b. Etablir un diagnostic de croissance
spécifique
Au sens strict, la croissance ne s'intéresse
qu'à la production, et a une action de long terme sur le niveau de vie.
Au sens large, elle correspond au développement économique et
englobe la notion de progrès technologique, à savoir l'apparition
de nouveaux produits ou moyens de production, eux-mêmes issus du
potentiel humain et des capitaux investis à long terme. Le contenu de la
croissance économique n'est donc pas un simple accroissement des volumes
produits, mais aussi l'effet de l'innovation.
Dans ce sens, Sala-i-Martin tente de démontrer
par régression linéaire que les déterminants de la
croissance sont multiples. Son étude révèle tout d'abord
que le niveau initial de croissance est une variable robuste (hypothèse
de convergence conditionnelle : plus un pays est riche, moins il croît
rapidement). Elle montre ensuite que l'ouverture économique de
même que la qualité institutionnelle sont des facteurs
décisifs en faveur de la croissance.
L'étude montre enfin que le poids du
gouvernement (administration et secteur public) a peu d'importance, alors que
la qualité des politiques est déterminante. Les gouvernements qui
sont à l'origine de situations d'hyperinflation, de distorsion des taux
de change, de déficit excessif ou de bureaucratie lourde, ont de
très mauvais résultats en termes de croissance (Sala-i-Martin
[1997]).
L'article << Growth diagnostic »
(Hausmann et al. [2005]) retrace l'expérience de croissance
économique des quinze dernières années et conclut à
l'existence d'une forte corrélation entre les caractéristiques
spécifiques des pays et l'impact des réformes sur la croissance.
Alors qu'une politique peut produire des << miracles » dans une zone
en particulier, elle peut s'avérer totalement inefficiente, voire
néfaste, dans une autre région. Bien que l'on s'accorde à
dire que les réformes standard (Consensus de Washington) ont du
potentiel pour promouvoir la croissance, leur mise en pratique dépend
fortement des caractéristiques des pays. L'idée est de
développer un cadre homogène pour analyser la croissance et
formuler des stratégies opérationnelles.
On admet tout d'abord que le développement est
un concept entraînant l'amélioration des compétences. Par
conséquent, les stratégies de réforme doivent être
exclusivement tournées vers l'augmentation des taux de croissance (moyen
le plus direct pour atteindre des performances satisfaisantes sur les
indicateurs sociaux et humains). On suppose ensuite que les stratégies
de croissance dépendent des opportunités et contraintes internes.
Il existe bien entendu des critères de base comme l'impartialité
du système légal, l'efficience du marché, la
fiabilité de la politique monétaire et la soutenabilité
des finances publiques, mais l'élaboration d'un programme commun
à tous les pays, indépendamment de leurs caractéristiques
spécifiques, est peu productive. L'application de principes sous forme
de politiques opérationnelles exige donc une connaissance parfaite des
spécificités du pays concerné par la
réforme.
Cette démarche est fondée sur une
approche standard de la théorie du << second best »
initiée en 1956 par Lipsey et Lancaster. Il s'agit principalement
d'avoir une meilleure compréhension des contraintes entravant
l'activité économique propre à chaque pays. A partir de
là, il est essentiel de déterminer les priorités d'une
politique sans perdre de vue que son efficacité ne tient pas au nombre
de directives imposées. Il est inutile de proposer une liste exhaustive
de réformes, sachant pertinemment qu'elle ne pourra être
entièrement respectée, notamment en raison des contraintes
administratives et politiques que du pays. L'idée est de travailler dans
le sens de l'allègement de ces contraintes.
L'objectif du diagnostic engagé par Rodrik est
de définir une stratégie de croissance, en partant d'une approche
inverse, à savoir l'identification des contraintes susceptibles de
ralentir la dynamique de croissance. La méthodologie utilisée
pour ce faire est l'arbre de décision. Il s'agit de mettre au point une
arborescence où chaque noeud symbolise les choix qui s'offrent au
décideur (options ou alternatives) et chaque branche représente
l'impact de ces choix. En somme, l'idée est de définir une
hiérarchie des priorités pour aider à l'élaboration
d'une stratégie. L'avantage de cette structure est qu'elle englobe les
stratégies principales de développement et met en exergue les
circonstances qui favorisent leur efficacité (cf.
encadré 1).
Encadré 1 : Diagnostic de croissance par
l'arborescence de Rodrik
Source : Hausmann et al. [2005], p.
27.
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Croissance faible
Asymétrie de l'information
Problème de coordination
des politiques
Rendement de
l 'activité économique
insuffisant
Inadéquation du cadre des af faires
Carences sur le marché financier
international
Bénéfice
social insuffisant
Problème de
localisation Problème de main - d'oeuvre
Problème d'infrastructure
Inefficacité du gouvernement
Inefficience u d marché
Coût
de financement élevé
Micro - r isque (droits de propriété,
corruption, taxes)
Macro - r isque
(instabilité des systèmes monétaire,
fiscal et financier)
Epargne domestique insuffisante
Intermédiation financière
insuffisante
Carences sur le marché financier local
Les stratégies fondées sur la
mobilisation de ressources par l'aide financière internationale et
l'épargne domestique sont rentables à condition que les retours
sur investissement soient suffisants. Les stratégies axées sur la
libéralisation des marchés et l'ouverture sont efficaces si les
bénéfices sociaux sont élevés et
équitablement répartis par un système fiscal de
qualité. Enfin, les stratégies s'appuyant sur une politique
industrielle sont souhaitables lorsque les retours sur investissements
privés sont bloqués par des restrictions imposées par
l'Etat. En somme, il apparaît que la mise en place d'une stratégie
de développement à travers un plan d'action est plus efficace
qu'une approche par l'imposition d'innombrables règles institutionnelles
ou de gouvernance.
Aujourd'hui, les organismes internationaux commencent
à reconnaître qu'il ne suffit pas d'insuffler de
l'extérieur une dynamique de développement, et encore moins
d'appliquer ce qui a fonctionné préalablement au sein des pays
industrialisés à des économies émergentes. Il ne
suffit pas d'injecter des fonds d'aide au développement ou d'octroyer
des crédits qui, au final, ne font que retarder certains effets et
enliser les pays bénéficiaires dans une spirale d'endettement.
Cette conception est induite par le Consensus de Washington et tend à
considérer les PVD comme les destinataires passifs de programmes de
développement. A ce sujet, l'économiste Stieglitz reproche au FMI
la manière dont il a géré la crise asiatique et la
transition en Russie (Naim [2000], p. 20).
Les nouvelles préoccupations de l'opinion
internationale concernant la réduction de la pauvreté et le
renforcement de l'appui aux pays à faible revenu ont suscité un
engouement sans précédent de la part des organismes mondiaux.
Dès septembre 2005, l'ONU a mis en oeuvre la déclaration du
millénaire pour le développement. De son côté, le
FMI a entrepris une réévaluation complète de son
engagement envers les économies à faible revenu. La
stabilité macroéconomique et financière a
été définie comme une condition décisive de la
croissance et de la réduction de la pauvreté. Les efforts
accomplis par le FMI ont aussi porté sur ses rapports avec les
autorités nationales, la société civile et les autres
partenaires de développement (FMI [2005]).
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