LA MODERATION DE LA
DEMOCRATIE MAJORITAIRE
« Dans les sociétés
traditionnelles, la faillibilité des majorités est l'un des
principes cardiaux de la gouvernance. Sa réhabilitation doit corriger la
démocratie à l'occidentale conçue comme pouvoir de la
majorité... Il ne s'agit pas d'empêcher une majorité
dégagée des urnes de gouverner, mais de séparer le pouvoir
des gouverner du pouvoir de contrôle de la gestion gouvernementale. La
majorité exerce le premier, l'opposition parlementaire le
second ».
Il s'agit là d'une véritable révolution
juridique évoluant à contre-courant de la démocratie
majoritaire. En fait, si l'on analyse objectivement la maxime
« démocratie égal pouvoir de la
majorité », on ne manque pas d'y relever une charge
métaphysique. En effet, l'échec d'un camp aux élections ne
traduit pas son rejet par la totalité du corps électoral. Il
s'agit en réalité de son élection par une partie de
l'électorat, laquelle partie n'est pas majoritaire. Le fait de
procéder classiquement en accordant au gagnant - même s'il n'a
obtenu que 51% des voix- tout le pouvoir révèle un certain
irréalisme. Si par contre l'on traduisait les résultats des urnes
en « qui gagne plus gouverne plus, qui gagne moins gouverne
moins » ou en « qui gagne plus gouverne, qui gagne moins
contrôle », l'on serait plus proche de la
réalité.
A travers une telle modération, la minorité
pourra se limiter à exercer le contrôle exclusif de l'exercice du
pouvoir par la majorité au lieu que les membres de cette majorité
le fassent concurremment avec ceux de la minorité. Les africains
pourraient ainsi éviter l'inéliminable « auto
contrôle » que constitue le contrôle du gouvernement par
les députés majoritaires d'où est issu le premier
ministre.
Il ressort des développements précédents
que l'Etat-multinational peut fournir sur un plan stratégique, un
modèle idéal - type de la reconfiguration juridique et
conceptuelle des sociétés africaines si celles-ci veulent non
seulement s'unifier autour d'une même organisation politique mais aussi
s'inscrire au pas de la marche du monde.
Néanmoins, si l'Etat multinational apparaît
adéquat à l'option de la construction d'un Etat à
l'échelle continentale africaine, une question subsiste : les
africains peuvent-ils aisément effectuer à l'heure actuelle ce
périlleux passage de l'inter étatisme qui les
caractérisent vers un supra étatisme aussi révolutionnaire
que l'Etat multinational ?
Répondre à cette question revient à
mettre en épreuve l'hypothèse de la construction de l'Etat.
Aussi, réservons-nous le chapitre suivant à l'analyse objective
des enjeux actuels d'une telle entreprise.
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