2. Périphériques de l'évaluation
multicritère : Descriptif, intérêts et limites
L'agrégation des critères et la
modélisation des préférences jouent un rôle
prépondérant dans les algorithmes de l'aide à la
décision. De ce fait, une terminologie spécifique s'est
développée autour de ce domaine. Il est donc essentiel
d'introduire les concepts de base utiles au déroulement d'une
étude multicritère. Il importe aussi d'identifier les
différentes procédures permettant de répondre aux
problématiques d'évaluation, y compris celles qui relèvent
du rating ou du benchmarking.
Nous postulons en vue de notre objectif final, qui est
de << profiler » des pays à partir d'un ensemble
d'indicateurs, que l'analyse multicritère peut correspondre aux
problématiques de rating et de benchmarking. Il est à noter que
les procédures abordées dans ce qui va suivre ne seront pas
traitées dans leur intégralité. Seules les méthodes
les plus importantes, du moins au regard de l'application que nous voulons en
faire, seront examinées dans le détail. Pour le reste, nous
allons élaborer une étude critique qui fera office de
référence pour corroborer nos hypothèses et confirmer
notre postulat.
a. Concepts spécifiques à
l'agrégation multicritère
Avant d'engager un processus de décision,
l'analyste doit faire face à un éventail de propositions ou de
possibilités appelées << actions potentielles » :
c'est le premier type de périphériques12
rencontré lors d'une évaluation multicritère. Dans notre
application empirique, il sera question de pays. Il ne s'agit en aucun cas de
<< solutions » car cette notion sous-entend que le problème
est d'emblée résolu et que les propositions s'excluent les unes
les autres. Dans le cadre du processus de décision, l'étape qui
consiste à déterminer l'ensemble des actions potentielles fait
partie intégrante de la modélisation et peut fortement
conditionner la suite du circuit décisionnel.
La détermination de l'ensemble des actions
dépend de l'état d'avancement du processus de décision et
contribue à la construction du problème. C'est pourquoi il peut
être stable (lorsqu'il est défini a priori et ne subit
pas de changements) ou évolutif (lorsqu'il se modifie à cause
d'informations supplémentaires ou d'un changement de contexte). Cet
ensemble, généralement noté A, contient
m éléments notés ai (i ?
{1, 2,..., m}). Il peut être défini en extension,
par une liste énumérant ses éléments, lorsque le
nombre d'actions est restreint ou fini (c'est le cas des procédures de
rating et de benchmarking). Autrement, cet ensemble est défini en
compréhension, par une contrainte mathématique, lorsque le nombre
d'actions est infini.
<< Un critère vise à
résumer, à l'aide d'une fonction, les évaluations d'une
action sur diverses dimensions pouvant se rattacher à un même axe
de signification, ce dernier étant la traduction opérationnelle
d'un point de vue au sens usuel du terme » (Roy et Bouyssou [1993],
p. 46).
12 Pour rappel, la notion de périphériques
renvoie aux concepts introduits lors de la construction du modèle et de
l'agrégation des préférences précédent
l'étape de mise en pratique des algorithmes de
décision.
Les critères sont donc le second type de
périphériques introduit aux côtés des actions
potentielles. On est au coeur même de l'agrégation car l'analyste
doit prendre en considération les préoccupations du
décideur et ses préférences. Dans un processus de
décision classique, celles-ci sont généralement
exprimées de manière littéraire. En revanche, pour un
rating ou un benchmarking à l'échelle macroéconomique, les
critères doivent faire ressortir les caractéristiques du
système de représentation. A cet effet, l'analyste effectue une
revue de la littérature pour cerner le contexte politique et
socioéconomique de l'étude. En somme, les faits doivent
être formulés en des termes pratiques (indicateurs), de sorte
à concorder avec l'aspect empirique de l'évaluation.
Un critère est défini comme une fonction
gj (j E {1, 2,..., n}, dont
l'ensemble de départ est A (ensemble des actions) et l'ensemble
d'arrivée est Ej (échelle de mesure).
Concrètement, ceci se traduit par l'expression suivante :
gj : A --*
Ej
ai ~ gj(ai) =
eij
Précisons que l'échelle de mesure
Ej est un ensemble non vide muni d'un ordre total. La notion de
critère, ainsi exprimée, a pour principal apport de faciliter
l'agrégation des facteurs qualitatifs. Ceci présente un avantage
indéniable en faveur des procédures de rating et de benchmarking
dans le cadre de l'évaluation des profils-pays. L'échelle de
mesure permet aussi de construire des relations de préférences
entre les actions et de les insérer dans la modélisation. A titre
d'exemple :
ai fait au moins aussi bien que ak
(cj critère croissant).
V ai, ak E A
: gj(ai) = gj(ak)
=
ak fait au moins aussi bien que ai
(cj critère décroissant).
Outre l'aspect technique, la détermination des
espaces de critères doit être exhaustive pour ne pas retomber sur
un problème monocritère. Ceci serait contradictoire avec notre
conception multidimensionnelle de l'évaluation. En pratique, cette
étape relève d'une grande complexité puisqu'il s'agit de
définir une multitude de critères aussi « objectivement
» que possible. A cet effet, la détermination de nuages de
conséquences permet de disposer de domaines de définition
étendus relatifs aux performances des actions. A partir de ces
ensembles, il suffit d'extraire uniquement les performances liées aux
critères sélectionnés. Enfin, il est utile de sonder la
portée de chaque indicateur pour éviter d'éventuelles
répétitions. Les indices synthétiques, par exemple,
doivent être manipulés avec prudence car ils sont un
condensé d'éléments dont on ne peut clairement mesurer
l'impact (leurs effets sont combinés et difficilement
dissociables).
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