Paragraphe II : En Afrique
La première consécration du principe de
précaution dans le droit africain est l'oeuvre de la convention sur la
conservation de la nature et des ressources naturelles d'Alger du 15 septembre
1968. Mais cette consécration était implicite. C'est en ce sens
que la révision de la convention d'Alger à Maputo le 11 juillet
2003 révèle tout son intérêt pour ce qui concerne la
place du principe de précaution. Cette convention révisée
prend explicitement en compte le principe de précaution.
Son article IV traitant des obligations fondamentales, dispose :
« les Parties prennent et mettent en oeuvre toutes les mesures
nécessaires pour réaliser les objectifs de la présente
Convention, notamment par des mesures de prévention et l'application du
principe de précaution, et en tenant compte des valeurs éthiques
et traditionnelles ainsi que des connaissances scientifiques dans
l'intérêt des générations présentes et
futures ».Cette consécration formelle renforce la
portée du principe en Afrique.
A la suite de la convention d'Alger il est important de noter
qu'il ressort d'une disposition de la charte africaine des droits de l'homme et
des peuples de 1981 une prise en compte implicite du principe de
précaution. En effet l'article 24 de la charte dispose que «
Tous les peuples ont droit à un environnement satisfaisant et global,
propice à leur développement ». Cette disposition,
consacrant un droit fondamental à l'environnement intègre la
nécessité de promouvoir et de protéger l'environnement
dans une dynamique de durabilité, le principe trouve donc ici
matière à application.
Des éléments essentiels du principe de
précaution se retrouvent également dans la convention de Bamako
de Janvier 1991 sur l'interdiction d'importer en Afrique des déchets
dangereux et sur le contrôle des mouvements transfrontières et la
gestion des déchets produits en Afrique25. Cette convention
intègre une prise en compte renforcée de la prévention
dans des domaines sensibles où il est nécessaire de mettre
l'accent sur les mesures de prévention et de précaution que
celles de réparation. Elle stipule que « Chaque Partie
s'efforce d'adopter et de mettre en °oeuvre, pour faire face au
problème de la pollution, des mesures de précaution qui
comportent, entre autres, l'interdiction d'évacuer dans l'environnement
des substances qui pourraient présenter des risques pour la santé
de l'homme et pour
l'environnement, sans attendre d'a
».
25 Cf. art 4 al3 (f) de la convention
16
SOMDA Sâabèsèlè Jean Augustin Master
DICE Limoges 2010
Application du droit international au plan interne : examen de la
mise en ~uvre du principe de précaution au BURKINA FASO.
Cependant, la consécration la plus récente et la
plus globale (sur le plan géographique), est celle initiée dans
le cadre de la loi type de l'Union Africaine (UA) sur la sécurité
en biotechnologie de 2001. La Loi type reconnaît le principe de
précaution comme étant un moyen de réglementer toutes les
opérations d'importation, d'utilisation en milieu confiné, de
libération ou de mise sur le marché des organismes
génétiquement modifiés ou des produits des organismes
génétiquement modifiés. La Loi type est un modèle
que l'UA a recommandé aux États membres a travers le vote de lois
nationales. Il s'agit là d'une tentative pour faciliter l'harmonisation
de la législation existante dans le secteur de la
biosécurité et assurer l'adoption de la législation
unifiée en Afrique. La Loi n'est donc pas obligatoire pour les pays, ils
sont simplement encouragés à prendre toutes dispositions
nécessaires à l'atteinte de cet objectif. Et c'est là,
toute la faiblesse de cette loi qui tombe dans la catégorie du droit
« mou ».
Au plan régional ouest africain, deux organisations
d'intégration régionale prennent en compte dans leurs
traités constitutifs des préoccupations environnementales.
S'agissant de la Communauté Economique Des Etats de l'Afrique de
l'Ouest(CEDEAO), son traité constitutif consacre de nombreuses
dispositions à la protection de l'environnement et des ressources
naturelles. Il impose aux Etats membres, l'obligation de «
protéger, préserver et améliorer l'environnement
naturel de la région et coopérer en cas de désastre
naturel » (art.29, 1) et interdit le transfert des déchets
étrangers dans la région ouest africaine. Mais comme cela semble
transparaitre, aucune disposition ne fait expressément cas du principe
de précaution comme un principe fondamental applicable de façon
autonome.
Quant au traité de l'Union Economique et Monétaire
Ouest Africain (UEMOA), il est plutôt sommaire sur les questions de
l'environnement. Il évoque l'environnement comme l'un des domaines dans
lesquels l'Union peut instituer une coordination des politiques sectorielles
par la mise en ~uvre d'actions communes et éventuellement de politiques
communes. Il faut se reporter au protocole additionnel n°2 consacré
aux politiques sectorielles de l'Union pour voir plus d'éléments
de prise
Application du droit international au plan interne : examen de la
mise en ~uvre du principe de précaution au BURKINA FASO.
en compte des préoccupations
environnementales26. C'est précisément ces actions et
politiques27 qui intègrent le principe de
précaution.
L'étude du processus de consécration du principe de
précaution au plan international et régional démontre
l'importance de ce principe dans la protection et la conservation, de
l'environnement, mais aussi de la santé humaine. Ce principe s'impose
désormais aux Etats développés mais également
à ceux qui aspirent au développement. Le Burkina Faso, pays
sous-développé n'est pas en marge des nouvelles
nécessités mondiales en matière d'environnement et de
santé publique. Pour ce faire, il ne serait pas inintéressant de
voir comment le principe de précaution a fait son entrée dans le
droit burkinabè (chapitre II).
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