b. Comparaison des systèmes de notes et
convergence des ratings
La méthode de rating dépend directement
de la nature des données prises en compte. Elle peut suivre une
démarche quantitative, qualitative ou une combinaison des deux. En
général, se sont les critères politiques qui
nécessitent un traitement d'ordre qualitatif. Celui-ci suppose
l'utilisation de questionnaires soumis à des spécialistes dans le
but d'attribuer à chaque critère une note subjective partant de
leur connaissance du terrain. Ces notes sont délimitées par une
échelle préalablement fixée (souvent de 0 à
100).
A travers leur démarche méthodologique,
les organismes de rating ont certains points communs qui pourraient
s'avérer significatifs. La procédure de transformation des
indicateurs composites en un indice estimateur du risque, est approximativement
la même. Les systèmes de notation employés ont pour point
commun d'engendrer un classement des pays suivant une évaluation
scalaire ou ordinale. Dans ce dernier cas, la note est tout d'abord
déduite sous forme numérique, à partir de données
quantitatives ou qualitatives. Ceci rend plus accessible l'application d'un
système de pondérations. Toutefois, ces organismes ne
délivrent quasiment aucune information concernant les opérations
effectuées sur les modalités de calcul aboutissant à la
notation10.
Encadré 11 : Décomposition des
systèmes de rating de Fitch, Moody's et S&P
Moody's
|
S&P
|
Fitch
|
Interprétation
|
Investment grade
|
Catégorie investissement
|
Niveau d'investissement de
sécurité
|
1ère Catégorie
|
Aaa
|
AAA
|
AAA
|
Qualité maximale (probabilité de risque
minimale)
|
Aa1
|
AA+
|
AA+
|
Qualité élevée (probabilité
de risque très faible)
|
Aa2
|
AA
|
AA
|
Aa3
|
AA-
|
AA-
|
A1
|
A+
|
A+
|
Qualité favorable (probabilité de risque
faible)
|
A2
|
A
|
A
|
A3
|
A-
|
A-
|
Baa1
|
BBB+
|
BBB+
|
Qualité correcte (probabilité de
risque normalement faible)
|
Baa2
|
BBB
|
BBB
|
Baa3
|
BBB-
|
BBB-
|
Speculative grade
|
Catégorie
spéculative
|
Niveau
d'investissement spéculatif
|
2ème Catégorie
|
Ba1
|
BB+
|
BB+
|
Faible protection contre les éléments
spéculatifs (probabilité d'évolution du
risque)
|
Ba2
|
BB
|
BB
|
Ba3
|
BB-
|
BB-
|
B1
|
B+
|
B+
|
Faible probabilité de respect des
engagements (Risque significatif avec marge de
sécurité)
|
B2
|
B
|
B
|
B3
|
B-
|
B-
|
Caa1
|
CCC+
|
CCC+
|
Eventualité d'un défaut proche
(risque considérable)
|
Caa2
|
CCC
|
CCC
|
Caa3
|
CCC-
|
CCC-
|
Ca
|
CC
|
CC
|
Eventualité d'un défaut imminent (risque
élevé)
|
C
|
C
|
C
|
D
|
DDD
|
En défaut (risque excessif)
|
|
|
DD
|
|
|
D
|
Source : Fitch Ratings [2002], p.15 ; Moody's
Investor Service [2002], p. 102 ; S&P [2003], pp. 131-134.
10 Seule l'agence PRS met à la disposition du
grand public la procédure ICRG en toute transparence : définition
et pondération des critères, modélisation et calculs,
construction et interprétation des notes.
Examinons de plus près les systèmes de
notation des agences Fitch, Moody's et S&P, pour
lesquels nous avons testé la convergence dans le temps, après
avoir établi un parallèle entre les critères
d'évaluation11. La répartition des notes se fait
globalement sur deux grandes catégories : la première
(Investment grade, Catégorie investissement, Niveau
d'investissement de sécurité) permet de classer les profils de
qualité et la seconde (Speculative grade, Catégorie
spéculative, Niveau d'investissement spéculatif)
répertorie les profils vis-à-vis desquels une attitude prudente
est recommandée. En tenant compte de ces échelles, il est
possible de regrouper les notes en sous-catégories suivant la
qualité du titre, tout en préservant la limite entre les
catégories d'investissement de sécurité et
spéculatif (cf. encadré 11).
En somme, les agents économiques disposent
d'une grille de lecture détaillée permettant de retranscrire le
niveau de risque encouru lors de l'investissement. Nous avons cependant
relevé que certaines agences, notamment Fitch et
S&P, proposent un système de notes plus stratifié
composé d'une sous-catégorie supplémentaire (D). Il reste
à vérifier si en dépit de cela, les ratings
convergent.
Concernant la construction de la base de
données, les notes prises en compte sont des ratings de long terme en
monnaie étrangère. A partir du moment où ils se rejoignent
au niveau de l'échelle, les systèmes de notation
alphabétiques (de Aaa ou AAA à D) ont été convertis
en systèmes numériques (de 1 à 22), plus adaptés
aux calculs. Nous avons sélectionné un échantillon de 59
pays que nous avons réunis en six groupes suivant leur niveau de
développement (cf. encadré 12, tableau 1). Dans un souci
d'uniformité, nous avons fait en sorte que l'étendue des
séries temporelles soit identique pour les pays faisant partie de la
même zone (cf. encadré 12, tableau 2). Nous avons ensuite
calculé pour chaque trimestre, une moyenne par région, afin de
minimiser les effets des économies atypiques et d'optimiser la lecture
des résultats.
En économétrie, la notion de convergence
suppose l'existence d'une modélisation des variables. Or,
l'évolution des notes émises par les agences de rating à
travers le temps, n'est pas été modélisée. Par
conséquent, nous avons procédé à un test de
cointégration en vue de vérifier si ces variables évoluent
de façon autonome (auquel cas elles ne sont pas
cointégrées), ou si elles ne s'écartent pas durablement
les unes des autres (auquel cas elles sont cointégrées). La
non-cointégration des variables suppose qu'elles évoluent dans
des directions différentes et pas nécessairement au même
moment : il y a forcément un écart entre les séries
temporelles, et donc divergence.
La cointégration en revanche, n'implique pas
systématiquement une convergence, elle suppose seulement que les
séries évoluent en même temps : il y a une relation de long
terme entre les variables. Dans ce cas, nous pouvons avancer qu'il existe un
écart entre les séries temporelles et compléter le test de
cointégration par une analyse des écarts entre les
systèmes de notation des trois agences.
11 Pour plus de détails concernant la composition
des familles de critères, voir annexe 8.
Encadré 12 : Caractéristiques de
l'échantillon utilisé pour le test de convergence
Tableau 1 : Composition des six zones
géographiques
Zone 1
|
Zone 2
|
Zone 3
|
Zone 4
|
Zone 5
|
Zone 6
|
Amérique du Nord et
Océanie
|
Amérique du Sud
|
Asie du Sud-Est et Iles du Pacifique
|
Europe Occidentale
|
Europe Orientale
|
Méditerranée Sud, Est et Afrique du
Sud
|
Australie
|
Argentine
|
Chine
|
Allemagne
|
Croatie
|
Afrique du Sud
|
Canada
|
Brésil
|
Corée
|
Autriche
|
Estonie
|
Chypre
|
États-Unis
|
Chili
|
Hong-Kong
|
Belgique
|
Lituanie
|
Égypte
|
Mexique
|
Colombie
|
Inde
|
Danemark
|
Pologne
|
Grèce
|
Nouvelle-Zélande
|
Pérou
|
Indonésie
|
Espagne
|
Roumanie
|
Israël
|
|
Uruguay
|
Japon
|
Finlande
|
Russie
|
Koweït
|
|
Venezuela
|
Malaisie
|
France
|
Slovaquie
|
Liban
|
|
|
Philippines
|
Hongrie
|
Slovénie
|
Malte
|
|
|
Singapour
|
Islande
|
Tchéquie
|
Tunisie
|
|
|
Thaïlande
|
Irlande
|
|
Turquie
|
|
|
|
Italie
|
|
|
|
|
|
Luxembourg
|
|
|
|
|
|
Norvège
|
|
|
|
|
|
Pays-Bas
|
|
|
|
|
|
Portugal
|
|
|
|
|
|
Royaume-Uni
|
|
|
|
|
|
Suède
|
|
|
|
|
|
Suisse
|
|
|
Source : Guessoum [2004], annexe 2.
Tableau 2 : Caractéristiques de la base
de données
Un total de 59 pays répartis en 6 zones
géographiques
|
Bloc de pays
|
Contenu
|
Nombre de pays
|
Période
|
Nombre de trimestres
|
Zone 1
|
Amérique du Nord et Océanie
|
5
|
T3 1995 - T4 2003
|
34
|
Zone 2
|
Amérique du Sud
|
7
|
T1 1995 - T4 2003
|
36
|
Zone 3
|
Asie du Sud-Est et Iles du Pacifique
|
10
|
T2 1997 - T4 2003
|
27
|
Zone 4
|
Europe Occidentale
|
18
|
T3 1994 - T4 2003
|
38
|
Zone 5
|
Europe Orientale
|
9
|
T2 1996 - T4 2003
|
31
|
Zone 6
|
Méditerranée Sud, Est et Afrique du
Sud
|
10
|
T4 1995 - T4 2003
|
33
|
Source : Guessoum [2004], p. 16.
Concrètement, les séries de
données relatives aux six zones étudiées ont un
comportement parfois aléatoire, dû notamment aux chocs survenant
en période de crise. Cet effet a été observé au
niveau de la zone Amérique du Sud (cf. encadré 13,
graphique 2), où le degré de risque a très vite
augmenté entre 2001 et 2002 suite à la crise argentine. Le
même effet a touché la zone Asie du Sud-Est et Iles du Pacifique
(cf. encadré 13, graphique 3), où le niveau de risque a
rapidement augmenté en fin d'année 1997. Quant à la zone
Europe Orientale (cf. encadré 13, graphique 5), c'est l'effet
inverse qui s'est produit dès 2001, à savoir le recul du niveau
de risque en raison de l'amélioration des standards économiques
et financiers avec pour perspective l'adhésion à l'UE. Le
même effet a été observé, dès 1999, au niveau
de la zone Méditerranée Sud, Est et Afrique du Sud (cf.
encadré 13, graphique 6), grâce à la convergence
politique, économique et sociale des pays dans le cadre des accords
d'association euroméditerranéens.
Un comportement beaucoup plus stable a
été constaté pour la zone Amérique du Nord et
Océanie (encadré 13, graphique 1) ainsi que pour la zone Europe
Occidentale (encadré 13, graphique 4). Dans ce dernier cas, on note une
régression du niveau de risque, dès 1998, due au resserrement des
écarts entre les standards économiques et financiers, avec pour
perspective une intégration parfaite dans le cadre d'une union
monétaire.
Par ailleurs, il apparaît qu'au niveau des six
zones étudiées, les séries de données ne sont pas
stationnaires, autrement dit, elles n'évoluent pas
régulièrement autour d'une moyenne. Un test de racine unitaire a
permis en l'occurrence de confirmer la nonstationnarité des variables. A
l'aide du logiciel Pc-Give, nous avons procédé au test de
Dickey-Fuller augmenté (ADF) afin de vérifier l'existence ou non
de racines unitaires. L'idée est de partir d'une hypothèse H0
selon laquelle une série de données admet une racine unitaire et
qu'elle est I(1). Accepter H0 signifie que la série n'est pas
stationnaire.
Le test ADF est dans un premier temps pratiqué
sur les variables en niveau. Les résultats montrent que les
séries sont intégrées d'ordre 1 et sont, par
conséquent, non stationnaires (cf. annexe 9, tableau 1). Dans
un second temps, le test ADF est effectué sur les variables en
différence première. Les résultats montrent que les
séries sont intégrées d'ordre 0 et sont donc stationnaires
(cf. annexe 9, tableau 2). Ceci signifie que les séries qui
sont à l'origine non stationnaires (variables en niveau) le deviennent
une fois différenciées (variables en différence
première). A partir de là, il est possible de pratiquer un test
de cointégration sur les variables en niveau. Ce test a
été effectué sur les variables en niveau par le logiciel
Pc-Give. Il s'appuie sur la procédure de Johansen et se décline
en deux étapes. La première a pour objectif de déterminer
le nombre de retards à retenir puis l'ordre du VAR selon les
critères de Schwartz, Hannan-QuinnAkaike ou Fisher (cf. annexe
9, tableau 3). La seconde permet de déterminer le nombre de relations de
cointégration existant entre les variables selon le critère de la
trace (cf. annexe 9, tableau 4).
Partant d'un nombre initial de quatre retards, les
résultats obtenus montrent que, quelle que soit la zone
concernée, il existe au minimum une relation de cointégration. A
ce niveau, le calcul des écarts-types entre les trois variables permet
de souligner l'intensité des décalages entre les ratings. Il
s'agit des courbes d'écarts types avec leur tendance linéaire
(cf. encadré 13, graphiques 7 à 12). Les
résultats montrent que les écarts entre les trois variables ont
tendance à augmenter, mais cette croissance est très faible (de
l'ordre de 0,20 tout au plus, sur une échelle de 22). En effet, comme il
s'agit de notes déterminées par une échelle
délimitée, elles ne peuvent pas s'écarter
indéfiniment, sinon elles sortiraient du cadre de
l'échelle.
En outre, sur les trois agences de rating il y a pour
chaque zone un sur-évaluateur du risque (agence pessimiste) et un
sous-évaluateur du risque (agence optimiste). En se
référant aux graphiques 1 à 6 (cf. encadré
13), nous constatons que pour les zones exposées aux crises
(Amérique Latine et Asie du Sud-Est), les agences Fitch et
S&P sont celles qui réagissent rapidement aux
phénomènes d'instabilité, alors que Moody's est
relativement moins sensible. En revanche, pour les régions stables
(Amérique du Nord, Océanie et Europe), ce sont les agences
Fitch et Moody's qui surévaluent le
risque.
Source : Guessoum [2004], pp. 17-19. Rating Fitch
Rating Moody's Rating S&P
Au final, il s'avère que S&P
entretient une attitude pessimiste, Moody's une attitude optimiste, et
Fitch une position intermédiaire. Ceci est, sans doute,
dû aux nuances qui existent entre leurs méthodologies de calcul
(les algorithmes de la boite noire), puisque sur le plan des critères,
des périodes, ainsi que des zones de couverture, le problème de
convergence ne se pose pas.
Encadré 13 : Résultats du test de
convergence des ratings
|