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Les contraintes de l'action humanitaire dans les situations de conflits armés: cas de la Côte d'Ivoire

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par Trazié Gabriel LOROUX BI
Université de Cocody- Abidjan - Diplôme d'études supérieures spécialisées en droits de l'homme 2006
  

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B : L'ingérence humanitaire et la souveraineté de

l'Etat

L'expression « droit » ou « devoir d'ingérence » à laquelle on a rapidement accolé le qualificatif d'humanitaire, est apparue à la fin des années 80 sous la plume de Mario Bettati, professeur de droit international public à l'Université Paris II, et de Bernard Kouchner, homme politique français qui fut l'un des fondateurs de Médecins sans frontières. Ils voulaient s'opposer, selon l'expression du second, à la théorie archaïque de la souveraineté ou de l'égalité souveraine des Etats, sacralisée en protection des massacres.

La formule de devoir d'ingérence se veut provocatrice, suggérant que la souveraineté des Etats, principe sacro-saint de l'ordre international, se trouve subordonnée à l'impératif de solidarité entre les hommes, celle-ci justifiant, dans des cas graves « l'ingérence », c'est-à-dire l'intervention extérieure pour aider les victimes. Pour les défenseurs soucieux de la souveraineté étatique, le mot ingérence est inacceptable, conférant à une hypothétique communauté internationale, le droit d'agir à l'intérieur des Etats ; il ne saurait y avoir une assistance, que si celle-ci réclame l'accord de l'Etat concerné.

Dans la crise ivoirienne, « l'ingérence politique » a été facteur de blocage du processus de paix. Le chef de l'Etat, dans ses nombreuses adresses à la nation s'est toujours opposé aux résolutions du Conseil de sécurité qui selon lui entament la souveraineté de l'Etat. La Constitution reste la seule boussole de l'Etat. La question devient de savoir s'il est légitime d'intervenir au sein d'un Etat sans son consentement ? La communauté ne serait-elle pas une fiction, sous le masque de laquelle se dissimulent les plus puissants ?

Au delà de cette vision de l'ingérence qui n'accuse que les pays puissants qui en sont pour la plupart les auteurs, serait il humain de fermer les yeux sur une telle action au nom d'un « prétendu droit souverain » ?

Un Etat, « est-il en droit d'espérer le respect absolu de la communauté internationale, sil ternit la belle idée de souveraineté en en faisant ouvertement un usage que la conscience universelle et que le droit reprouve » ? Pour le Secrétaire général des Nations unies Boutros Ghali, « lorsque la souveraineté devient l'ultime argument invoqué par les régimes autoritaires pour porter atteinte aux droits et libertés des hommes, des femmes, des enfants à l'abri des regards alors .... cette souveraineté là est déjà condamnée par l'histoire181(*) ».

Autrement dit la question récurrente aujourd'hui reste de savoir si un Etat peut se cacher derrière sa souveraineté pour violer impunément les droits de l'Homme ?

Le Secrétaire général Boutros, estime qu'aujourd'hui « les droits de l'Homme, pensées à l'échelle universelle nous confrontent à la dialectique la plus exigeante qui soit : la dialectique de l'identité et de l'altérité, du moi et de l'autre. Ils nous enseignent sans détour que nous sommes tout à la fois identiques et différents ... les droits de l'Hommes constituent le langage commun de l'humanité grâce auquel tous les peuples peuvent, dans le même temps, comprendre les autres et écrire leurs propres histoires ».

Au regard de ce qui a été évoqué, la Côte d'ivoire peut-elle faire fi de tous ces principes et se cacher derrière sa souveraineté pour violer impunément les droits des ivoiriens?

Pour le professeur Monique Chemillier-Gendreau, « l'expression ingérence humanitaire tente de manier deux termes dont le premier est marqué d'une connotation négative et le second d'une charge très positive accentuée par un fort effet de mode dû au soutien médiatique. Le tout forme un assemblage indéfrichable du point de vue conceptuel, une aberration du point de vue juridique et sans doute une des plus importante opération idéologique de notre époque ». Ce point de vue n'est pas erroné dans la mesure où le terrain de la pratique dresse le lit d'un cafouillage ou l'intention première de l'action se trouve dévoyée182(*), quand bien même la définition de l'action reste d'une clarté limpide.

Charles Rousseau définit l'intervention humanitaire, comme étant l'action exercée par un Etat contre un gouvernement étranger « dans le but de faire cesser les traitements contraires aux lois de l'humanité qu'il applique à ses propres ressortissants »183(*). L'objectif du droit d'assistance humanitaire est de dépasser le principe d'ingérence sans pour autant remettre en cause la souveraineté de l'Etat184(*).C'est bien dans cet esprit que Mario Bettati pense, qu'il s'agit « d'aménager un nouvel espace juridique où se trouverait indissolublement liés la légitimation de l'intervention humanitaire et le principe fondamental de l'indépendance et de la non soumission de l'Etat à l'égard de l'extérieur185(*). Or il est pratiquement impossible de séparer les mobiles humains de l'intervention des mobiles politiques puisque la décision d'intervention est politique. L'inquiétude est fondée quand l'auteur de l'ingérence s'avère indigne de cette mission en contrevenant aux principes fondamentaux de la Charte des Nations unies, et lorsque loin d'être les protecteurs de la personne humaine il en devient le bourreau. La réalité aujourd'hui des opérations de maintien de la paix, quand bien même, elles se font avec l'accord de l'Etat, la pratique montre quelles s'inscrivent toujours en marge du respect de la souveraineté de l'Etat d'accueil. Ce dérapage jette un discrédit sur le bien fondé de l'action et sur l'intention de l'auteur au point de le qualifier d'envahisseur, comme les soldats de la Licorne en ont eu la réputation ternie.

* 181 Extrait du Discours du Secrétaire général des Nations unies, M. Boutros Boutros-Ghali, prononcé à l'ouverture de la conférence mondiale sur les droits de l'Homme, Vienne, 14 juin 1993

* 182 Le disant, nous faisons référence à ce qui se passe au Tchad avec l'ONG Arche de Zoé qui, sous le couvert de l'humanitaire a procéder à l'enlèvement de 103 enfants tchadien destinés à l'adoption en France par certaines familles et cela sans autorisation de l'Etat tchadien alors que l'ONG n'est pas une structure d'adoption.

* 183 Rousseau C, Droit international public, Sirey, 1980, tome IV, p49

* 184 Le droit d'ingérence humanitaire, mémoire de DEA présenté par TSAGARIS Koustantinos, à l'Université de Lille II septembre 2001, p 17

* 185 BETTATI Mario, le droit d'ingerence. Mutation de l'ordre international, Paris, Editons Odile Jacob, mars 1996, p9

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