b. Evaluer les risques qui nuisent au
développement
Les risques liés à l'inefficience de la
politique économique ont des répercussions sur différents
plans. En premier lieu, le risque sur le capital humain se manifeste par
l'exode rural et déstabilise le tissu social. En second lieu, le risque
sur le capital physique touche l'investissement qui devient inefficient et
d'autant plus vulnérable que les montants engagés sont
élevés. En troisième lieu, le risque porte sur le domaine
de l'innovation et concerne surtout les petites structures qui, de peur
d'être peu rentables, n'engagent pas de fonds dans la
R&D.
Le secteur public est lui aussi exposé au
risque. Le détournement des règles formelles à des fins
personnelles est omniprésent. Le rôle des institutions est de
privilégier la transparence et d'instaurer un climat de confiance pour
éviter les comportements frileux vis-à-vis des projets
susceptibles de favoriser le bien-être collectif. Il faut donc oeuvrer
à la réduction des risques liés à l'inefficience du
système politique, notamment lorsqu'un changement de gouvernement est
accompagné de programmes inattendus ou en totale incohérence avec
ceux du gouvernement sortant.
L'instabilité politique, qui est l'une des
principales composantes du risque-pays, doit faire l'objet d'évaluations
pertinentes pour l'appréhender. Cet indicateur, dont les enjeux
géopolitiques relèvent de la souveraineté nationale, est
une synthèse de paramètres relatifs à l'instabilité
(coups d'Etat, révolutions, guerres). Tous engendrent un climat
d'insécurité qui entrave les perspectives d'investissement sur le
moyen voire le long terme. Il s'agit d'un critère en défaveur de
la croissance qui joue contre l'attractivité économique
(Sala-i-Martin [2002]).
Actuellement, l'évaluation du risque-pays est
très sollicitée, aussi bien par les opérateurs sur les
marchés internationaux que par les décideurs sur la scène
politique. Les anticipations liées à ce facteur sont un
déterminant crucial de l'investissement (direct et de portefeuille) et
peuvent également déstabiliser les marchés financiers
(comportements spéculatifs). Précisons enfin que l'estimation du
risque-pays, autrement dit le rating, affecte directement la dynamique de
croissance, puisqu'elle est liée aux conséquences du processus
d'accumulation des connaissances qui repose sur l'investissement en capital
physique et humain.
Sur le terrain, diverses analyses attestent de
l'existence d'un effet positif de la stabilité politique sur le
développement. Au cas par cas, certaines études mettent en
évidence les révolutions et les crimes politiques mais de tels
critères ne sont pas significatifs (Barro [1991]). D'autres introduisent
l'effet des coups d'Etat sur la croissance ou encore l'influence d'une mesure
composite de l'instabilité politique sur l'investissement, qui
s'avère être négative (Alesina et al. [1996]). Au
final, tout porte à croire que l'instabilité politique, en tant
qu'indicateur représentatif d'un cadre institutionnel inefficient, doit
être associée à d'autres facteurs bien plus nuisibles
à la croissance (des droits de propriété mal
définis, par exemple).
Les activités relevant du domaine public, de
par leur impact sur la société et l'économie (positif ou
négatif), permettent de définir certains critères du
système de représentation. La gestion du budget de l'Etat pour
couvrir les dépenses publiques en matière d'infrastructures,
d'éducation et de santé constitue d'ordinaire un bon indicateur
du cadre institutionnel. D'un côté, l'Etat fournit des biens et
des services donnant lieu à des externalités positives, et de
l'autre, il alimente ses caisses à l'aide de systèmes de
prélèvement. Ceci donne lieu à des distorsions qui
affectent la prospérité économique et le bien-être
social des populations, particulièrement dans les PVD
(inégalités). Il s'agit donc d'un critère à
manipuler avec beaucoup de prudence dans la mesure où la politique
budgétaire exerce une influence non négligeable sur le niveau de
croissance économique et contribue à son
évaluation.
La nature de cette évolution (progression ou
régression) dépend du type d'externalité qu'engendre le
budget (positive ou négative), qui lui-même dépend de la
source de financement et du projet financé. Sur le plan
théorique, pour compenser les effets indésirables
engendrés par les dépenses publiques, il suffit que le taux de
rendement des projets financés dépasse la charge fiscale
supplémentaire qui en est issue. Ceci est réalisable pour les
dépenses d'investissement au sens large (capital physique et humain), ou
encore les dépenses de santé.
Sur le plan empirique, une étude
réalisée sur un échantillon de 98 pays a montré que
les dépenses en matière d'éducation engendrent des
externalités positives sur la croissance (corrélation positive
entre le taux de croissance du PIB par tête et le taux de scolarisation).
En outre, il s'est avéré que la croissance était
corrélée négativement avec la part de la consommation du
gouvernement dans le PIB, et positivement liée à la
stabilité politique (Barro [1991]).
Pour ce qui est des sources de financement, il faut
savoir que l'impôt direct interfère forcément dans les
décisions économiques et engendre des pertes en termes de
bienêtre. Il aspire parfois à des objectifs de rente, ce qui
présente un risque de détournement de l'activité
économique vers des emplois non productifs. On est donc en
présence de deux externalités négatives du budget sur la
croissance. D'un point de vue empirique, des études ont montré
que dans certains pays, comme c'est le cas aux Etats-Unis, le recours à
l'impôt direct permet de financer le solde négatif d'une politique
budgétaire volontairement déficitaire (Easterly et Rebelo
[1993]).
Les droits de douane, qui sont un autre moyen de
prélèvement, influent négativement sur l'efficience de la
politique économique. En dépit de cela, ils sont
fréquemment utilisés au sein des PVD car faciles à fixer,
à collecter et à contrôler. Il en est de même pour
les taxes sur la production, notamment lorsqu'il s'agit d'industries
manufacturières ou extractives qui comptent un nombre restreint de
producteurs. Sur le plan empirique, les résultats n'ont pas
été significatifs en ce qui concerne les externalités
négatives des taxes car, à la base, un excédent
budgétaire ne peut pas nuire à l'activité
économique. C'est finalement l'efficience des projets auxquels le budget
est affecté qui est décisive.
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