En guinée, l'allaitement maternel, bien que
pratiqué par près de 85% des mères, ne commence pas
toujours immédiatement après la naissance. Certaines mères
attendent plusieurs heures, voire quelques jours, avant de mettre l'enfant au
sein (Barry, 1981). Il leur arrive alors de donner au nouveau-né des
infusions, notamment le quinkéliba. Le colostrum, premier liquide qui
sort du sein après l'accouchement, n'est pas toujours donné
à l'enfant (FAO, 1999). Ces erreurs existent dans la population
guinéenne, quoique minoritaires. Elles devraient être
corrigées avec tact.
On peut parfois s'appuyer sur la tradition plutôt que
sur la science pour corriger ces erreurs. Ainsi, dans certaines
sociétés, il est dit que «si l'enfant ne tête pas le
colostrum de sa mère, plus tard il sera battu par les autres
enfants» (Chérif, 1980). Cette image, très juste si on
l'évalue à la lumière de nos connaissances scientifiques,
peut être utilisée par les communicateurs pour promouvoir une mise
au sein rapide, juste après la naissance de l'enfant.
Les pratiques alimentaires, notamment le sevrage, sont
inadéquates après 6 mois (Barry, 1981).
L'enquête ENAMOG, réalisée en milieu rural
(Moyenne Guinée), témoigne des faits suivants:
· Des liquides autres que le lait maternel (lait de vache,
de chèvre, infusion, etc.) sont souvent introduits
prématurément: avant 3 mois.
· Les aliments semi-solides sont parfois introduits trop
tardivement: à 11 mois et même davantage.
· Les bouillies de sevrage existent, mais elles sont
inadéquates sur le plan nutritionnel: composées de maïs, riz
ou fonio avec une addition de sucre dans les 2/3 des cas et de lait dans 1/5
des cas, elles ont indiscutablement une densité
énergétique trop faible.
· Lors des épisodes de maladies, la prise en charge
diététique est très mauvaise: près de la
moitié des enfants ne mangent pas en cas de diarrhée.
Ces mauvaises pratiques ne semblent pas exclusives du milieu
urbain puisque les résultats de l?« Enquête sur la
Consommation des ménages de Conakry (ECOMEC, mai 1992) »
révèlent que 20% des mères introduisent des aliments
complémentaires avant 3 mois, donc à un âge où les
enfants n'en ont pas encore besoin. D'un autre côté, 30% des
femmes diversifient seulement après 10 mois, donc beaucoup trop
tardivement.
Dans les comportements habituels, le nombre insuffisant de
repas - un, deux ou trois repas par jour influence négativement la
croissance des enfants en bas âge. La prise de repas se faisant en
groupe, les plus jeunes sont lésés tant pour la qualité
que pour la quantité de la nourriture. Les meilleures parties des repas
(protéines, matières grasses) sont attribuées au
père de famille. Les enfants et les femmes sont lésés.
Par ailleurs, il existe des interdits qui sont soit permanents,
soit temporaires.
· Les interdits permanents sont le plus
souvent d'origine religieuse ou totémique: le porc pour les musulmans,
la chair de certains animaux (reptiles, singes, panthères, etc.) pour
les autres;
· Les interdits temporaires touchent
des groupes particuliers d'individus à un moment donné de leur
vie (femmes enceintes, femmes allaitantes, enfants en bas âge, en
particulier avant les cérémonies rituelles). Paradoxalement, ces
interdits portent sur des aliments indispensables à ces groupes (viande,
oeuf, poisson, etc.)
Il convient de remarquer que dans l'évolution
récente des habitudes alimentaires en Guinée, le riz est devenu
la céréale dominante dans les moeurs alimentaires des
populations.
Autrefois, jusqu'aux premières années
après l'indépendance du pays (1958), le régime alimentaire
était fonction de la production de chacune des quatre régions
naturelles: en Basse Guinée, l'aliment de la base était
déjà le riz, le maïs, en Moyenne Guinée,
c'était le fonio, le maïs, et le taro; en Haute Guinée,
c'était le manioc et le mil, alors qu'en Guinée
Forestière, c'était le manioc et le riz.
Le repas principal comprend deux bols de tailles
différentes: le plus grand, constituant le plat de résistance est
toujours fait de céréales (riz, maïs, fonio, mil ou sorgho,
etc.) ou de féculents (manioc, igname, etc.). Le plus petit, qui vient
accommoder le premier plat, est la sauce à base de protéines
animales (viandes, poisson, etc.) ou végétales
(niébé, arachides), de feuilles vertes (manioc, patate, etc.) et
de légumes (aubergines, citrouilles), d'huile d'arachide, de palme, de
palmiste ou de karité auxquelles sont ajoutés des condiments
(piment, sel, soumbara).
Il ressort de ce qui précède que l'alimentation
traditionnelle de l'adulte guinéen est plus ou moins
équilibrée, mais que ce qui pose problème, c'est
l'alimentation des groupes vulnérables: les jeunes enfants, les femmes
enceintes et les femmes allaitantes, les populations pauvres ou
déplacées. Ajoutons encore que les procédés de
conservation, de transformation et de préparation des aliments ne
permettent pas toujours de préserver leur qualité nutritive.
Des études menées dans différentes
régions d?Afrique ont montré que la mauvaise qualité des
aliments de suppléments expliquerait en grande partie les taux de
malnutrition relativement élevés chez les enfants (Dackam, 1981 ;
Akoto, 1993 ; UNICEF, 1998 ; Ngo Nsoa, 2001).