qui induira à une
meilleure prise en compte des risques dans la détermination des
conditions de crédit, et à accroître la concurrence dans le
secteur de banque de détail.
Par ailleurs, le pilier 3 de Bâle II « Discipline de
marché » renforce la transparence des établissements de
crédit en matière de la communication financière sur la
gestion des risques.
2.2.6. Les impacts sur la communication
financière
Le pilier 3 de Bâle II intitulé «
Discipline de marché », tel que présenté dans le
chapitre 1 « Principales réglementations internationales » de
la deuxième partie de ce mémoire, a renforcé les exigences
des établissements de crédit en matière de communication
financière sur les risques.
La mise en application de ce pilier favorisera la transparence
financière des établissements de crédit en matière
de fonds propres, d'exposition aux risques, de procédures de gestion et
d'évaluation des risques, et par conséquent de
l'adéquation des fonds propres.
La communication des informations quantitatives et
qualitatives préconisées par le pilier 3 de Bâle II,
implique un accroissement de transparence de la part des établissements
de crédit sur la description de leur dispositif de gestion et de mesure
des risques.
|