Paragraphe II : Les sources souples
La doctrine considère que le principe de précaution
est apparu tout d'abord en droit allemand dans les années 1970, sous le
nom de Vorsorgeprinzip12. Cette disposition a
été très souvent interprétée comme un
principe de bon sens13, une notion civiliste d'un bon père de
famille. Cependant, au niveau international, la première reconnaissance
du principe de précaution s'est faite dans la charte mondiale de la
nature adoptée par l'assemblée générale des nations
unies le 28 octobre 1982. L'article 11, b de cette charte dispose «(...)
lorsque les effets nuisibles éventuels de ces activités ne
sont qu'imparfaitement connus, ces dernières ne devraient pas être
entreprises » ; la charte bien que n'ayant une valeur
déclaratoire, ne constituait pas moins un texte précurseur en la
matière.
A la suite de la charte mondiale de la nature, d'autres textes de
« soft law » peuvent être cités avant la
consécration plus globale de RIO 1992. Il s'agit d'une part, de la
déclaration interministérielle de la seconde conférence
sur la protection de la mer du nord de Londres 198714 ; la
déclaration ministérielle adoptée le 07 novembre 1990 par
la seconde conférence mondiale sur le climat15 ; de la
déclaration ministérielle sur le développement durable de
Bergen en mai 1990 et d'autre part, des recommandations du conseil de
l'Organisation de Coopération et Développement Economique
(O.C.D.E ) de janvier 1991 sur la prévention et le contrôle
intégré de la pollution.
12 2 Cf. : Sonja BOEHMER-CHRISTIANSEN, « The Precautionary
Principle in Germany - Enabling Government », in T. O'RIORDAN
& J. CAMERON (dir.), Interpreting the Precautionary Principle,
Earths can, 1994, pp.33-35 ; F.
EWALD e.a. Le principe de précaution, PUF, 2001,
pp.6-7
13 1 « The Precautionary principle is a statement of
commonsense », Land and Environment Court of New South
Wales, Leach v. National Park and Wild life Service
(1993) 81 LGERA 270 (Stein, J.), cité par James
14 La déclaration affirme : « les gouvernements
signataires doivent appliquer le principe de précaution,
c'est-à-dire prendre des mesures pour éviter les impacts
potentiellement dommageables des substances, même lorsqu'il n'existe pas
de preuves scientifiques de l'existence d'un lien de causalité entre les
émissions et leurs effets ».
15 137 Etats ont signé cette déclaration qui
affirme : « on ne peut attendre les certitudes des scientifiques pour
prendre dès maintenant des mesures de réduction de gaz à
effet de serre »
Application du droit international au plan interne : examen de la
mise en oeuvre du principe de précaution au BURKINA FASO.
Mais la consécration la plus originale du principe de
précaution est l'oeuvre de la déclaration de RIO. En effet, lors
de la conférence des nations unies sur l'environnement et le
développement (CNUED) de 1992, le principe de précaution a
été explicitement reconnu. Il figure en bonne place dans la
déclaration issue de cette conférence. L'article 15 de la
déclaration dispose que « pour protéger l'environnement,
des mesures de précaution doivent ~tre largement appliquées par
les Etats selon leurs capacités. En cas de risque de dommages graves ou
irréversibles, l'absence de certitude scientifique absolue ne doit pas
servir de prétexte pour remettre à plus tard l'adoption de
mesures effectives visant à prévenir la dégradation de
l'environnement ».
Le principe de précaution intègre des enjeux
économiques et financiers. Il existe des liens de plus en plus
étroits entre le commerce international et l'environnement16.
Pour ce faire, des références au principe de précaution
existent dans les accords de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC). Il
s'agit notamment des accords sur les obstacles techniques au commerce (TBT) et
des dispositions du Codex Alimentarius17.
On retrouve également des pratiques de précaution
dans l'Accord sur l'application de mesures sanitaires et phytosanitaires
(accord SPS) qui autorise clairement l'utilisation du principe de
précaution, même si ce terme n'est pas explicitement
utilisé. Bien que la règle générale soit de fonder
toute mesure sanitaire ou phytosanitaire sur des principes scientifiques et de
ne pas les maintenir sans preuves scientifiques suffisantes, une
dérogation à ces principes est prévue à l'article
5(7) qui stipule que: "Dans les cas oil les preuves scientifiques
pertinentes seront insuffisantes, un Membre pourra provisoirement adopter des
mesures sanitaires ou phytosanitaires sur la base des renseignements pertinents
disponibles, y compris
16 Cf. préambule de l'accord de l'OMC : « Les Parties
au présent accord, ... reconnaissant que leurs rapports dans le domaine
commercial et économique devraient être orientés vers le
relèvement des niveaux de vie, la réalisation du plein emploi, et
d'un niveau élevé toujours croissant du revenu réel et de
la demande effective, et l'accroissement de la production et du commerce de
marchandises et de services, tout en permettant l'utilisation optimale des
ressources mondiales conformément à l'objectif de
développement durable, en vue à la fois de protéger et de
préserver l'environnement et de renforcer les moyens d'y parvenir d'une
manière qui soit compatible avec leurs besoins et soucis respectifs
à différents niveaux de développement
économiques,... »
17 Créé en 1962 sous la double
égide de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et
l'agriculture (F.A.O.) et de l'Organisation mondiale de la santé
(O.M.S.), les normes élaborées en son sein sont adoptées
comme références scientifiques par l'O.M.C., Cf. : R. ROMI,
« Codex alimentarius : de l'ambivalence à
l'ambiguïté », RJE, XXV, 2001, pp.203-207
12
SOMDA Sâabèsèlè Jean Augustin Master
DICE Limoges 2010
Section II : Les consécrations régionales
du principe
Application du droit international au plan interne : examen de la
mise en ~uvre du principe de précaution au BURKINA FASO.
ceux qui émanent des organisations internationales
compétentes ainsi que ceux qui découlent des mesures sanitaires
ou phytosanitaires appliquées par d'autres Membres. Dans de telles
circonstances, les Membres s'efforceront d'obtenir les renseignements
additionnels nécessaires pour procéder à une
évaluation plus objective du risque et examineront en conséquence
la mesure sanitaire ou phytosanitaire dans un délai raisonnable".
Par conséquent, selon l'accord SPS, les mesures adoptées en
application du principe de précaution en cas d'insuffisance des
données scientifiques sont provisoires et impliquent que des efforts
aient lieu pour obtenir ou générer les données
scientifiques nécessaires18.
Aussi, une jurisprudence abondante fait une utilisation
multiforme du principe de précaution. On a les arrêts de la Cour
Internationale de Justice (CIJ)19, les décisions du tribunal
international du droit de la mer et celles de l'organe d'appel de
l'OMC20
Loin d'être exhaustives, les dispositions
conventionnelles et de « soft law », citées plus haut
ont contribué grandement à la consécration et à la
vulgarisation du principe de précaution dans les différentes
régions du monde.
Le principe de précaution a plusieurs facettes, il impose
des obligations de moyens et de résultats aux Etats. L'accomplissement
satisfaisant de mesures de précaution requiert donc la conjugaison des
efforts notamment sur le plan sous régional. Pour ce faire il apparait
nécessaire par une analyse des mesures juridiques et jurisprudentielles
de faire l'économie de l'état de consécration du principe
de précaution en Europe (A) puis en Afrique (B).
18 Cf. communication de la commission des communautés
européennes sur le principe de précaution, Bruxelles, 2.2.2000
COM (2000) 1 final.
19 Requête de la Nouvelle-Zélande, para.105; voir
aussi CIJ CR/95/20, pp. 20 -1, 36 -8). CIJ CR/95/20, pp. 71-2. 75. Rapports de
la CIJ, 1995. Voir aussi: Dissenting in Opinion dans Threat or Use
of Nuclear Weapons, 1996 rapports de la CIJ.
20 Cf. affaire sur les hormones dans la viande et les produits
carnés
Application du droit international au plan interne : examen de la
mise en ~uvre du principe de précaution au BURKINA FASO.
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