3. Les variables subsidiaires : Comment inclure les effets
indirects sur la croissance ?
En plus des critères susdits, d'autres
variables peuvent avoir des effets indirects sur le niveau de
développement économique (cf. annexe 1). Bien que
certains facteurs n'aient pas d'effets clairement observables sur la dynamique
de croissance, ils peuvent être des déterminants de la
qualité institutionnelle qui, elle, a des répercussions directes
sur la croissance. Les inégalités, les divisions ethniques ainsi
que les structures juridiques, sont autant de facteurs qui ont un lien avec le
développement. Ce lien a tout d'abord été qualifié
de positif, puis il s'est estompé avec la dynamique de croissance pour
enfin s'inverser.
Une étude empirique sur les pays
d'Amérique Latine montre que les inégalités issues de la
redistribution inéquitable des actifs ont conduit à une
instabilité politique caractérisée par la montée
des mouvements revendicateurs (Rodrik [1999]). Plusieurs études ont
d'ailleurs confirmé cette hypothèse. Dans une toute autre
sphère, les conflits ethniques peuvent avoir des effets similaires, car
ils conduisent à des sociétés divisées. Ils peuvent
également générer des inégalités en termes
de redistribution, étant donné que les différents groupes
ethniques s'intéressent plus à la prospérité de
leur filiation qu'à celle du pays dans son ensemble. On peut penser que
ce type de divisions favorise l'instabilité politique et la
déficience des institutions économiques (Collier
[2000]).
Du côté des lois, il s'est
avéré que les performances de l'Etat sont moindres dans les pays
de tradition juridique socialiste, tandis que le principe britannique du
common law2 est plus favorable à
l'activité des entreprises. Par ailleurs, ces performances se sont
révélées inférieures dans les pays pauvres et
hétérogènes sur les plans ethnique et linguistique (La
Porta et al. [1999]). Enfin, concernant l'éthique et la
tolérance, certaines études ont choisi la religion comme
indicateur et ont permis de constater que la nature de la corrélation
entre cette variable et la dynamique de croissance dépendait fortement
du type de confession religieuse dominant (Sala-i-Martin [1997]).
a. Droits de propriété et secteur
informel
En matière d'innovation, les petites structures
(PME / PMI) sont loin de faire le poids devant les grands groupes industriels
(FMN) qui investissent des sommes colossales dans la R&D. Les brevets comme
tous les autres moyens de protections de la propriété peuvent
freiner la diffusion de l'information et réduire l'accessibilité
aux résultats de la recherche. Ils font ainsi obstacle à la
dynamique de l'innovation, et par conséquent au développement
économique. En parallèle, des droits de propriété
insuffisamment protégés augmentent les coûts de transaction
et nuisent tout autant à la croissance. Il faut donc trouver le juste
équilibre afin d'identifier si la protection de la
propriété est à introduire en tant que critère
croissant ou décroissant dans le système de représentation
de la performance économique. Si en théorie le principe de base
est simple à formuler, concrètement il est moins évident
d'identifier les mécanismes et les paramètres mesurant
l'efficacité des droits de propriété.
2 Les modes d'organisation juridique de la common
law britannique accordent une place primordiale à la jurisprudence
et non à la loi comme moyen ordinaire d'expression du droit
commun.
Pour ce qui est du secteur informel, des études
ont tenté d'intégrer des indicateurs de distorsions liés
à l'inefficience des institutions publiques et aux erreurs de politique
macroéconomique. A titre d'exemple, la prime du marché noir est
un coût de transaction qui évalue les externalités
négatives introduites par le gouvernement sur le marché des
changes. De même, l'indicateur de corruption, qui est une taxe sur les
transactions, engendre des effets négatifs sur l'activité
économique (Mauro [1995]). La part de capitaux protégée
par un contrat et représentée par les dépôts
auprès des banques est aussi un indicateur de crédibilité
des marchés. Il permet non seulement de mesurer la confiance des
individus vis-à-vis du système bancaire, mais aussi de juger de
la stabilité de la politique monétaire. Cet indicateur est
positivement corrélé avec le développement
économique.
Dans le même ordre d'idées, il est
possible de mesurer la sécurité des contrats et des droits de
propriété grâce aux indicateurs d'organismes
spécialisés dans l'évaluation des risques comme BERI et
ICRG. Il a été démontré que ceux-ci avaient un lien
significatif avec les taux de croissance (Knack et Keefer [1995]). D'autres
évaluations ont été élaborées à
partir d'entretiens avec des hommes d'affaires au sujet de leur perception de
la sécurité des contrats. Il en ressort que ceux-ci sont
étroitement liés aux performances nationales en termes de
croissance. Il est utile de souligner que l'échantillon relatif à
cette étude concernait d'abord les pays d'Amérique Latine, puis a
été étendu à un ensemble plus vaste
d'économies en transition (Brunetti et al. [1998]). Dans tous
les cas, les résultats précédents ont été
confirmés, à savoir que la relation entre droits de
propriété et développement économique est
positive.
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