b. Déroulement du rating par Electre III
Notre objectif est à présent de
départager le contenu des catégories issues du tri. En utilisant
le procédé de distillation d'Electre III, nous avons
réduit le nombre d'ex æquo au sein d'une même
classe. Nous n'allons pas introduire de profils car il s'agit de comparer les
pays directement entre eux et de les ordonner (rating). L'exécution des
algorithmes de classement suppose la définition de seuils de
préférences faible et forte pour comparer les performances des
actions. La méthodologie utilisée introduit un seul seuil de
préférence faible et un seul seuil de préférence
forte par critère. Ils peuvent varier d'une période à
l'autre en fonction de l'évolution des performances des
actions.
Ces seuils ont été calculés
à partir du même raisonnement employé lors de l'application
méditerranéenne (étude de cas 1). En effet, nous avons
utilisé les écarts entre le 50ème et le
30ème centiles des performances pour le seuil
d'indifférence, puis le 50ème et le
80ème centiles pour le seuil de préférence.
Nous n'avons pas introduit de seuils de veto pour les mêmes raisons
évoquées précédemment.
En revenant aux résultats issus d'Electre Tri,
nous avons décelé quatre classes dont le cardinal est
supérieur à 1 (deux pour la première période et
deux pour la seconde). Cecinous a amenés à appliquer
Electre III à quatre reprises pour évaluer les distances
entre
tous les pays et pour les deux périodes. Notre
analyse permet de constater que la plupart des pays ont amélioré
leur position par rapport à celle préconisée par les
critères traditionnels et financiers. Cependant, des difficultés
les maintiennent à un niveau moyen ou faible comparativement à la
situation des pays européens avant l'adoption du traité de
Maastricht (cf. encadré 35).
Source : Gimet et Guessoum [2003], p.
12.
Encadré 35 : Rating des pays du
Mercosur
Après avoir subi les conséquences de la
crise mexicaine de 1995 (contagion par l'effet << Tequila »),
l'Argentine revient sur le marché financier international dès la
seconde moitié de l'année 1995 et termine en tête du
classement en 1996. L'intervention du FMI l'aide à consolider son
secteur privé et à renforcer son currency board. Le taux
de chômage est raisonnable et le taux d'inflation est faible par rapport
au reste de la zone. Le pays bénéficie également d'un
important niveau de réserves internationales et d'un taux
d'intérêt inférieur à celui de ses
voisins.
Une production diversifiée, que l'on
appréhende par le poids du secteur industriel, permet à
l'Argentine de répartir les risques lors d'un choc externe. Après
avoir subi les conséquences néfastes de la crise asiatique (1997)
puis de la dévaluation du real brésilien (1999), le pays a
dû recourir à un ajustement entraînant une récession
dès 1999. Sa situation économique se dégrade,
marquée par une augmentation importante du taux d'intérêt
et du taux de chômage. De plus, le pays souffre d'une réduction de
son épargne interne qui se traduit par une hausse de
vulnérabilité et aboutit en 2001 aux performances les moins
satisfaisantes de la zone.
Au Brésil, l'adoption du << Plan Real
» depuis 1993 n'a pas suffi à stabiliser l'économie. Le pays
souffre d'un taux d'intérêt trop élevé, d'un
important taux de chômage et ne parvient pas à maîtriser
l'inflation. Les IDE sont quasi-inexistants et les banques accordent un surplus
de crédit par rapport aux liquidités disponibles.
L'économie brésilienne est aussi fragilisée par un
important déséquilibre de sa balance courante et par un
endettement externe qui ne cesse de croître.
Particulièrement touché par la crise
asiatique et ne pouvant pas maintenir une politique économique
rigoureuse, le pays dévalue sa monnaie en 1999. Il se maintient alors
dans la catégorie la plus faible en 2001, contraint par le
déficit de sa balance courante et le poids dominant du secteur bancaire.
Il réalise quelques progrès en réduisant son taux de
chômage et son endettement externe. Le Brésil tente
également d'augmenter la part des IDE et des réserves
internationales en limitant l'entrée des capitaux de court terme
à caractère déstabilisateur.
Le Paraguay réalise des performances moyennes
en 1996. Il est avantagé par le faible poids du secteur bancaire dans
l'économie et par l'influence minime des investissements
étrangers volatils de court terme. Il bénéficie
d'importants IDE qui lui valent sa place parmi les pays qui réalisent
les meilleures performances de la zone. Le Paraguay est tout de même
déstabilisé par la dévaluation du réal
brésilien. Il est contraint d'assouplir son régime de flottement
contrôlé, ce qui diminue sa crédibilité aux yeux des
marchés étrangers.
C'est ainsi que la situation économique du pays
se détériore. Il s'ensuit une diminution du niveau des IDE qui
s'accompagne d'une croissance des flux d'investissements de court terme
fragilisant l'économie. Les risques liés au recours à
l'intermédiation bancaire et au déficit de la balance courante ne
cessent de croître. Le pays se retrouve alors dans la catégorie
3.
L'Uruguay connaît en 1996 une situation
économique et financière défavorable par rapport aux
autres pays du Mercosur. Ces fragilités sont dues à un taux de
chômage très élevé, une main-d'oeuvre peu mobile, un
taux d'inflation excessif et un taux d'intérêt nominal
considérable. Sa vulnérabilité est accrue par un manque
d'épargne nationale, un endettement externe trop lourd, une insuffisance
des IDE par rapport aux flux d'investissement de court terme, et par
l'importance de l'intermédiation bancaire. Autant dire que le pays ne
respecte aucun des critères lui permettant d'évoluer vers une
union monétaire.
Il reçoit alors l'aide du FMI et de la BM, ce
qui lui permet de résister aux perturbations internationales. Sa
situation économique se solidifie, et il parvient à maintenir son
système de crawling peg à la suite de la
dévaluation du réal brésilien. C'est ainsi qu'en 2001, on
le compte parmi les pays ayant réalisé les meilleures
performances de la zone. Son taux de chômage, son taux
d'intérêt et son taux d'inflation chutent considérablement
de même que sa dette externe amorce une baisse. La
crédibilité du pays augmente et, avec elle, la part des IDE. Sa
fragilité s'atténue grâce à un recours de moins en
moins prononcé au système bancaire.
La Bolivie et le Chili, membres associés au
Mercosur, réalisent des performances moyennes. En 1996,
l'économie bolivienne est entravée par des taux de chômage
et d'inflation élevés. De même, elle paraît
fragilisée par le poids du secteur bancaire et un déficit de la
balance courante. En contrepartie, l'économie chilienne connaît
des taux d'inflation et de chômage modérés, mais reste
fragilisée par un manque d'épargne nationale et un déficit
de la balance courante.
Ces deux pays connaissent une évolution qui
aboutit en 2001 à une situation opposée à celle de 1996.
En effet, la Bolivie se retrouve en catégorie 2 car elle a su
diversifier son économie, rétablir l'équilibre de sa
balance courante et diminuer le poids de sa dette de court terme. En revanche,
le Chili se retrouve en catégorie 3 car il a été
défavorisé par une hausse démesurée du taux
d'inflation, un recul des IDE et un recours croissant à
l'intermédiation bancaire.
Au final, les résultats de notre analyse font
ressortir la fragilité et l'instabilité du Mercosur par rapport
aux profils européens avant le traité de Maastricht. La
région ne semble pas prête à abandonner les instruments de
politique monétaire et de change pour résorber les
déséquilibres internes. Bien que certains pays aient
évolué vers une stabilisation de leur économie, ils
restent sensibles aux chocs externes du fait de leurs fragilités
financières. Les conséquences néfastes de la crise
asiatique sur le Mercosur puis de la dévaluation du réal
brésilien témoignent de cette
vulnérabilité.
Le résultat le plus marquant a
été l'amélioration de la situation économique en
Uruguay. Alors qu'en 1996 le pays n'était pas en mesure de respecter les
critères de convergence, il se retrouve cinq ans plus tard en tête
du classement. On note aussi la dégradation de la situation en Argentine
qui se retrouve classée parmi les pays les moins performants de la zone.
Le pays n'est pas arrivé à faire face aux pressions externes et
s'est enlisé dans la récession.
Pour conclure, rappelons que la présente
étude a permis d'envisager la capacité d'un ensemble de pays
à évoluer vers une union monétaire. Pour ce faire, nous
avons élaboré un comparatif multicritère des
économies du Mercosur (rating) tout en tenant compte de la situation
économique et financière des pays européens
(benchmarking). Nous avons opté pour l'utilisation des procédures
Electre III et Electre Tri qui se sont révélées
particulièrement satisfaisantes dans le traitement d'une telle
problématique. En tant que méthode d'affectation, Electre Tri
concorde parfaitement avec la logique de benchmarking, tandis qu'Electre III,
qui est une méthode de rangement, correspond au rating.
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