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Les contraintes de l'action humanitaire dans les situations de conflits armés: cas de la Côte d'Ivoire

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par Trazié Gabriel LOROUX BI
Université de Cocody- Abidjan - Diplôme d'études supérieures spécialisées en droits de l'homme 2006
  

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Paragraphe 2 : L'impunité en train de devenir une norme en Côte

d'Ivoire

La réalité sociale ivoirienne est l'une des plus ahurissantes dans la mesure elle a érigé l'impunité en principe et la justice en dérogation. Ainsi donc, les entraves à la répression nationale des manquements aux principes humanitaires ont pour indice de référence cette impunité au nom de laquelle certaines autorités politiques et militaires se croient au dessus de la loi. La généralisation de la corruption (A) est perceptible à travers les enquêtes qui pour la majorité, sont sans suite (B).

A : La généralisation de la corruption

La corruption est donnée comme une altération de ce qui est sain et honnête, le fait d'être détourné de son devoir par acceptation frauduleuse d'une récompense quelconque. Cette orientation malsaine du devoir a pour conséquence que les droits de l'Homme courent le grand danger permanent d'être violés impunément par leurs auteurs sans une quelconque crainte de la justice tant elle corrompue. La justice ivoirienne semble en être le lieu de prédilection. C'est du moins ce qui ressort du rapport de l'ONU CI (division Etat de Droit) de juin 2007 sur le système judiciaire en Côte d'Ivoire. Françoise Simard, chef de l'Unité Etat de Droit de l'ONU CI a été sans détour, pour elle la corruption gangrène tout le système judiciaire. Aux ordres du pouvoir exécutif66(*), la justice reste une institution fortement marquée par la corruption. L'analyse claire du système selon elle, montre que «dans le milieu judiciaire, la corruption peut prendre différentes formes, selon ce qui a été rapporté par de nombreux acteurs judiciaires (magistrats, greffiers, avocats, membres d'ONG, etc.). La forme de corruption à laquelle l'on pense immédiatement est le versement de sommes d'argent par les justiciables aux magistrats (procureurs et substituts, juges d'instruction et magistrats du siège). Ces sommes peuvent être spontanément proposées par les justiciables ou être sollicitées par les magistrats, dans le but par exemple, d'obtenir une décision favorable, la rédaction ou la délivrance rapide d'une décision ou une libération provisoire ». Selon le rapport, la plupart du temps, les magistrats interrogés expliquent que le phénomène est très répandu mais qu'il ne les touche pas personnellement. A mots couverts, ils mentionnent tout de même qu'il faut être d'une moralité au-dessus de la moyenne pour refuser des dessous-de-table importants dans des affaires dont les enjeux économiques peuvent être considérables (des dizaines de millions de FCFA), alors qu'ils ont eux-mêmes du mal à couvrir leurs charges mensuelles et que le montant de leur future pension est très bas. Les tentations sont importantes et multiples et il est d'autant plus facile d'y succomber que les risques encourus sont très limités : les dénonciations de ce type de comportement sont rares ou mal étayées et les organes de contrôle (hiérarchie, Inspection générale des services judiciaires et Conseil supérieur de la magistrature) sont largement défaillants. Cet état de fait donne libre court à de telle pratique au point que les magistrats vont jusqu'à avouer explicitement que si une partie à un procès, en plus d'avoir manifestement le droit de son côté, leur proposait de l'argent, ils n'auraient aucun complexe à accepter la somme offerte. A vrai dire il est moins aisé de cumuler ces deux valeurs de dignité et de loyauté si l'on éprouve des difficultés à faire face à des besoins élémentaires de la vie courante. Cependant les acteurs de la justice qui se laisseraient habiter par un esprit de prévarication devraient se rappeler le caractère sacerdotal de leur mission et avoir le supplément d'âme nécessaire pour résister à la tentation de la corruption. L'ampleur du phénomène est inimaginable et cela revient dans tous les rapports et de la façon la plus déshonorante possible. Selon le rapport 2006 de Transparency International, la Côte d'Ivoire serait le neuvième pays le plus corrompu au monde, ex aequo avec 5 autres pays d'Asie et d'Afrique, et le sixième pays le plus corrompu en Afrique derrière la Guinée, le Soudan, la RDC, le Tchad et la Guinée Equatoriale. La corruption est tellement ancrée dans les habitudes des ivoiriens au travers de leur système judiciaire que si ce n'est pas les feuilletons judiciaires67(*) qui entachent la sérénité des justiciables, ce sont les autorités pénitentiaires qui procèdent à l'évasion68(*) des bandits. C'est à juste titre que Human Rights Watch dans son rapport du 21 décembre 2005sur le conflit ivoirien, jette de sérieux doutes sur la volonté et la capacité des tribunaux nationaux ivoiriens à poursuivre les graves crimes internationaux perpétrés depuis 1999. Il en est de même pour les crimes des événements du 11 septembre 2002 dans lesquels les politiques, les soldats leurs commandants sont impliqués. Par cela seul, l'impunité se trouve honorée. Peter Takirambudde, directeur exécutif à la Division Afrique Human Rights Watch, n'exagère pas quand il affirme « qu'en Côte d'Ivoire, l'impunité est à l'ordre du jour. Tant les forces gouvernementales que les factions rebelles ont tué des centaines de civils depuis le coup d'Etat de 1999 mais aucun des deux camps n'a pris de mesures pour punir les responsables69(*)». Les processus internationaux de sanction qui ont été mis en attente dans l'intérêt du processus de la paix semblent avoir facilité des violations graves et répétées des droits humains commises par toutes les parties. Le système judiciaire, attendu pour faire la lumière sur certaines situations de violations des droits de l'Homme, semble à son tour piétiner avec des enquêtes qui restent pour la plupart inachevées.

* 66 Le Président de la République (exécutif) préside le conseil supérieur de la magistrature, il nomme les magistrats le budget du conseil dépend de l'exécutif. Jusqu'en 2000 (constitution de 1960) on parlait de autorité judiciaire ce que la constitution de 2000 a corriger en employant pouvoir judiciaire.

* 67 L'affaire Sébastien Zéhi Sébastien contre la poste de Côte d'Ivoire qui a deffrayé la chronique toute l'année 2006 et 2007

* 68 Kohon Landry in Fraternité Matin n°12795 du 03 juillet 2007 p5 : « l'infirmier major Ouattara Kimon J. et le surveillant Palé de la Maison d'Arrêt et de Correction d'Abidjan (MACA) ont en échange de 50 millions de francs CFA, ont fait évadé 4 Srilankais condamnés par la justice ivoirienne pour malversation»

* 69 Ce développement a été tiré du discour de Peter Takirambudde, directeur exécutif à la Division Afrique Human Rights Watch à New York, le 7 octobre 2004 à l'occasion d'un forum sur la Côte d'Ivoire.

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe