3. Un bilan mitigé pour le partenariat
euro-méditerranéen
Dix ans après la mise en place de la
Déclaration de Barcelone, le résultat a été pour le
moins nuancé, à la fois déséquilibré et peu
concluant sur le fond. A l'heure du bilan (novembre 2005), l'avenir du
partenariat euro-méditerranéen paraissait incertain et
l'évolution interne de l'UE laisse augurer une remise en question,
tandis que les ambitions américaines se précisaient dans la
région. En 2005, la trame des accords d'association était
quasi-complète, à savoir que neuf des dix pays partenaires
étaient liés à l'UE par un accord de libre-échange
et les négociations avec la Syrie, dernier pays à rejoindre le
bloc euro-méditerranéen, étaient pratiquement
achevées. Cependant, cet ensemble d'accords a été
finalisé de façon très progressive et leur mise en oeuvre
n'a débuté que dans cinq pays (Israël, Maroc, Jordanie,
Palestine, Tunisie).
Le projet de sécurité collective
prévu dans le cadre du premier volet de la Déclaration de
Barcelone s'est rapidement heurté à la dégradation des
relations israélo-arabes, freinant toute tentative de dialogue.
Rappelons toutefois que le partenariat euroméditerranéen reste
à ce jour le seul cadre multilatéral où Israéliens
et Palestiniens, Syriens et Libanais acceptent de cohabiter. Il s'agit d'un
atout politique d'autant plus précieux pour la région que les
tensions internationales renaissantes ont favorisé la coopération
dans la lutte contre le terrorisme et le déblocage de certains dossiers
sensibles. En effet, les évènements du 11 septembre 2001 ont
remis au goût du jour les analyses sur l'imminence d'un choc de
civilisation. Dans cet intérêt, la fondation
euroméditerranéenne pour le dialogue entre les cultures a
été créée en avril 2005 pour promouvoir une
meilleure compréhension entre les rives Nord et Sud de
Méditerranée. Elle a vivement contribué à
l'implication de la société civile dans les arcanes du
partenariat. A titre d'exemple, une plateforme
euro-méditerranéenne des ONG a été
créée en 2004 pour lui assurer une représentation
adéquate auprès des institutions de Barcelone.
Sur le second volet du partenariat, force est de
constater que les inégalités de traitement entre les
différents secteurs des deux rives de la Méditerranée ont
entravé la perspective d'harmonisation de la division du travail. En
effet, si le partenariat a permis de garantir un libre-échange total
pour les produits industriels, il s'est montré plus restrictif en ce qui
concerne les produits agricoles et les services (secteurs dans lesquels les
pays européens craignent l'émergence d'une concurrence massive).
En parallèle, il s'est avéré que les pays du Sud ont
été mal préparés à affronter le choc de
l'ouverture, vu la fragilité de leur tissu industriel et l'insuffisance
des flux d'investissements destinés à compenser les efforts de
mise à niveau des structures budgétaires. Le partenariat a fini
par créer une dépendance économique accrue des PM
vis-à-vis de l'UE, sans qu'il soit réellement possible d'en
présumer les effets à long terme.
Pour ce qui est du troisième volet de
Barcelone, nous avons pu observer un vif intérêt pour
l'implication de la société civile. A titre d'exemple, un forum
euro-méditerranéen des syndicats été
créé pour mettre au point des formations en matière de
droit social. Depuis 1995, sept forums civils ont eu lieu, dont une
Assemblée constitutive des représentants de la
société civile issus des trente-cinq pays
euro-méditerranéens (Luxembourg, avril 2005). Cette
réunion, appuyée et financée par la Commission
européenne, a permis l'adoption d'une Charte de valeurs visant la
création d'une plate-forme de dialogue entre les gouvernements et la
société civile. De même, Euromed Heritage
a participé à la préservation et au développement
du patrimoine culturel, Euromed Jeunesse a appuyé la
construction d'une plate-forme d'associations pour la jeunesse, et Euromed
Audiovisuel a permis de promouvoir la coopération dans le secteur
audiovisuel. Des facilités budgétaires ont également
été mises en place, notamment au Maroc, en Jordanie, en Egypte et
en Tunisie pour développer le secteur de l'éducation.
En dépit de l'ensemble de ces
améliorations, il subsiste encore quelques carences sur la question des
inégalité hommes / femmes et sur la thématique migratoire,
les Européens souhaitant essentiellement obtenir des PM qu'ils
participent à la maîtrise des flux clandestins.
Par ailleurs, la structuration d'un islamisme que les
autorités politiques hésitent toujours à juguler domine
encore le volet social euro-méditerranéen. En effet, le
mécanisme de démocratisation censé découler du
partenariat n'a pas fonctionné correctement, et le niveau de
démocratie, au sens occidental du terme, a été
particulièrement bas dans le monde arabe. Néanmoins, quelques
changements ont commencé à se faire sentir, notamment à
travers l'organisation des élections présidentielles en Palestine
et l'adoption d'un pluralisme politique en Egypte. Le débat
démocratique et la liberté d'expression se sont répandus
grâce aux médias (chaînes télévisées et
presse écrite). Le développement des nouvelles technologies de
l'information et de la communication, notamment Internet, y a fortement
contribué.
Enfin, pour parachever la zone de libre-échange
régionale, il est essentiel que les PM signent des accords entre eux.
Or, cet objectif se heurte jusqu'à présent à de nombreux
obstacles, tant techniques que politiques. A titre d'exemple, l'Union du
Maghreb arabe, décidée en 1989, n'a jamais réellement vu
le jour, le contentieux entre le Maroc et l'Algérie concernant le Sahara
Occidental n'arrangeant en rien la situation. Entre ces deux pays, la
frontière terrestre est longtemps restée fermée et la
procédure de visas vient tout juste d'être
levée.
|