Les contraintes de l'action humanitaire dans les situations de conflits armés: cas de la Côte d'Ivoire( Télécharger le fichier original )par Trazié Gabriel LOROUX BI Université de Cocody- Abidjan - Diplôme d'études supérieures spécialisées en droits de l'homme 2006 |
B : L'utilisation de certaines ONG à des finspolitiquesSi le manque de moyens financiers peut porter et porte certainement d'ailleurs atteinte à l'efficacité des ONG, par contre on peut craindre que le financement de leurs activités par des organismes internationaux ou même de l'Etat soit de nature à entamer leur objectivité, leur neutralité et leur impartialité. En effet, les ONG du sud, les ONG africaines ou les ONG locales se créent sans véritable projet. Elles naissent d'un élan du coeur, d'une réaction face à un symptôme, sans stratégie à long terme. Ensuite, elles n'ont d'autres soucis que leur simple survie. D'où, trop souvent, cette course effrénée aux «partenaires». Sollicités, les bailleurs ou « partenaires » débarquent avec des programmes «prêts-à-porter», confectionnés dans leurs grands bureaux climatisés de Londres, Paris, Washington, ou Bruxelles, avec des critères d'éligibilité et des conditionnalités prédéterminées. En effet, l'aide internationale obtenue dans ces conditions les lie totalement. Elles se sentiront alors tenues d'analyser les situations de sorte à rester dans les grâces de ces structures et bénéficier de leurs largesses, toute chose qui serait préjudiciable à l'émergence de la vérité et donc à une meilleure jouissance et protection des droits humains. Elles se trouvent alors en train d `exécuter toute la politique du bailleur de fonds sans véritable marge de manoeuvre. C'est le registre dans lequel évoluent les ONG ivoiriennes. Au plan interne, les ONG ne jouissent pas d'une bonne réputation. L'opinion publique les associe aux différents partis politiques. La LIDHO est associée au FPI parti au pouvoir parce que son fondateur Dégni-Ségui en est membre. Le MIDH est associé au RDR parti d'opposition, principal adversaire du FPI. Tous leurs actes, ainsi que ceux de leurs alliés ONG sont vus dans le sens de faire plaisir à leurs différents parrains politiques. La Cellule Solidarité et action humanitaire a voulu, pour une meilleure couverture du pays entier associer les ONG ivoiriennes à son entreprise en leur indiquant ce qu'il fallait faire. Cette proposition s'est soldée par un échec parce qu'un nombre d'entre elles a vu en ce geste l'achat de leur silence, une ingérence des politiques de l'Etat dans leurs activités qui exigent la neutralité. Cela dit, cette utilisation des ONG à des fins politiques constitue une entrave à l'action humanitaire, dans la mesure ou au lieu de servir la cause des populations en danger, les ONG ne font que satisfaire aux exigences de leurs parrains. L'actualité du moment illustre très bien la dérive de la pratique humanitaire et les effets pervers de sa politisation. Quand bien même l'exemple n'est pas ivoirien, il convient tout de même de le relever. En effet, le 25 octobre 2007 l'Arche de Zoé, une ONG humanitaire française, par une opération baptisée « Children Rescue », a voulu exfiltrer 103 enfants de l'est du Tchad. Elle a été arrêtée par les autorités tchadiennes au motif que cette ONG évoluait dans l'illégalité et faisait un commerce d'enfant. Des informations, il ressort que l'exfiltration était motivée par une adoption de ces enfants par des familles en France. Ce que les autorités françaises, par le biais du Président Nicolas Sarkozy, avaient qualifié d' « illégale et inacceptable ». Quel était le but réel de cette ONG ? On peut imaginer parfois ce que certaines ONG douteuses, perverses peuvent faire sous le couvert de l'humanitaire tant que leurs jeux pervers n'ont pas encore été découverts. La tournure politique que prend cette affaire donne de s'inquiéter. La caution que les autorités françaises apportent à cette affaire, inquiète toute la communauté du « sud ». Bien qu'ayant qualifié ces opérations d'« illégale et inacceptable », les autorités françaises se refusent à l'idée que leurs compatriotes soient jugés au Tchad. Le ministre des affaires extérieures, Bernard Kouchner ancien directeur de MSF et auteur de l'ingérence humanitaire, est l'un des défenseurs de cette thèse. Sa déclaration choquante sur RFI exprime mieux sa pensée : « on ne peut pas considérer que le Tchad existe dans sa justice »169(*). Serait ce le sens qu'il a voulu donné à « l'ingérence humanitaire » ? Après une pression sur le Tchad pour libérer les journalistes juste avant qu'il n'atterrisse, Le Président Sarkozy boucle la boucle par cette phrase : « j'irai à nouveau chercher les français au Tchad quoi qu'ils aient fait ». Comme quoi ces ONG du nord sont les paravents des politiques et n'ont aucunement peur de poser des actes amoraux puisqu'elles ont leurs soutiens. A partir de ces faits, on peut aisément deviner la teinture des rapports entre ces ONG du nord et celles du sud et surtout l'impact que cela a sur l'action humanitaire. * 169 Cette déclaration a donné lieu à un débat sur la radio RFI dans émission du 06 novembre 2007 à 8h45. |
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