2. Les sources d'instabiité : Quels facteurs nuisent
aux politiques économiques ?
Si le choix leur est donné, les individus tout
comme les entreprises ayant de l'aversion pour le risque ont tendance à
opter pour des stratégies permettant de réaliser des gains dans
les plus prompts délais. Les effets que provoquent leurs
décisions sur le long terme et sur d'autres secteurs d'activité
n'entrent pas en ligne de compte. Dans le domaine de la finance par exemple,
cette attitude est qualifiée de myopie ou d'aveuglement au
désastre. Plus généralement, il s'agit
d'externalités négatives.
A l'inverse, l'investissement qui est une privation de
consommation imminente peut engendrer, dans bien des cas, des
bénéfices sociaux a posteriori. L'investissement dans le
domaine de l'éducation, la formation ou la culture illustre les effets
positifs ultérieurs de l'accumulation de capital humain sur les
individus et la société.
Il est à noter que ces externalités
positives ne profitent pas toujours à la génération qui en
est à l'origine et ne se manifestent que quelques cycles plus tard. Le
risque de voir apparaître des comportements problématiques
guidés par une logique opportuniste est omniprésent (attitude
répandue dans les gouvernements des PVD). Par conséquent, les
perspectives de gain immédiat fondées sur une vision de court
terme restent globalement en opposition avec les stratégies
d'accumulation de long terme propre à la logique de
développement.
<< ...l'absence de confiance dans ses
propres gouvernements est extrêmement coûteuse pour l'ensemble de
la communauté car elle entraîne une série de comportements
opportunistes et les mécanismes d'aspiration sociale par le haut ne
fonctionnent plus ... Les gouvernements doivent savoir faire preuve d'une
crédibilité et d'une stratégie sur le long terme
permettant à la population de croire en un avenir meilleur...»
(Tahri-Joutei [2004], p. 286).
Prendre conscience de la nécessité d'un
investissement commun assurant la pérennité du
développement, suppose l'existence d'institutions fortes et fiables,
garantes d'un avenir meilleur. L'idée est d'instaurer un climat de
confiance et de protéger la société des déviations
opportunistes en proposant des projets prometteurs avec des effets positifs et
durables. Dans une telle perspective, la crédibilité des services
publics est d'autant plus déterminante que les incidences liées
au comportement opportuniste présentent de nombreux risques (cf.
annexe 1).
a. Rendre compte du rôle
prépondérant des institutions
Les termes << organisation » et <<
institution » sont souvent confondus. Il est donc utile de rappeler la
nuance entre ces deux dimensions. Alors que les organisations
représentent les structures (entreprises, marchés, structures de
l'Etat), les institutions constituent les règles du jeu (support
à la prise de décision). Les composantes du cadre institutionnel
sont non seulement les règles formelles, mais aussi leurs
caractéristiques d'application (système juridique, arrangements
institutionnels).
Plus précisément, les institutions
politiques se chargent de définir en amont les structures de l'Etat et
le cheminement du processus politique, ainsi que la création des
institutions économiques. En aval, elles veillent a l'exécution
des politiques économiques et a leur encadrement administratif. Quant
aux institutions économiques, elles veillent a la coordination des
processus de production, des mécanismes de distribution et des relations
sur les marchés (Borner et al. [2004]).
Concrètement, les institutions veillent au bon
fonctionnement des marchés, au respect des droits de
propriété et a la régulation des conflits pouvant survenir
en raison de la rareté des biens et des ressources. Par
conséquent, dans une économie privée de droits de
propriété, les échanges se produisent dans un climat
d'insécurité suivant la loi du plus fort. Dans ce sens, le
rôle de l'Etat et l'étendue de son pouvoir sont les
déterminants cruciaux de la qualité institutionnelle. De
même, les coûts de transaction inhérents a la conclusion des
contrats et arrangements confirment l'importance du système juridique
dans la réduction des externalités. Il en ressort que la
liberté économique est forcément liée a la
liberté politique : un objectif de croissance a long terme
nécessite la mise en place d'un Etat de droit et la protection des
libertés civiles et politiques (North [1993]).
Les effets externes positifs inhérents a la
liberté politique sont discutables. En effet, elle peut favoriser les
intérêts des groupes de pression et ralentir le déroulement
d'un processus législatif, ou encore être en défaveur d'une
politique économique. Le meilleur exemple est probablement celui du
referendum européen de 2005 où le « non », notamment
dans certains pays fondateurs comme la France, a conduit au rejet du projet
constitutionnel. Dans une démocratie le choix d'un régime de
croissance est partagé entre les exigences individualistes des
consommateurs qui prennent le pas sur l'investissement a long terme et les
pressions autoritaristes des dirigeants qui s'approprient les excédents
budgétaires. Trop de liberté peut donc nuire a la croissance et
mener a des politiques sous-optimales (Bardhan [1993]).
Sur le plan empirique, le recoupement entre dix-sept
études portant sur le lien entre croissance et démocratie n'a pas
été concluant. En effet, trois types de corrélations ont
été relevées : positive, négative et non
significative (Brunetti [1997]). Concernant la nature du régime
politique favorable a la croissance, une étude partant d'une variable
proxi du cadre institutionnel (faute de disponibilité des
données) a permis d'observer que la démocratie était moins
propice a la croissance dans les PVD, alors qu'elle l'était davantage
dans les pays avancés (Durham [1999]). En contrepartie, une autre
étude a permis d'observer un effet positif de la démocratisation
dans les PVD (Miner, [1998]).
Au final, le système politique n'influe pas
directement sur la croissance car il ne fait qu'orienter la manière dont
les institutions sont construites et préservées. Cet effet va
dans le sens du système politique et touche a la qualité
institutionnelle, puis il se répercute sur la croissance
économique. Il est a noter que la démocratie amplifie les
responsabilités du gouvernement a l'égard des citoyens et
renforce leur engagement a l'égard des politiques choisies.
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