TiTRe II : La mise en oeuvre du principe de
pRécAuTioN Au BURKINA FASO
Le principe de précaution est l'une des innovations
normatives les plus récentes et les plus importantes du droit de
l'environnement47. Apparu dès la fin des années 80, il
jouit aujourd'hui d'une large consécration juridique, tant au plan
national qu'au plan international et apparaît comme un véritable
principe directeur du droit de l'environnement. Le principe de
précaution repose sur l'idée selon laquelle l'absence de
certitudes scientifiques sur une question donnée ne doit pas conduire
à différer l'adoption de mesures visant à prévoir,
prévenir ou atténuer les causes de la dégradation de
l'environnement et à en limiter les effets néfastes. Etant une
forme d'application plus avancée du principe de prévention, le
principe de précaution est tout entier tourné vers le futur,
compte tenu de son caractère anticipatif.
Pour un pays comme le Burkina Faso, qui a une aspiration
quotidienne au développement, il paraît important de s'interroger
sur comment mettre en cuvre le principe de précaution dans la dynamique
de développement du pays, sachant que tout est prioritaire (chapitre I).
L'évaluation de l'apport du principe de précaution dans le
développement du Burkina Faso apparaît d'autant plus
intéressante, que depuis près d'une décennie maintenant,
le Burkina Faso a fait son entrée dans les biotechnologies modernes.
Cette entrée dans les biotechnologies modernes donne un champ
d'expérimentation de la mise en ~uvre pratique du principe de
précaution au Burkina Faso (chapitre II).
47 Amidou Garané et Vincent Zakané, op.
Cit
Application du droit international au plan interne : examen de la
mise en ~uvre du principe de précaution au BURKINA FASO.
Chapitre I : principe de précaution et
développement du Burkina Faso
Le principe de précaution n'est une solution à
l'incertitude scientifique, il s'agit d'un processus interactif régulier
entre action et connaissance. Il ne s'agit pas non plus d'une règle, le
principe de précaution fournit des repères abstraits qui ne
permettent pas d'éviter de solliciter le jugement au cas par cas. Deux
bornes balisent toutefois le domaine d'application pertinente du principe de
précaution : à une extrémité, il y a l'obtention
d'une certitude sur l'existence du risque, à l'autre
extrémité il y a l'ignorance. Le principe apparaît comme
une nécessité et son application, un enjeu important pour un
développement durable (section I). Néanmoins, compte tenu de la
technicité qui entoure ce principe, des difficultés subsistent
dans son application du fait du niveau de développement du Burkina Faso
(section II).
Section I : Le rôle du principe de
précaution dans le développement du Burkina Faso
Du point de vue des pays en voie de développement, le
principe de précaution peut être considéré comme le
signe d'une invasion des pays nantis en raison de la psychose croissante qui
anime leurs populations. En outre, ce principe peut être vu comme un
instrument de protectionnisme déguisé dirigé contre les
plus pauvres. Son champ d'application est potentiellement illimité et
intéresse aussi bien l'environnement que la santé humaine. Son
intégration dans les politiques de développement apparaît
indéniable pour le Burkina Faso. Ce principe pourrait booster le
développement (paragraphe I), tout en étant un instrument de
protection des droits de l'homme (paragraphe II).
Paragraphe I : Un facteur incontournable dans le processus
de développement
Le principe de précaution révèle toute son
importance dans le développement d'un pays pauvre comme le Burkina Faso
a deux niveaux :
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SOMDA Sâabèsèlè Jean Augustin Master
DICE Limoges 2010
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mise en ~uvre du principe de précaution au BURKINA FASO.
C'est tout d'abord, un instrument permettant une prise de risques
mesurés (A) et ensuite, un facteur d'un dynamisme participatif des
différents acteurs du développement du pays (B).
A) Une prise de risque mesurée
Le principe de précaution vise à protéger la
société contre les risques inconnus ou incertains
découlant de certaines activités humaines. En effet, de
nombreuses activités humaines sont susceptibles d'engendrer des risques
même si l'état de connaissances scientifiques ne permet pas pour
le moment de les identifier avec précision, de déterminer la
probabilité de leur survenance ou encore de leur degré de
gravité. Les risques sont ici des risques soupçonnés comme
en matière de biotechnologies modernes ou en matière
nucléaire.
L'objectif du principe de précaution est de diminuer les
risques. La démarche de précaution commence par l'analyse des
risques. Le risque doit être défini, évalué et
gradué48. Ensuite il faut faire une étude comparative
des risques associés aux différends scénarii (le risque
d'agir doit être comparé au risque de ne pas agir pour relever
l'impact économique et social et vérifier les conséquences
à long terme), pour s'assurer que le remède ne soit pas pire que
le mal. Aussi, il faut éclairer toute décision prise au vu
d'analyses économiques. Enfin, il faut instituer un organisme
indépendant d'évaluation et de suivi des risques. Cette
démarche doit aboutir à des décisions possibles,
révisables avec des solutions réversibles et
proportionnées (rapport coûts/avantages).
Le principe de précaution ne constitue pas une mesure
aveugle d'inaction comme le pensent ses détracteurs. Il procède
d'un raisonnement logique et méthodique, d'une prise en compte des
risques, de l'impact de ces risques sur la société. Le principe
de précaution se met à l'avant-garde du risque que court la
société toute entière dans sa quête d'innovation et
de développement.
Le Burkina Faso doit voir en ce principe, un moyen pour lui,
d'éviter de graves erreurs dont les conséquences seront
irréversibles ou très couteuses pour l'économie nationale,
encore embryonnaire. Le principe ne prône donc pas l'inaction, mais
plutôt une action encadrée et mesurée pour plus
d'efficacité. Cela doit
48 Philippe Kourilsky, le principe de
précaution, Rapport au premier ministre, 15 octobre 1999.
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mise en ~uvre du principe de précaution au BURKINA FASO.
constituer une opportunité pour le Burkina Faso qui est
pays en construction où « tout est prioritaire »,
pour utiliser de manière raisonnable ses deniers.
Il est donc regrettable de constater que jusqu'à nos
jours, le principe de précaution reste très faiblement
appliqué dans les politiques et plans de développement (Cf. titre
I, chapitre 2, section II, paragraphe I, A.)
B) Un dynamisme participatif
Contrairement au principe de prévention qui se manifeste
comme un pouvoir matériel de l'administration, une police
administrative, le principe de précaution implique un plus grand nombre
d'acteurs. La décision de mettre en cuvre ce principe, même s'il
relève des autorités administratives, fait appel à divers
autres acteurs tels que les scientifiques, les promoteurs de l'activité,
mais aussi au public.
Les structures d'évaluation des risques doivent être
indépendantes vis-à-vis de celles dont les intérêts
pourraient se révéler incompatibles avec l'objectivité
requise pour l'expertise. Aussi, le circuit de décision et les
dispositifs sécuritaires en la matière doivent être fiables
et transparents. Enfin, en matière de précaution, une large place
est faite à l'information du public et à sa
participation49.
Il y a avec le principe de précaution une sorte de
synergie d'action nécessaire pour sa mise en ~uvre diligente. C'est un
principe permettant d'intégrer les préoccupations des divers
acteurs de la chaîne de décision. Pour le Burkina Faso, ce
processus est en cours d'installation et de plus en plus le public est
informé des actions des autorités en matière de
conservation de la diversité biologique et de protection de la
santé humaine, en témoigne de nombreux ateliers d'information des
collectivités locales sur les enjeux des biotechnologies au Burkina
Faso. Mais le processus est encore imparfait dans la mesure où les
activités intégrant le public sont essentiellement des actions de
pure information et rien d'autre. Le circuit de décision reste encore
trop centralisé, ce qui démontre une application partielle du
principe de précaution même si pour certains, ce principe
constitue un droit de l'homme.
49 Voir les dix commandements de la précaution,
Philippe Kourilsky, principe de précaution, Rapport au premier ministre,
15 octobre 1999, précité
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