4-6 L'anthropologie :22
« Le rapport de l'individu à son corps
évolue au cours des temps, mais est indissociable du processus de
civilisation auquel on appartient. Cela émane du psychisme, du culturel,
du collectif et de l'individuel. »23
Mme G. a, elle-aussi, sa propre conception de la pudeur, selon
sa culture familiale imprimée dès son enfance, qui est un
croisement de règles culturelles et sociales. Cela lui permet de
définir ses limites par rapport à un bon ou un mauvais
comportement.
L'anthropologie tente de répondre aux questions
relatives aux évolutions culturelles par l'observation des
civilisations. Nous pouvons observer une importante divergence de comportements
selon les pays :
22 Définition Petit Larousse 2000 : science des
sociétés primitives avec organisation de concepts et de
méthodes.
23 Le Nouvel Observateur, HS n°39, Dumas (D),
1999, 98 pages.
« Le corps entier est non dénudé en
Scandinavie, pas de seins dénudés en Amérique du Nord,
plutôt les fesses dénudées que les seins au Brésil,
en Asie, un chinois ne peut se baigner sous le regard de femmes, en revanche,
les portes des WC ne portent pas de cloison, ainsi il peut faire la
conversation à ses voisins. »24
Aussi, au regard de notre situation, mon «
savoir-être » pudique auprès de Mme G devrait s'adapter
à un autre patient d'un autre continent. Peut-être que si le
patient était un asiatique, il m'aurait fallu demander à un
collègue masculin de prodiguer les soins. Ceci en vue de respecter sa
singularité, sa pudeur.
Tels les anthropologues, l'infirmière doit mettre de
côté ses propres références culturelles pour
comprendre celles des autres. Il est toutefois important pour elle,
observatrice, d'inclure dans son travail d'analyse, sa propre position : ses
affects, ses croyances ainsi que ses appartenances sociales et culturelles.
Avec cette prise de conscience, je peux mieux m'adapter
à chaque individu (patient ou collègue), à sa culture. Les
moyens dont je dispose sont : la communication avec Mme G, elle-même, si
le discours est ouvert et qu'il s'est établi une relation de confiance.
Je pouvais, en effet, explicitement demander son avis ou encore, être
attentif aux signaux exprimés par celle-ci, c'est à dire, la
communication non verbale (l'observation des comportements, l'attention).
D'autre part, la communication verbale instaurée avec
Mme G., pendant notre soin de confort, a construit un bouclier de pudeur. Comme
le révèle M. Xavier Emmanueli (SAMU social) dans son discours sur
les vertus de la communication :
« Si je veux que le contact se fasse, je suis
obligé, en tant que médecin, de livrer un peu de mon être.
Paradoxalement, il faut s'exposer personnellement, se dévoiler un peu,
pour créer des liens et, par là, réintroduire la pudeur.
Avec le temps et l'expérience, je suis moins gêné alors que
j'ai plus de pudeur. (Xavier EMMANUELI , le Nouvel Observateur, HS n°39 de
1999).25
C'est un moyen que j'ai vu appliquer tout au long de mes
stages pour faire diversion : les soignants évitent au silence de
s'installer.
Il permet d'alléger le geste, le soin et
l'atmosphère. Le voile vestimentaire retiré ne jouant plus son
rôle, il est fait appel à la parole pour tenir lieu d'écran
en bannissant un silence parfois trop pesant, pour l'un comme pour l'autre.
Ainsi, la qualité et la formation du soignant, mais
aussi la prévenance, le respect, doit enlever toute équivoque au
geste qui pourrait l'être. Il est clair, toutefois que patients ou
patientes se voient contraints de vivre des situations impudiques auxquelles
ils ne sont pas toujours préparés.
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