b. Conditions initiales de transition et enjeux de
l'élargissement
Etudier les bases de la transition revient à
identifier les thèmes abordés lors de la mise en place des
réformes et permet, en l'occurrence, de disposer des concepts utiles au
choix des critères. La mise en place des réformes suppose
l'existence d'un marché pour les transactions commerciales
(échange des biens) et la circulation des facteurs (investissement et
main-d'oeuvre). En suivant ce raisonnement, il semble que le processus de
transition requiert cinq conditions que nous avons qualifiées de
critères traditionnels, par opposition aux nouveaux critères
relevant du contexte actuel de globalisation (cf. encadré
37).
Le premier critère a trait au système de
prix qui doit être flexible et orienté par les mécanismes
d'élasticité. En effet, les prix doivent jouer leur
véritable rôle et refléter les tendances effectives du
marché (sensibilité de l'offre et de la demande aux variations
des prix). Dans ce sens, le système subventionnel fort coûteux
à l'Etat et assurant le maintien artificiel de prix bas est
sous-optimal.
Le second critère relève de la
libéralisation des mouvements de capitaux. L'organisation d'un
réseau bancaire décentralisé est une étape
incontournable dans la mise en place d'un marché financier. Toutefois,
l'initiative de création d'une bourse de valeur est confrontée
à l'insuffisance des sources de financement. C'est pourquoi
l'amélioration de l'attractivité des marchés
émergents est une priorité.
Le troisième critère est lié
à la libéralisation des échanges. L'ouverture du commerce
extérieur passe par la réduction des barrières aux
échanges sans pour autant créer de dépendance. Une
internationalisation est certes essentielle, mais elle doit être
maîtrisée. La réforme fiscale doit être encourageante
pour les entreprises et les instruments de politique économique doivent
favoriser l'équilibre budgétaire.
Le quatrième critère relève de la
structure de marché. Lorsque le processus d'ouverture évolue dans
un environnement non concurrentiel, la flexibilité des prix peut avoir
des effets pervers (hausse artificielle des prix, sans augmentation effective
de l'offre). Par conséquent, la rigidité imposée par les
monopoles doit laisser place à la libre concurrence.
Le cinquième et dernier critère concerne
la privatisation. Le démantèlement des monopoles doit se faire au
profit du secteur privé. Rappelons toutefois que l'ouverture du capital
des entreprises étatiques est plus complexe et relève de la
souveraineté nationale, notamment lorsque les acquéreurs sont
étrangers. Il faut donc aller progressivement vers un mode de
privatisation axé sur un véritable droit de
propriété.
Encadré 37 : Critères
traditionnels de transition
Transition = Intégrer l'économie de
marché
Promotion de la libre concurrence (fermeture des
entreprises non rentables)
Privatisation des entreprises (contrôle du
marché parallèle)
Redéfinition du rôle de l'Etat
(.L corruption)
Structure
concurrentielle (démantèlement des monopoles)
Epurement des systèmes financier et
bancaire (décentralisation bancaire et création de
marchés boursiers)
Libéralisation du marché des
capitaux (réforme des mouvements de capitaux)
Inflation galopante ou hyperinflation
(1' artificielle des prix sans une
1' de l'offre)
Libéralisation des prix (réduction des
subventions)
Libéralisation des échanges (politique
commerciale moins rigide)
U
Ouverture au commerce international
(.L barrières aux
échanges)
Source : Barriquand [1996], thème
3.
Il est à noter que les critères
précédents ont été définis à partir
d'une démarche critique des systèmes centralement
planifiés. Ils relèvent globalement du redressement
économique et sont, par conséquent, très limités.
Aux côtés des facteurs traditionnels de stabilisation
macroéconomique, il est essentiel d'introduire d'autres critères
inhérents au cadre institutionnel. L'objectif est de cerner les enjeux
des politiques économiques en vigueur pour définir de nouveaux
indicateurs. A cet effet, la transition doit aboutir à un environnement
attractif régi en toute transparence par des institutions de
qualité (cadre légal et pratique des affaires). C'est ce qui a
permis aux PECO de converger vers les standards européens : ils ont
saisi l'opportunité de leur transition pour aller dans le sens de
l'élargissement. Une fois cet objectif concrétisé en mai
2004, le processus de réforme en Méditerranée a pris un
nouveau départ.
Bien que l'UE soit le premier marché des deux
ensembles, ses relations avec les PM ont été moins fructueuses
comparativement aux PECO. Les accords d'association ont subi les
conséquences d'un changement de priorité des
préoccupations européennes vers les économies de l'Est.
Ceci s'est traduit par une disproportion des sommes d'aide au
développement en faveur des partenaires européens : en 2002, les
fonds structurels alloués aux PECO étaient de 545 euros par
tête, alors que les fonds MEDA destinés aux PM étaient
seulement de 14 euros par tête.
Le risque de ne pas atteindre les objectifs de
convergence est plus élevé si le dispositif de transition est un
partenariat plutôt qu'une adhésion. C'est pourquoi les nouveaux
membres de l'UE bénéficient d'une plus grande
crédibilité grâce à leur engagement dans le
processus d'intégration. En revanche, les PM ont opté pour un
dispositif d'accords d'association bilatéraux et donnent moins de
garanties de convergence. Ils doivent faire preuve d'une plus grande
capacité d'adaptation face aux besoins d'intégration et entamer
une phase d'harmonisation de leurs législations. Un tel changement prend
effet à travers une action collective visant à resserrer la
compatibilité et la cohérence des politiques
nationales.
En définitive, le schéma de
stabilisation de Barcelone, en tant que processus de réforme interne
prônant l'ajustement structurel, vise à faire converger les PM au
niveau des mécanismes de marché, de la libéralisation des
prix et de l'ouverture du système économique. Il met en avant la
nécessité d'une gestion macroéconomique plus rigoureuse,
étant donné le poids considérable du secteur public, dont
les résultats pèsent encore sur les budgets des
Etats.
Au-delà des critères économiques,
les accords d'association doivent permettre aux PM d'amorcer leur
développement sur deux plans. D'une part, favoriser l'émergence
ou la consolidation de la démocratie par un mécanisme de
contagion (au sens positif). D'autre part, susciter un intérêt
commun pour la paix à travers l'essor des échanges entre les deux
rives de la Méditerranée.
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