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Application du droit international au plan interne: examen de la mise en oeuvre du principe de précaution au Burkina Faso

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par Sà¢abèsèlè Jean Augustin SOMDA
Université de Limoges - Master II droit international et comparé de l'environnement 2009
  

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Paragraphe II : du point de vue des organisations de la société civile

Du point de vue des acteurs de la société civile, l'entrée du Burkina Faso dans les biotechnologies modernes est hasardeuse. Les dispositions sécuritaires n'étaient pas réunies et la population n'a pas été préparée à l'avènement de cette technologie. Cela dénote une non application ou une mauvaise application du principe de

précaution. Pourtant ce principe doit recevoir ici une application rigoureuse à un double titre. Ce principe constitue un droit fondamental de l'homme (B) et son application est d'autant plus importante que les perceptions des risques biotechnologiques sont inquiétantes (A).

A) Perception sur les risques biotechnologiques

Les perceptions des acteurs tels que les producteurs et les organisations de la société civile sur les risques des biotechnologies peuvent être classées en cinq groupes73 :

- les risques socio-économiques,

- les contraintes règlementaires, politiques et stratégiques,

- les risques environnementaux,

- les risques relatifs à la santé humaine ainsi que

- les considérations éthiques

Au niveau socio-économique, les risques sont liés à l'accès des producteurs aux semences. Les semences ne sont pas réutilisables, alors que leur coût d'achat au près des firmes étrangères reste élevé. Cela ne permet pas à tous les producteurs de payer ces semences à chaque campagne agricole. Notons que la majorité des producteurs du Burkina Faso ne font que des exploitations familiales et que les exploitations familiales sont le socle de la sécurité alimentaire74 dans la mesure où ces exploitants familiaux ne produisent que des céréales.

73 Secrétariat du Club du Sahel et de l'Afrique de l'Ouest (CSAO/OCDE), biotechnologie agricole et transformation de l'agriculture ouest-africaine : synthèse de la consultation régionale des acteurs ouest-africains, septembre 2006.

74 3D--Trade-Human Rights-Equitable Economy, rapport soumis au comité des droits de l'enfant, 53e groupe de travail de presession, octobre 2009.

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Au niveau règlementaire, politique et stratégique, les risques sont de deux ordres. Il y a d'une part, les risques liés aux enjeux du commerce dans la mesure se pose des problèmes de droit de brevetabilité, ce qui risque fort de mettre en

marge les acteurs locaux. D'autre part, il y a l'épineuse question de l'effectivité de l'encadrement juridique et institutionnel.

Au niveau environnemental, la contamination génétique par transfert de gènes modifiés vers des souches primaires locales, constitue une des principales craintes. Tirant les leçons des exemples concrets de contamination observées dans d'autres continents, les acteurs redoutent fortement une perte de la biodiversité, mais surtout une désorganisation de l'écosystème et la disparition à terme du patrimoine génétique locale. Aussi le transfert de gènes de résistance à certains insectes au niveau des plantes peut aussi constituer un danger pour d'autres insectes utiles non visés, dont leur destruction entraînerait un déséquilibre écologique. C'est notamment le cas des abeilles dont le rôle pollinisateur est essentiel pour la reproduction de nombreuses espèces végétales.

Au niveau de la santé humaine, les supputations sont relatives aux risques de maladies cancérigènes à long terme. Aussi des inquiétudes existent relativement aux risques pour les consommateurs de développer des résistances aux antibiotiques surtout dans un pays comme le Burkina Faso où ces médicaments sont très utilisés notamment dans le traitement du paludisme.

Au niveau de l'éthique, les préoccupations des acteurs sont relatives à la possibilité de transfert de gènes entre espèces animales, végétales et humaines. Ces considérations sont pour la plus part basées sur les religions.

D'une façon générale, les biotechnologies suscitent beaucoup de questions qui n'ont pas toujours de réponses adéquates75. Ces questions en suspens renforcent la conviction des acteurs de la société civile de l'impérieuse nécessité d'appliquer le principe de précaution, considéré par eux comme un droit de l'homme, dans les biotechnologies.

75 Exemples de quelques questions en suspens : quel est le niveau d'engagement du Burkina Faso pour assurer sa souveraineté nationale en termes de capacités scientifiques en biotechnologies ? N n'y a-t-il pas de risques de disparitions des exploitants familiaux ? Comment le Burkina Faso compte gérer le problème de droit de propriété intellectuelle ? Etc.

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B) Principe de précaution, un droit fondamental de l'homme en matière de biotechnologies modernes

Pour les détracteurs des biotechnologies modernes, cette technologie constitue une forme de colonisation. Une colonisation scientifique et culturelle. Pour eux, le niveau de développement du Burkina Faso ne lui permet pas d'être autonome dans la maîtrise de cette technologie et même s'il en avait les capacités techniques, les conventions avec les firmes étrangères de promotion des biotechnologies modernes l'en empêcherait. Le pays doit constamment se faire assister par les dépositaires de cette technologie, ce qui limite sa capacité d'opérer des choix libres. Aussi, ces biotechnologies, constituent une forme de colonisation

culturelle car elles poussent les paysans à abandonner leur méthode culturale pour essayer de s'approprier des techniques qui leurs sont complètement étrangères. Or les techniques de ces firmes sont complexes et doivent être appliquées de façon stricte pour assurer un bon rendement. Cela parait difficile compte tenu du taux élevé de l'analphabétisme au sein des producteurs. En plus des difficultés liées à la maîtrise des techniques de production, il faut ajouter la dépendance du pays vis-à-vis des firmes industrielles dans l'acquisition des semences.

Ce tableau très peu reluisant quant à l'avenir de l'agriculture burkinabè, ajouté aux incertitudes quant à l'innocuité des biotechnologies modernes et l'ensemble de ses produits dérivés sur la santé humaine et sur l'environnement, affirment avec force la nécessité d'une protection de la population à travers des mesures de précaution. La constitution du Burkina Faso énonce la nécessité de protéger l'environnement et la santé des populations. De même plusieurs textes, nationaux et internationaux en vigueur au Burkina Faso, font état du lien entre développement durable et protection de l'environnement. Le principe de précaution, consacré aussi bien par les dispositions internes que celles internationales, offre cette protection fonctionnelle de l'environnement sans compromettre les efforts de développement. Ce principe protège les intérêts des Etats pauvres notamment par le renversement partiel de la preuve, mais également permet d'instaurer à l'intérieur des Etats une démocratie participative assez dynamique.

Pour les détracteurs des OGM, ce principe est une nécessité, un droit fondamental dont la mise en cuvre ne doit être conditionnée ou opposé à de

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quelconques velléités de développement. On ne peut, au nom du développement mettre en péril la santé humaine et la diversité biologique. Cette position a été défendue par le professeur Jean Didier Zongo, président de la coalition de veille face aux OGM, lors d'une sortie médiatique contre la décision du gouvernement d'autoriser la production à grande échelle du coton transgénique76. Pour lui, la décision gouvernementale viole les lois en matière de biosécurité et il convient de tirer une sonnette d'alarme pour amener la population à prendre ses responsabilités et exiger le respect des droits conférés par les textes légaux.

Pour les acteurs de la société civile, il est claire que le principe de précaution est le principe qui peut le mieux protéger la population contre les effets néfastes des biotechnologies modernes en général et les OGM en particulier.

76 Journal l'opinion n° 472 du 25 au 31 octobre 2006.

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry